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« La transformation numérique du tertiaire est en effervescence »

Le groupe a su gérer la pénurie d’ingénieurs et poursuit ses projets de développement afin d’atteindre une taille critique dans les pays clés.

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«La transformation numérique du tertiaire est effervescence» | Crédits photo : Patrick Lazic (Patrick Lazic)
Publié le 19 oct. 2018 à 17:35
Simon Azoulay, Président-directeur général

Jugez-vous prudents vos objectifs de croissance et de rentabilité pour cette année, à savoir une croissance organique et une marge opérationnelle dans la continuité du premier semestre ?

Depuis qu’Alten a été introduit en Bourse en 1999, nous avons pris le parti de ne jamais décevoir le marché. Nous avons usé de prudence dans nos prévisions. Comme je l’ai dit lors du roadshow qui vient de s’achever, il n’y aura pas de soucis pendant trois ans. De fait, même en période de crise, nous avons toujours été résilients, nous avons par exemple été affectés pendant six mois seulement en 2009 lors de la dernière grande crise.

Pensez-vous pouvoir, à terme, dépasser une marge opérationnelle de 10-11 %, qui semble être votre moyenne normative ?

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Difficilement, dans le cadre de notre positionnement d’Ingénierie et conseil en technologies. Nous sommes les meilleurs avec ce niveau de marge. En fonction du calendrier (donc du nombre de jours ouvrés) et des acquisitions, dont les niveaux de marge sont souvent inférieurs à 5 % avant d’être redressés, la rentabilité fluctue mais ne dépasse en principe pas 11 %. Si jamais nous atteignions plus, les clients seraient sans nul doute vigilants.

Qu’en est-il de votre objectif de marge opérationnelle de 10 % en Allemagne, pays qui représente 10 % de votre chiffre d’affaires ?

Il y a cinq ans, la loi allemande a instauré des pénalités sur l’activité d’assistance technique, qui représentait alors l’essentiel de notre positionnement. La rentabilité a donc été grevée par ces pénalités, le temps que les équipes s’organisent en workpackage, qui consiste à prendre en charge la réalisation complète des projets des clients, avec notre propre encadrement technique. Nous avons désormais 60 % de workpackage outre-Rhin, qui vont nous permettre de repasser progressivement de 5 à 10 % de marge opérationnelle.

Quel est votre objectif en matière d’acquisitions ?

La croissance d’Alten est essentiellement organique, mais nous souhaitons atteindre une taille critique dans les pays importants. Nous avons atteint cette taille (avec environ 2.000 ingénieurs) en Allemagne, en Espagne et en Inde, et visons désormais le même effectif en Italie, en Chine, aux Etats-Unis, au Canada, au Benelux et dans les pays nordiques, à coups de rachats d’entreprises d’environ 200 ingénieurs facilement intégrables. Nous cherchons notamment à être présents dans tous les secteurs d’activité. C’est ce qui fait notre force et notre pouvoir de résilience.

Quels sont les secteurs les plus dynamiques aujourd’hui ?

La transformation numérique du secteur tertiaire est en pleine effervescence. Ce secteur représente moins de 20 % de notre chiffre d’affaires. Les cahiers des charges des directions des services informatiques sont remplis : avec l’intelligence artificielle, le cloud, la sécurité, le traitement de données, il s’agit de tout regrouper dans un même système d’information, de la gestion de la relation client à la technique et au commercial. Même dans les télécoms, la 5G va offrir de nombreuses opportunités.

Que change pour vous l’industrie 4.0 ?

L’engouement y est fort heureusement plus raisonné que dans les services tertiaires. Mais il y a tout de même des besoins énormes, avec une refonte complète des méthodes de travail. Désormais, l’outil est le même pour toutes les strates de l’industrie, de la gestion du programme industriel aux laboratoires R&D, des tests à la mise en production et jusqu’à la relation client. Cela se fait grâce à des logiciels produits par exemple par Dassault Systèmes, avec qui nous sommes partenaires. Tous les procédés de production communiquent. Ainsi, un chercheur en R&D peut voir à tout moment sa mission évoluer par une étude marketing en amont du projet. Cela a considérablement modifié la façon de travailler de nos équipes, auparavant très concentrées dans la R&D et désormais présentes à toutes les strates du projet. De fait, je considère que nous ne sommes plus une société de conseil en R&D mais une société d’ingénierie.

Les projets bénéfiques à l’environnement constituent-ils un fort relais de croissance ?

Il est certain que, en quelques années, le sujet environnemental a été intégré à toutes les étapes du processus de production, de même que les sujets de responsabilité sociale. Dans le secteur automobile, où nous sommes très présents, la voiture électrique semblait être un sujet encore lointain il y a trois ans. Tous les constructeurs vont désormais sortir un véhicule électrique. En réalité, il y a des innovations dans ce domaine qui ne sortent pas encore parce qu’elles ne trouvent pas de débouchés, le marché n’étant pas encore mûr.

Le secteur connaît d’énormes difficultés de recrutement. Comment faites-vous pour y remédier ?

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Nous avons un modèle différent de celui de nos concurrents. Ce n’est pas la DRH qui est en charge du recrutement chez Alten, mais nos managers, qui doivent embaucher, encadrer et accompagner dans leur gestion de carrière des équipes de 20 à 40 ingénieurs, en plus de leur mission commerciale. Les jeunes recrues peuvent souvent choisir parmi plusieurs projets ; grâce au développement des workpackages, qui nécessitent de renforcer les équipes d’encadrement, ils ont des perspectives d’évolution très séduisantes. Ils peuvent devenir manager, chef de projet.... Toutefois, nous avons eu une alerte en 2017. Le turnover est passé de 25 %, son niveau habituel, qui signifie que les ingénieurs restent environ quatre ans chez nous, à 28 %. Nous avons réalisé que les jeunes ingénieurs recherchent un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, et veulent donner plus de sens à ce qu’ils font. Nous avons alors créé des communautés auxquelles adhérent les ingénieurs, qui concernent des activités techniques, mais aussi ludiques, sportives, musicales ou culturelles. Nous avons aussi augmenté de 10 % les effectifs de managers, afin de pouvoir recruter davantage tout en conservant une proximité d’encadrement. Nous sommes rapidement redescendus à un niveau de turnover de 25 %. Nous avons aussi augmenté les grilles de salaires de 3 à 4 %, au lieu des 2 % annuels habituels.

Avez-vous réussi à répercuter les hausses de salaires sur les prix ?

Oui, nous nous en étions assurés au préalable auprès de nos clients lors des négociations tarifaires au moment des référencements. Pour une fois, la pression des salaires n’était plus un sujet tabou.

Sur les places boursières, les investisseurs sont devenus assez prudents. Observez-vous la même réserve dans les milieux d’affaires ?

On entend parler de la crise de confiance, avec Trump, le Brexit, la guerre commerciale. Mais nous n’en voyons pas les conséquences. Il faut dire qu’aucune entreprise ne peut se permettre aujourd’hui de prendre du retard dans l’innovation industrielle ou la transformation digitale. C’est aussi une des explications du fait qu’Alten est une société très résiliente aux crises.

Trouvez-vous la politique économique actuelle favorable aux entreprises ?

Il n’y a pas eu de grands changements, pas davantage de grandes résolutions que lors des deux précédents quinquennats. La loi Travail n’a pas eu d’impact pour nous, qui avons plutôt des difficultés à recruter. Si j’avais un souhait en particulier, ce serait de susciter plus de vocations d’ingénieurs. Les écoles sont obligées d’aller recruter à l’étranger pour remplir leurs promotions. Le métier a un déficit d’image alors qu’il est au cœur du digital et de l’innovation. La féminisation de la profession est aussi un enjeu majeur. Seuls 21 % des ingénieurs en France sont des femmes. C’est un immense vivier.

LA QUESTION QUI DÉRANGE

Souhaitez-vous augmenter votre dividende, que certains investisseurs jugent trop faible ?Il est vrai que nous sommes passés en quelques années d’un rendement de 2,5 à 1,2 %. Certains investisseurs nous le reprochent, d’autres estiment que nous devrions faire davantage d’acquisitions pour stimuler la croissance. Pour ma part, je pense que, tant qu’il y aura des opportunités de croissance externe – et j’aimerais qu’il y en ait davantage ! –, cela devrait rester notre priorité. En ce qui me concerne, je détiens 16 % des actions avec un droit de vote double, soit 25 % des droits de vote. Et je ne touche pas l’usufruit de mes dividendes, versés intégralement à des associations caritatives.

PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE MIGNON

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