Patrice Caine, l'homme du virage numérique de Thales
Le PDG du groupe électronique multiplie les acquisitions depuis son arrivée à la tête du groupe en 2014. Avec Gemalto, il veut créer un leader mondial dans la sécurité digitale.
Par Adrien Lelièvre
Thierry Breton espérait frapper un grand coup . Mais c'est finalement Patrice Caine, le patron de Thales, qui a raflé la mise en offrant 4,8 milliards d'euros pour mettre la main sur Gemalto . Une proposition immédiatement acceptée par l'ancien roi de la carte à puce.
A 47 ans, Patrice Caine est en passe de réaliser sa plus grosse acquisition depuis son incarne le choix de la continuité du groupe spécialisé dans l'aérospatiale, la défense et le transport. Un coup de poker ? Pas tout à fait. Si l'offensive éclair de Thales a pris tout le monde par surprise ce week-end, le PDG a confié qu'un rapprochement avec Gemalto était à l'étude depuis plusieurs mois.
Peu connu du grand public
En soufflant Gemalto à Atos , Patrice Caine entre dans la lumière, lui qui reste un des patrons du CAC 40 les moins connus du grand public, malgré des états de service remarqués.
Après un début de carrière dans le groupe pharmaceutique Fournier, une expérience à Londres dans les fusions-acquisitions chez Charterhouse Bank, il intègre au début des années 2000 le cabinet de Laurent Fabius à Bercy. Création d'Areva, rapprochement entre Technip et Coflexip, libéralisation des marchés électrique et gazier… Il sera alors, aux côtés d'un certain Matthieu Pigasse, de tous les grands chantiers qui ont remodelé notre paysage énergétique. Ce diplômé de Polytechnique et de l'école des Mines quitte la fonction publique en 2002, pour rejoindre le groupe Thales, né deux ans plus tôt de la fusion de Thomson CSF et Dassault Electronique.
Le brillant ingénieur est d'abord en charge de la direction de la stratégie, puis occupe des postes de direction dans plusieurs unités du groupe (aéronautique et navale, communication, navigation et identification, air systems, produits de radiocommunications etc.). De quoi lui donner une vue d'ensemble.
En 2013, il devient directeur général en charge des opérations et performance. Un an plus tard, cet amateur de golf et d'équitation prend les rênes de Thales à la faveur du départ surprise de Jean-Bernard Levy vers EDF. Il est alors préféré à Pascale Sourisse et Pierre-Eric Pommellet et incarne le choix de la continuité .
Leader de la sécurité digitale
Sous sa houlette, Thales a identifié quatre secteurs à développer en priorité : la connectivité, la cybersécurité, le big data et l'intelligence artificielle. Les acquisitions de Vormetric (2015) et Guavus (2017), une pépite californienne spécialisée dans le big data achetée pour 215 millions de dollars, procèdent de cette stratégie.
Lire aussi :
En s'offrant Gemalto, Patrice Caine à l'ambition de créer un leader mondial de la sécurité digitale. Le défi est de taille. Car le groupe franco-neérlandais, qui s'est repositionné sur la sécurité informatique, souffre de la crise structurelle de ses marchés historiques, la carte SIM et la carte bancaire. Gemalto a publié quatre avertissements financiers sur ses résultats cette année et a confirmé lundi son plan de licenciements en France.
Tremplin
Patrice Caine est toutefois convaincu que le rapprochement avec l'ancien roi de la carte à puce permettra aux deux groupes de sécuriser tout type de plates-formes (trains connectés, drones, avions de chasse, soldats connectés…).
D'ici 2021, Thales compte réaliser entre 100 et 150 millions d'euros de synergies annuelles avant impôt , notamment grâce à une mutualisation des coûts de R & D, des économies sur des frais généraux au sein du périmètre Gemalto et un élargissement de sa base client.
En cas de succès, cette acquisition pourrait être un tremplin dans la carrière du discret quadra, que certains imaginent un jour à la tête d'entreprises comme EDF ou Airbus…
Adrien Lelièvre