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« La mixité est une richesse pour l'entreprise »

Les mesures prises par la patronne de FDJ ont permis d’augmenter la part des cadres femmes.

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Stéphane Pallez, Présidente-directrice générale de FDJ (Patrick Lazic)
Publié le 22 mai 2020 à 17:35
Stéphane Pallez, Présidente-directrice générale

Est-il plus dur pour une femme d’accéder à un poste clé dans une entreprise ?

Par rapport au moment où j’ai commencé ma carrière, la situation a évolué positivement. Aujourd’hui, il y a bien davantage de possibilités pour une femme d’accéder aux plus hautes fonctions. Elles sont aussi qualifiées que les hommes, voire, dans certains pays, plus qualifiées. L’attention portée à ce sujet a complètement changé par rapport au début de ma carrière. La mixité relève désormais de la politique sociale et de la gestion du capital humain. Néanmoins, le parcours reste encore plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Certains pensent que corriger cette inégalité est juste une question de temps. Mais alors cela risque de prendre encore beaucoup de temps, notamment en France, comme on l’a vu pour la mixité dans les conseils d’administration. Il faut continuer de se préoccuper de ces sujets d’égalité et d’équité des carrières des femmes grâce à une politique engagée des entreprises et à une attention politique continue en général.

Qu’en est-il au sein de votre entreprise ?

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Dès mon arrivée, fin 2014, je me suis entourée d’un comité exécutif comprenant 40% de femmes. Pour progresser, il faut se donner des objectifs clairs, avec des étapes dans le temps, et se doter d’instruments de mesure. Il y a 43% de salariés femmes au sein de FDJ ; nous visons au moins cette proportion parmi les managers. Nous avons fixé cette cible en 2015, lors de l’adoption du plan stratégique FDJ 2020. La part des femmes cadres était alors de 34% ; nous avons aujourd’hui presque atteint notre objectif.

Comment avez-vous procédé ?

Par un engagement du management de l’entreprise dans la durée, au plus haut niveau et dans tous les métiers. Pour augmenter le pourcentage moyen, nous avons regardé dans quels métiers nous avions le plus de mal à recruter des femmes. Les systèmes d’information et les technologies, qui font partie de nos principaux métiers, étaient particulièrement concernés. Nous avons donc concentré nos efforts pour recruter et promouvoir des femmes et, surtout, les accompagner pour qu’elles accèdent à des postes de direction.

Pensez-vous que le management d’une femme diffère de celui d’un homme ?

J’ai la conviction qu’il ne faut pas « genrer » le management. En mettant les femmes dans des cases, on les assigne à certains types d’emplois ; c’est donc contraire à l’objectif de mixité et aussi à l’intérêt des femmes. Il y a d’abord des qualités de manager qu’il faut avoir dans certains contextes et à certains postes. Surtout, la mixité est une richesse pour les organisations en général et pour l’entreprise en particulier. Chaque 8 mars [Journée internationale des droits des femmes], j’offre aux salariés du groupe un livre portant sur la mixité. Cette année, il s’agissait d’un livre de la neurobiologiste Catherine Vidal, qui explique que toutes les études scientifiques actuelles montrent que le cerveau féminin ne fonctionne pas différemment du cerveau masculin.

A ce jour, il existe un quota pour la répartition du conseil d’administration. Doit-on en imposer un dans les autres instances, notamment le comité exécutif (comex) ?

J’ai participé aux débats sur les quotas dans les conseils avant l’élaboration de la loi. Celle-ci s’est révélée extrêmement positive pour les femmes et pour les conseils d’administration, qui se sont enrichis par les renouvellements et la diversité accrue des compétences. Cette loi a été bien faite car elle donnait un calendrier. Pour le comité exécutif, la question est plus difficile. Autant les conseils d’administration peuvent puiser dans des viviers externes, autant le comex capitalise plutôt sur les forces internes à l’entreprise. Il n’est donc pas possible d’avoir une direction mixte si l’entreprise elle-même n’est pas mixte. Cela nécessite du temps. Parfois, pointer du doigt ceux qui ne font rien peut s’avérer efficace pour les obliger à bouger. En France, où les évolutions sont parfois plus lentes que dans d’autres pays, la loi joue un rôle d’accélérateur des mouvements en cours. Bruno Le Maire et Marlène Schiappa ont lancé, avant la crise sanitaire, une consultation en vue de l’élaboration d’un projet de loi pour favoriser la parité dans les directions d’entreprise. Il ne faudrait pas le perdre de vue. Cela ne passe pas forcément par un quota qui s’appliquerait immédiatement à tous. Les choses peuvent aussi évoluer via la négociation collective dans l’entreprise.

La mixité est-elle un enjeu majeur de gouvernance ? Un gage de performance ?

Quand je regarde la composition des comités exécutifs des groupes du Cac 40 et du SBF 120, je me dis qu’il y a encore du travail. Dans de grandes entreprises, il existe encore des comex sans aucune diversité ! C’est très questionnant. Il faut sans cesse le rappeler, bien que cela tombe sous le sens : la mixité et la diversité constituent une véritable opportunité pour l’entreprise comme pour la société dans son ensemble.

La crise actuelle risque-t-elle de reléguer au second plan les enjeux ESG ?

Cette crise, différente des précédentes que nous avons connues, nous incite à protéger la santé économique des entreprises et en particulier à préserver l’emploi. Elle nous a aussi amenés à gérer l’entreprise de façon différente, ce qui pourra être capitalisé sur le long terme. Je pense que cette crise, au contraire, a plutôt tendance à accélérer des sujets qui étaient au cœur de la politique ESG.

Propos recueillis par Muriel Breiman et François Monnier

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