La Sonate pour piano “Waldstein” de Beethoven : entre tradition et modernité

Surnommée “Waldstein” et parfois même en France, “L’Aurore”, la Sonate pour piano n°21 de Beethoven fut composée rapidement, en moins de 2 mois. Chronologiquement, elle se situe à l’époque de l’écriture de la Troisième Symphonie “Héroïque”. La sonate s’inscrit dans une série de trois partitions pour le piano, aux côtés de la Sonate n°22 op.54 et de la célèbre Sonate n°23 op.57 dite “Appassionata”.

Beethoven a refusé que les 3 sonates soient publiées simultanément. Pourtant, elles se complètent dans leur puissance et leur sentiment de grandeur.

Les trois œuvres sont composées sur le même pianoforte qui supporte une dynamique et des tensions rythmiques considérables. Beethoven est en recherche constante de nouveaux claviers. Il se passionne pour les progrès de la facture instrumentale qui stimulent son travail. Au début du XIXe siècle, sa notoriété est déjà si grande que des firmes le sollicitent pour qu’il essaie leurs nouveaux modèles. Il se fait donc livrer des pianofortes provenant de la célèbre marque Streicher mais aussi des ateliers de Sébastien Erard. Le pianoforte disparaît dans les années 1830, pour laisser place au piano “moderne”, du moins à un instrument proche de celui que nous connaissons.

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La Sonate pour piano en ut majeur est une partition essentiellement expérimentale. La quantité impressionnante de ratures sur les manuscrits démontre que le travail fut long et fastidieux.

Le compositeur invente un nouvel univers sonore dont les sonorités et les timbres parurent pour le moins étranges aux oreilles de ses contemporains. La forme classique de la sonate n’y résiste pas. En apparence, l’œuvre est construite en trois mouvements. En réalité, nous n’entendons que deux immenses parties car le mouvement central n’est qu’une introduction au final.

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Comme souvent chez Beethoven, le matériau thématique peut sembler anodin. A défaut de superbes mélodies, l’auditeur découvre des fragments de phrases, des motifs rythmiques. L’Allegro con brio s’ouvre sur un grondement sonore des basses. La répétition des accords, puis un trémolo fait émerger le premier thème, en ut majeur, d’une violence inouïe. Le second thème est un choral fluide et grandiose en mi majeur. Les deux idées musicales si étrangères l’une à l’autre se combattent et alimentent leur énergie en effectuant d’incessants retours à leurs sources. Beethoven utilise toutes les techniques de l’écriture – répétitions, oppositions, résonances – pour assurer le développement le plus dynamique et original de l’Allegro. La Sonate se métamorphose parfois jusqu’à simuler la cadence d’un immense concerto.

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Le mouvement lent a été conçu dans l’esprit d’une improvisation énigmatique.

Une Introduzione Molto adagio précède le rondo final. Cette page méditative repose sur une ligne mélodique d’une grande simplicité. Le compositeur se serait inspiré d’un lied de batelier sur le Rhin, qu’il développe par la suite sous forme de variations. Pour remplacer l’andante traditionnel par cette Introduzione, Beethoven aurait suivi les conseils de l’un de ses élèves, Ferdinand Ries (1784-1838). Celui-ci lui fit remarquer que la sonate était déjà fort longue et qu’elle risquait de lasser le public.

 

Final de la Sonate Waldstein (Daniel Barenboim)

 

Le refrain qui anime le finale se développe avec une intensité prodigieuse.

Le Rondo est introduit par la mention Attacca subito il Rondo. Pour autant, le piano fait une entrée discrète. Il présente tout d’abord le thème par un Allegro moderato. La mélodie est jouée à plusieurs reprises, puis modulée et traitée sous les formes les plus contrastées. Cette amplification sonore permet au mouvement de passer d’un Allegro moderato à un Attacca subito il Prestissimo conclusif. L’énergie se libère dans un sentiment d’exaltation.

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L’œuvre est dédiée au comte Ferdinand Waldstein (1762-1823) qui fut le premier mécène important de Beethoven. Il lui permit en effet de s’installer à Vienne. La Sonate fut publiée avec le titre de “Grande Sonate”.

 

Stéphane Friédérich

 

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