Égypte : des archéologues découvrent la plus ancienne fabrique de bière au monde

Égypte : des archéologues découvrent la plus ancienne fabrique de bière au monde
Des archéologues ont peut-être découvert la plus vieille brasserie du monde en Egypte ©Ministère du Tourisme et des Antiquités

À Abydos, dans le sud de l'Égypte, une équipe d'archéologues a mis au jour les vestiges d'une brasserie datant de plus de 5000 ans. Il pourrait s'agir de la plus ancienne fabrique de bières connue à ce jour.

Après le fast-food de Pompéi, la brasserie égyptienne. Samedi 13 février, Mostafa Waziri, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, a annoncé la découverte par une équipe d’archéologues américains et égyptiens d’une vaste fabrique de bière qui pourrait se révéler être la plus ancienne connue à ce jour. Le communiqué diffusé sur Facebook précise que les vestiges, mis au jour sur le site d’Abydos, remonteraient probablement au règne du roi Narmer (vers 3100 av. J.-C.), roi fondateur de la première dynastie qui a joué un rôle déterminant dans l’unification du pays. La production de cette brasserie était probablement destinée à alimenter des rituels funéraires royaux.

Une production à grande échelle

Selon les premiers relevés effectués sur le site, la brasserie mise au jour serait d’une taille particulière importante. Elle regroupe, en effet, huit unités de production mesurant 20 m de long sur 2,5 m de large, et abritant chacune pas moins de 40 grands bassins en terre cuite, disposés sur deux rangées. C’est à l’intérieur de ces derniers que l’on faisait chauffer le mélange d’eau et de céréales (froment ou orge) qui servait à la fabrication de la fameuse boisson fermentée. Une fois tamisé et fermenté, le mélange pouvait être versé dans de grandes amphores de stockage ou de transport. La fabrique installée à Abydos assurait semble-t-il une production à grande échelle. Selon le chef de mission, le professeur Matthew Adams de l’Université de New York, 22 400 litres de bière à la fois pourraient avoir été produits en même temps.

Bière post-mortem

Un tel volume de production n’a rien d’étonnant étant donné que, dans l’Égypte ancienne, la bière, au même titre que le pain, est un élément central du régime alimentaire. Elle est, en effet, consommée de façon quasi quotidienne, aussi bien par les rois et les prêtres que par les ouvriers, sans distinction d’âge, de sexe ou de statut social. Elle remplit également, tout comme le vin ou l’hydromel, d’importantes fonctions sociales, politiques, économiques et religieuses, et pouvait même être utilisée à des fins thérapeutiques.
La bière compte de ce fait parmi les mets le plus souvent cités dans les formules d’offrandes funéraires qui, sous formes de représentations ou de hiéroglyphes placés dans la tombe, ravitaillent symboliquement le défunt dans l’au-delà. À cela s’ajoutaient les offrandes de nourritures faites par les vivants qui viennent déposer à l’endroit de la sépulture, sur une simple natte tressée ou sur une table en pierre, du pain et de la bière.

Vue aérienne du site de la brasserie d'Abydos : les bassins en terre cuite ©Ministère du Tourisme et des Antiquités

Vue aérienne du site de la brasserie d’Abydos : les bassins en terre cuite ©Ministère du Tourisme et des Antiquités

Des techniques millénaires

La technique de fabrication de la bière dans l’Égypte antique nous est d’ailleurs notamment connue grâce à un relief découvert à Saqqarah dans le célèbre mastaba de Ti, un haut fonctionnaire de l’Ancien Empire. Y sont en effet décrites les différentes phases de préparation du breuvage, depuis la création des récipients en céramique jusqu’au contrôle des mesures assuré par les scribes. En 2019, une équipe de chercheurs israéliens est parvenue pour la première fois à reproduire une bière de l’ancienne Égypte à partir de souches de levure vieilles de 3000 ans récupérées sur des fragments de céramique. Ils avaient cependant eu recours à une technique de fabrication moderne. La découverte d’Abydos devrait ouvrir de nouveau champs d’expérimentation dans ce domaine.

Modèles funéraires : Brasserie et boulangerie, provenant de la Tombe de Meketre, vers 1981–1975 av. J.-C., cons. Metropolitan Museum of Art, New York Metropolitan Museum of Art, CC0, via Wikimedia Commons

Modèles funéraires : Brasserie et boulangerie, provenant de la Tombe de Meketre, vers 1981–1975 av. J.-C., cons. Metropolitan Museum of Art, New York Metropolitan Museum of Art, CC0, via Wikimedia Commons

Mère des pots et dieu de la bière

L’existence d’une brasserie sur le site d’Abydos était connue des archéologues depuis le début du XXe siècle mais sa localisation n’avait jusqu’à présent pas pu être définie. Explorée de façon quasi ininterrompue depuis le milieu du XIXe siècle, notamment par Auguste Mariette, la ville antique d’Abydos abrite une importante nécropole où ont été mis au jour plusieurs complexes funéraires des premiers rois égyptiens (Ière et IIe dynasties).

Sous la XIIe dynastie (vers 1985-1773 av. J.-C.) cette nécropole royale est reconnue comme le lieu de sépulture du dieu Osiris. La ville devient alors l’un de ses principaux lieux de culte et attire des milliers de pèlerins venus déposer leurs offrandes. De nombreux sanctuaires ou cénotaphes, comme ceux de Séthi Ier et Ramsès II, y sont également érigés. Connue sous le nom de « mère des pots », la nécropole royale d’Abydos abrite ainsi des milliers de fragments de récipients, qui témoignent de l’importance du sanctuaire.
Divinité régnant sur le monde des morts, Osiris est également reconnu comme l’inventeur de l’agriculture et, comme le rapporte Hérodote, de la bière. Selon la légende, le dieu aurait oublié au soleil une décoction de céréales mélangée à de l’eau sacrée du Nil, créant ainsi « le vin d’orge », et en aurait partagé les secrets de fabrication avec les hommes.

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