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Squelettes décapités en Bretagne romaine : des archéologues résolvent l’énigme

Squelettes décapités en Bretagne romaine : des archéologues résolvent l’énigme
Des archéologues britanniques pensent avoir résolu le mystère des squelettes décapités de Knobb's Farm © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Des archéologues britanniques pensent avoir trouvé la raison pour laquelle de nombreux squelettes de l'époque romaine ont été retrouvés décapités près de Somersham, dans l'arrière-pays de Cambridge. Selon eux, ce nombre anormalement élevé d'exécutions s'explique par le durcissement de la loi romaine aux IIIe et IVe siècles.

Dura lex sed lex. La loi est dure, mais c’est la loi. Voilà sûrement les derniers mots qu’ont entendus les décapités de Knobb’s Farm, un site archéologique de la région de Cambridge, dans le sud-est de la Grande-Bretagne. Datant des IIIe et IVe siècles, les squelettes retrouvés par les archéologues de l’Université de Cambridge sur les lieux présentent, en effet, des caractéristiques étonnantes. La plupart ont eu la tête séparée du corps et nombre d’entre eux ont été enterrés face contre terre, ce qui est assez inhabituel, surtout à l’époque romaine. Les chercheurs ont donc voulu savoir quel mal avait frappé cette ferme lors de la domination romaine de l’île de Bretagne. Ils ont dévoilé leurs conclusions le 19 mai dernier dans une étude parue dans la revue universitaire d’archéologie romaine « Britannia » et estiment que ce grand nombre de décapitations a un lien avec la brutalité et l’intransigeance dont faisaient preuve les romains à l’égard des malfaiteurs à cette époque.

Proportions inhabituelles

Le site de Knobb’s Farm correspond à un ancien établissement agricole de l’époque romaine, qui aurait été bâti et organisé au cours du Ier siècle, et sur lequel l’Empire romain exerçait un contrôle minutieux. Le travail des archéologues de l’Université de Cambridge sur ces vestiges a commencé au début des années 2000 mais a été rendu difficile par la destruction involontaire du centre de la ferme dans les années 1960, au cours d’un chantier de construction. Les chercheurs n’ont, de fait, pu réaliser leurs observations que sur les marges de cette ferme qui, elles, ont pu être préservées. Lors de leurs différentes fouilles, ils ont mis au jour un ensemble de 52 tombes, dont les caractéristiques plus qu’inhabituelles ont éveillé leur curiosité.

Un tiers des tombe exhumées montrent que les défunts ont été décapités, et leur tête placée à leurs pieds © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Un tiers des tombe exhumées montrent que les défunts ont été décapités, et leur tête placée à leurs pieds © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Un tiers des défunts apparaissaient en effet décapités, 13 d’entre eux étaient par ailleurs inhumés face contre terre, une pratique considérée comme humiliante à l’époque, et un squelette de femme présentait même des traces manifestes de torture. Si les scientifiques estiment qu’environ 3 à 6% de la population de la ferme a été décapitée sur une génération, en comparant ces données avec d’autres sites archéologiques de l’époque romaine, il est apparu que la proportion de décapités par rapport au nombre de tombes était 10 fois supérieure à la moyenne. Intrigués, les archéologues ont alors entamé des recherches pour découvrir les raisons de telles pratiques funéraires, ressemblant davantage à des exécutions qu’à des pratiques rituelles.

Les chercheurs ont découvert de très nombreuses sépultures sur une zone assez réduite © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Les chercheurs ont découvert de très nombreuses sépultures sur une zone assez réduite © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Un signe de la violence du pouvoir romain ?

La piste cultuelle ou religieuse est en effet rapidement écartée par les chercheurs. Les prélèvements réalisés sur les squelettes démontrent en effet qu’ils ont été décapités de leur vivant et d’un coup d’épée à l’arrière de la nuque. Or, l’Empire romain, auquel était assujetti l’établissement agricole, proscrivait de façon très claire le sacrifice humain. Il semblait dès lors impossible d’un point de vue historique que tant de sacrifices aient pu être réalisés en dépit de la surveillance exercée par les troupes romaines, qui plus est de cette façon. L’analyse génétique des restes humains a par ailleurs montré que les cadavres ne présentaient aucuns liens de parenté les uns avec les autres et provenaient de différentes parties de l’île, voire d’Europe. La possibilité qu’il s’agisse de squelettes d’esclaves a, elle aussi, été rejetée car les romains n’auraient pas pris la peine de les humilier. L’absence d’autres blessures, excepté la décapitation, a enfin démenti la possibilité d’un massacre ou d’un combat.

La position face contre terre de nombreux squelettes reste, elle, inexpliquée © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

La position face contre terre de nombreux squelettes reste, elle, inexpliquée © Dave Webb/Cambridge Archaeological Unit

Pour les archéologues, la seule option plausible était donc que ces décapitations étaient le résultat d’une justice extrêmement sévère, qui recourait fréquemment à la peine de mort pour punir les crimes et donner l’exemple. Les IIIe et IVe siècle correspondent en effet à une période de tensions dans l’Empire, qui voit augmenter du simple au quadruple le nombre de délits passibles d’exécutions, en l’espace de deux siècles. En ce qui concerne l’inhumation face contre terre, outre l’humiliation, les scientifiques considèrent aussi que les proches des défunts ont pu y avoir recours dans un but superstitieux, pour empêcher le mort de revenir parmi les vivants. Quant à savoir pour quels crimes les décapités de Knobb’s Farm ont été punis, il faudra attendre que les morts se mettent à nous parler pour le savoir.

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