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Quand Narbonne était romaine : le musée Narbo Via révèle les trésors de la cité antique

Quand Narbonne était romaine : le musée Narbo Via révèle les trésors de la cité antique
Statue de Silène, marbre, fin Ier fin IIe siècle ap. J.-C., Narbonne ©CCJ/L. Damelet

Installé dans un bâtiment dessiné par Foster+Partners, Narbo Via ouvrira prochainement ses portes. Un musée dédié à la redécouverte de la cité antique de Narbonne, entre vestiges de monuments, mosaïques et peintures murales.

À la différence de Nîmes ou d’Arles, gardiennes de trésors d’architecture romaine à ciel ouvert, Narbonne ne conserve aucun vestige monumental de son passé antique. Située à la croisée de la Via Domitia (aménagée à partir de 118 av. J.-C. pour relier l’Italie à la péninsule Ibérique), de la Via Aquitania (qui menait à Toulouse), des voies maritimes et fluviales, Narbo Martius fut, sous le principat de l’empereur Auguste, la capitale de la province romaine de la Gaule narbonnaise. « Narbonne a été la première colonie romaine hors d’Italie et un important port de commerce, ouvert sur le monde méditerranéen. C’est une histoire cachée, qui est la raison d’être de ce musée », explique Valérie Brousselle, directrice de Narbo Via, Établissement public de coopération culturelle (EPCC) qui réunit également deux autres sites, l’Horreum, galeries souterraines du Ier siècle av. J.-C. à visiter dans le cœur historique de Narbonne, et le musée Amphoralis, à Sallèles d’Aude, aménagé sur le site d’un ancien village de potiers gallo-romains.

Un bâtiment signé Foster+Partners

La création de ce nouvel équipement dédié à l’étude et à la valorisation de l’histoire antique de Narbonne a été envisagée dès 2010, sous l’impulsion de Georges Frêche, alors président du Conseil régional. Une fois le projet scientifique et culturel validé en 2012 par le ministère de la Culture, la première pierre a été posée en 2015. Sobre et minéral, le bâtiment de 8000 m² dessiné par le cabinet Foster+Partners – associé à l’architecte nîmois Jean Capia – apparaît à l’entrée est de la ville, au bord du canal de la Robine. Monolithe aux lignes pures coiffé d’une canopée à larges débords, il est construit en béton compacté incrusté de graviers, dont les tonalités ocre rappellent la terre de Méditerranée. Habituée de la région, avec à son actif plusieurs réalisations majeures comme le viaduc de Millau et le Carré d’art de Nîmes, l’agence britannique signe un édifice brut, qui ménage à l’intérieur de vastes espaces décloisonnés, baignés de lumière naturelle traversante.

Vue aérienne du bâtiment de Narbo Via signé Foster+Partners ©Narbo Via

Vue aérienne du bâtiment de Narbo Via signé Foster+Partners ©Narbo Via

Une galerie lapidaire unique

« L’objectif de Narbo Via était de fédérer les collections antiques de Narbonne, poursuit Valérie Brousselle. Riches de 15 000 pièces, elles étaient jusqu’ici réparties entre le musée archéologique, au sein du palais des Archevêques, et l’église Notre-Dame de Lamourguier. » Transformée en musée, cette dernière abritait une impressionnante collection lapidaire de 1700 pierres gravées provenant du forum, de l’amphithéâtre et de monuments funéraires, détruits à la fin de l’Antiquité et au Moyen Âge. Nombre de ces blocs avaient ensuite été réemployés pour la construction des remparts de Narbonne. À la Renaissance, le roi François Ier décida d’en insérer certains autour des portes de la ville, pour les magnifier. Lorsque le mur d’enceinte a été démoli entre 1868 et 1884, une partie des pierres a pu être sauvée par la Commission archéologique et littéraire de Narbonne.

Bloc d'architecture avec décor de frise d’armes, calcaire, Ier siècle ap. J.-C. ©Narbo Via, A. Spani

Bloc d’architecture avec décor de frise d’armes, calcaire, Ier siècle ap. J.-C. ©Narbo Via, A. Spani

En étroite concertation avec les architectes de Foster+Partners, l’agence de scénographie Adrien Gardère a eu la belle idée de présenter 800 de ces blocs dans une galerie monumentale qui traverse tout le musée et en constitue la colonne vertébrale. « C’est un ensemble unique en Europe, et ce grand mur a été conçu comme un outil de gestion, d’étude et de valorisation, explique le conservateur Ambroise Lassalle, responsable des collections de Narbo Via. Classées par typologie de décors – frises doriques, guirlandes, inscriptions, rinceaux végétaux, visages…–, les pierres sont installées chacune sur une plateforme qui permet, grâce à un système automatisé, de les déplacer, de les isoler et de faire évoluer leur présentation. » Le circuit de visite est ensuite organisé en sections chronothématiques, qui déroulent six siècles d’histoire antique à Narbonne, de la fondation de la colonie romaine, au IIe siècle av. J.-C., jusqu’à l’époque où l’Empire romain devient chrétien, au IVe siècle.

Vue de la galerie lapidaire du nouveau musée Narbo Via à Narbonne ©Nigel Young

Vue de la galerie lapidaire du nouveau musée Narbo Via à Narbonne ©Nigel Young

Une cité vivante et prospère

Quelle était la physionomie de la ville antique ? Comment s’organisait-elle ? Accompagnés de plans et de dispositifs multimédias qui facilitent leur recontextualisation, des fragments d’architecture permettent d’imaginer les édifices publics de la cité : le Capitole construit en marbre de Carrare sous le règne d’Auguste à la fin du Ier siècle av. J.-C., l’amphithéâtre, le forum et les thermes. L’organisation sociale et politique, les pratiques religieuses, les jeux… sont documentés par un ensemble de bas-reliefs, d’inscriptions funéraires de magistrats, de figures de Narbonnais, de portraits de gladiateurs…

Mosaïque de l’Ivresse de Bacchus, Narbonne, rue Cassaignol, IIe-début du IIIe s., pierre, mortier et pâte de verre, 634 x 470 cm ©A. SPANI/NARBO VIA.

Mosaïque de l’Ivresse de Bacchus, Narbonne, rue Cassaignol, IIe-début du IIIe s., pierre, mortier et pâte de verre, 634 x 470 cm ©A. SPANI/NARBO VIA.

Réparties autour d’un atrium, les salles dédiées à la sphère privée abritent un bel ensemble de sculptures domestiques (la superbe statue de Silène ivre), de mosaïques à motifs géométriques et de peintures murales, « précieux témoignage du cadre de vie des notables », précise Ambroise Lassalle. La plupart de ces œuvres proviennent du Clos de la Lombarde, un îlot d’habitat constitué de deux domus, la Maison à Portiques et la Maison du Grand Triclinium, site mis au jour en 1973, qui a fait l’objet de fouilles pendant plus de trente ans.

Peintures du triclinium de la Maison à Portiques, Narbonne, fin IIe-début IIIe s., mortier peint sur panneaux restaurés, détail ©A. SPANI/NARBO VIA.

Peintures du triclinium de la Maison à Portiques, Narbonne, fin IIe-début IIIe s., mortier peint sur panneaux restaurés, détail ©A. SPANI/NARBO VIA.

Enfin, une section est dédiée à l’activité portuaire de Narbo Martius, particulièrement dynamique aux Ier et IIe siècles. Une collection d’amphores, de céramiques, d’inscriptions portant le nom de négociants ou de sociétés marchandes atteste des échanges commerciaux avec l’Italie, l’Espagne, la Grèce… L’accent est mis sur les découvertes récentes, fruits d’un Programme collectif de recherche sur les ports antiques de Narbonne (2010-2019) qui a permis d’explorer les sites de Gruissan, Port-la-Nautique et Mandirac. « L’organisation portuaire restait méconnue, en raison d’un important recouvrement sédimentaire, explique Ambroise Lassalle. Les connaissances ne cessent de s’enrichir. Narbo Via ne doit pas être une simple vitrine présentant des collections, mais un musée vivant, en perpétuelle évolution, en phase avec les avancées de la recherche et des fouilles archéologiques. »

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