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6 grandes entreprises qui pivotent pour rendre leur catalogue plus responsable

Les grandes entreprises communiquent volontiers sur les initiatives qu'elles mettent en place en faveur de l'environnement. Mais entre greenwashing et réel impact, difficile de s'y retrouver. En voici six dont le modèle est véritablement en train de pivoter, repérées grâce à Laure Blondel, directrice conseil « marques, produits et consommation responsable » chez GreenFlex, et Elisabeth Laville, directrice d'Utopies.

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(iStock)

Par Chloé Marriault

Publié le 4 mai 2022 à 07:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

« Peu de grandes entreprises ont vraiment bousculé leur modèle économique pour faire face à l'urgence climatique », constate Laure Blondel, directrice conseil marques, produits et consommation responsable au sein de GreenFlex, société qui accompagne les entreprises dans leur transition environnementale. Comment l'expliquer ? « Elles voient avant tout la pérennité de leur modèle économique et ne peuvent pas tout changer du jour au lendemain. »

« Certaines sont opportunistes et se targuent d'initiatives qui en réalité ne pèsent pas du tout dans leur chiffre d'affaires et n'influent pas sur le modèle économique », ajoute Elisabeth Laville, directrice d'Utopies, cabinet de conseil spécialisé dans l'environnement. On comprendra ainsi qu'une grande marque qui collecte des vêtements usagés en vue de les recycler et qui continue à sortir de nouvelles collections à prix mini tous les mois et fabriqués à l'autre bout de la planète n'est peut-être pas aussi vertueuse qu'elle le prétend.

Mais d'autres, sans être parfaites, progressent. Elles sont d'autant plus poussées à le faire que de petites marques viennent leur prendre des parts de marché avec des modèles vertueux et novateurs. Laure Blondel et Elisabeth Laville nous ont aidés à en sélectionner six qui ont réellement amorcé un changement.

Mobilier. Camif, l'entreprise qui veut relocaliser la production de meubles en France

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Ancienne coopérative fondée en 1947 par des instituteurs, cette entreprise spécialiste de la vente de meubles et d'objets pour la maison s'est développée sur le modèle de la vente par correspondance. Placée en liquidation judiciaire en 2008, elle est reprise par le groupe Matelsom avec un nouveau modèle d'e-commerce engagé dans la consommation responsable. Elle obtient la certification B Corp en 2015 et devient une société à mission en 2020.

Concrètement ? Depuis 2013, Camif affiche sur son site Internet les lieux de fabrication de chacun de ses produits, la provenance de leurs principaux composants et le nombre de kilomètres parcourus pour arriver à l'usine. Fin 2021, l'enseigne élimine définitivement de son offre les produits fabriqués en dehors d'Europe, alors que ceux-ci représentaient encore 7,8 % de son catalogue. Aujourd'hui, 77 % de son chiffre d'affaires provient de produits fabriqués en France.

Son nouveau challenge Maintenir la part de son chiffre d'affaires made in France au-dessus de 70 %.

L'avis de l'experte « Sur un marché du meuble dominé par le grand import asiatique à la qualité souvent douteuse, Camif a adopté un modèle qui montre qu'on peut sauver une marque et renouer avec le succès économique en pariant radicalement sur le local, la qualité et le durable. Et ce, avec un super effet d'entraînement sur les fabricants français, connus ou non », résume Elisabeth Laville d'Utopies.

Hygiène-cosmétique. Mustela, la marque qui mise sur les soins d'origine naturelle

Créée en 1950, la marque du laboratoire pharmaceutique et dermo-cosmétique Expanscience commercialise des produits de soins et d'hygiène spécialement conçus pour les bébés et mamans. Elle est certifiée B Corp depuis 2018.

Concrètement ? En 2010, elle se lance dans une démarche d'écoconception, avec l'objectif de réduire l'impact environnemental de l'ensemble du cycle de vie de ses produits (approvisionnement, production, distribution, packaging, fin de vie). En optimisant son packaging, elle a depuis économisé 152 tonnes de plastique et 78 tonnes de carton. En 2020, Mustela décide d'aller plus loin : pour limiter l'usage unique de ses emballages, elle lance des systèmes de recharge, désormais déployés sur quelques dizaines de points de vente (mais pour seulement deux produits). Elle a aussi progressé sur la composition de ses produits : en moyenne 96 % de leurs ingrédients sont d'origine naturelle (contre 80 % en 2010). Elle a commencé en 2019 à proposer des produits certifiés bio. Neuf le sont aujourd'hui, sur un total de cinquante.

Son nouveau challenge Elle s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2030. Elle compte réduire l'utilisation de plastique dans ses produits (et privilégier le plastique recyclé), développer les formats solides et faire en sorte qu'au moins 20 % de ses produits soient proposés en version rechargeable à l'horizon 2025.

L'avis de l'experte « L'aventure inspirante d'une entreprise familiale française et de sa marque phare historique montre que l'engagement n'est pas uniquement l'affaire de petites marques innovantes (comme Lamazuna par exemple), mais qu'il est possible de transformer en profondeur ses pratiques et ses produits pour devenir un leader reconnu de son marché », pense Elisabeth Laville.

Electroménager. Darty, l'enseigne qui ambitionne de lutter contre l'obsolescence programmée

Créée en 1954, Darty est une entreprise spécialisée dans la vente d'électroménager, matériels informatiques, téléphonie et audiovisuels. Rachetée par le groupe Fnac en 2016, l'enseigne dénombre 465 magasins en France fin 2021.

Concrètement ? Dans l'optique d'allonger la durée de vie des produits, le groupe a lancé en 2019 l'abonnement Darty Max. Le principe : les particuliers qui y souscrivent bénéficient d'un service de réparation sans limite sur le nombre d'appareils, de pannes ou d'ancienneté, qui comprend le remplacement des pièces défectueuses pour tous les appareils achetés chez Darty ou ailleurs. Le prix : de 9,99 euros à 19,99 euros par mois. L'enseigne dénombre 500.000 abonnés à ce service. Le groupe développe également une offre de seconde main (chez Darty et chez Fnac), avec des produits reconditionnés vendus en magasin et en ligne, mais ne communique pas de chiffres permettant de savoir si cette mesure a réellement un poids sur ses ventes.

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Son nouveau challenge Le groupe espère quadrupler le nombre d'abonnés à son service Darty Max d'ici à 2025. Il ambitionne d'augmenter le nombre de produits réparés, de 1,7 million par an actuellement à 2,5 millions en 2025.

L'avis de l'experte « Le marché de la seconde main et du reconditionné est encore timide, mais c'est une tendance de fond. L'enjeu de demain pour ce type d'enseigne sera de ne pas uniquement proposer une offre de seconde main/reconditionnée, mais de faire en sorte que celle-ci soit aussi désirable, voire davantage, que les produits neufs », souligne Laure Blondel de GreenFlex.

Loisirs. Decathlon, l'enseigne qui aspire à inscrire le sport dans l'économie circulaire

L'enseigne a fêté ses 45 ans l'an dernier. Son premier magasin a ouvert ses portes dans le Nord en 1976, à l'initiative de Michel Leclercq. Dix ans plus tard, Decathlon lance le Trocathlon, un événement ponctuel durant lequel des produits de sport d'occasion de particuliers sont remis en vente par l'enseigne.

Concrètement ? L'entreprise a décidé en 2018 d'aller plus loin en vendant toute l'année des produits d'occasion, en magasin et en ligne. Aujourd'hui, 94 % de ses magasins en proposent. Elle permet également depuis 2018 aux particuliers de louer du matériel durant quelques jours à quelques mois. Sont disponibles à la location du matériel de camping, de fitness, de musculation ainsi que des vélos. Elle a aussi ouvert des ateliers d'entretien et de réparation dans 310 de ses magasins, dans l'optique d'allonger la durée de vie de ses produits. Pour aiguiller les consommateurs dans leurs achats, elle affiche une note environnementale, allant de A à E, sur 63 % de ses produits textiles et chaussures, calculée sur l'ensemble du cycle de vie du produit, à partir d'une méthodologie développée par l'Ademe (Agence de la transition écologique) et le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Son nouveau challenge D'ici à 2026, elle assure vouloir afficher une note environnementale sur 100 % de ses produits textiles et chaussures et souhaite que tous ses magasins commercialisent des produits d'occasion.

L'avis de l'experte « Decathlon a toujours mis l'innovation au coeur de son modèle et de son développement. L'impact principal de l'enseigne étant la production des produits (et donc l'extraction des matières premières), toutes les initiatives en faveur d'une économie circulaire sont les bienvenues », estime Laure Blondel.

Habillement. Galeries Lafayette, le grand magasin qui pousse la mode à être plus vertueuse

L'enseigne naît en 1894 à Paris, à l'initiative de deux cousins. Elle vend aujourd'hui des produits dans toutes les gammes de prix, de l'habillement à la beauté en passant par la maison.

Concrètement ? En 2018, l'enseigne a mis sur pied Go for Good, un label interne, affiché sur Internet et en magasin, pour identifier les pièces qui « ont un impact moindre sur l'environnement, soutiennent la production locale ou contribuent au développement social ». Pour l'obtenir, un produit doit remplir au moins un critère parmi six (sur l'origine des matières premières, les procédés de transformation, sa durée de vie…).

Environ 1.000 marques ont des produits estampillés Go for Good au sein des rayons des Galeries Lafayette et du BHV Marais (soit une soixantaine de magasins). Dans leur majorité, ce sont des vêtements, mais il y a également des produits aux rayons beauté, bijouterie, maison et alimentation. « Nous ne prétendons pas présenter des produits 'parfaits' et responsables dans toutes les dimensions mais des produits 'meilleurs' par rapport à la moyenne du marché, explique Damien Pellé, directeur développement durable. L'objectif était aussi de créer une émulation entre les marques pour les inciter à accroître leur proportion d'offre responsable. » En 2021, les produits qui avaient ce label représentaient 22 % du chiffre d'affaires des deux enseignes.

Son nouveau challenge Augmenter cette part à 25 % du chiffre d'affaires à l'horizon 2024 et ce, alors que les critères pour y prétendre sont relevés. Cette année-là, ces enseignes entendent ne référencer plus que des marques qui auront au moins un produit estampillé avec ce label. En attendant, elles souhaitent que tous leurs magasins disposent d'un (Re) Store, un espace de vente dédié à la seconde main et à la mode responsable. Le premier a été inauguré en septembre 2021 dans son magasin du boulevard Haussmann, à Paris.

L'avis de l'experte « L'engagement responsable d'un distributeur, c'est d'abord la sélection des produits, puis leur mise en avant dans les magasins, avec la volonté de développer les ventes. En s'appuyant sur des labels existants et des critères robustes, la démarche Go for Good a déjà inspiré le concurrent principal de Galeries Lafayette, Le Printemps, mais aussi Sephora ou Maisons du Monde », souligne Elisabeth Laville.

Alimentaire. Danone, le groupe qui accompagne ses fournisseurs vers l'agriculture régénératrice

Fondé en 1919, le géant de l'agroalimentaire français est propriétaire de marques de produits laitiers et d'origine végétale (Activia, Danette, Les 2 Vaches…), d'eaux minérales naturelles (Evian, Volvic, Badoit…) et de nutrition spécialisée (Blédina…). En juin 2020, Danone est la première entreprise cotée à devenir société à mission. L'année suivante, ses filiales certifiées B Corp représentent 62 % de son chiffre d'affaires.

Concrètement ? Dans l'optique d'offrir une alternative aux emballages à usage unique, le groupe expérimente depuis 2019 un système de consigne sur plusieurs de ses marques : Blédina, Badoit et Evian. En France, Danone a lancé le projet Beet it pour accompagner et former 200 agriculteurs à l'agriculture régénératrice, en vue d'avoir 2.500 hectares cultivés ainsi d'ici à 2025, avec un soutien financier et technique. Le groupe assure qu'aujourd'hui 19,7 % des volumes d'ingrédients clés sont approvisionnés de manière directe auprès d'exploitations agricoles activement engagées dans la démarche d'agriculture régénératrice. Depuis 2016, Danone a également accompagné 1.400 agriculteurs (formation, diagnostics, soutien technique), permettant de réduire de près de 10 % leur empreinte carbone.

Ses objectifs Le groupe vise la certification B Corp pour l'ensemble de ses filiales d'ici à 2025.

L'avis de l'experte « Danone s'est engagé de façon systémique sur l'ensemble de sa chaîne de valeur, en prenant très tôt conscience de sa responsabilité sur les hommes et leur environnement, bien au-delà de son périmètre d'action directe. Il a entrepris un travail de fond sur ces sujets de façon très collaborative avec son écosystème », note Laure Blondel.

Chloé Marriault

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