« Eiffel Tower » par Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol : focus sur un chef-d’oeuvre

« Eiffel Tower » par Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol : focus sur un chef-d’oeuvre
Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, Eiffel Tower (détail), 1985, acrylique et sérigraphie sur toile, 203 x 275 cm © Estate of Jean-Michel Basquiat Licensed by Artestar, New Yor / David Bordes

En 1988, Basquiat meurt dans le studio-atelier qu'il louait à son ami et mentor Warhol. Des années de collaboration des deux artistes, laquelle s'achève sur une brouille définitive, naissent une centaine de tableaux créés à quatre mains, parmi lesquels « Eiffel Tower », réalisé en 1985 lors d'un séjour à Paris.

À l’automne 1982, le marchand Bruno Bichofberger amène Basquiat à la Factory d’Andy Warhol. D’une photo des deux artistes, Basquiat tire le sujet de la toile Dos Cabezas. Andy Warhol est enthousiasmé. Naît une collaboration intense des deux créateurs, qui produisent ensemble une centaine de tableaux. Grâce à Warhol, Basquiat s’initie à la sérigraphie et lui, en retour, redonne goût à la peinture à Warhol. C’était, selon le témoignage de Keith Haring, « une sorte de conversation physique, qui passait par des couleurs, non par des mots ».

Jean-Michel Basquiat, Dos Cabezas, Dos Cabezas, 1982, acrylique et h/t, 152,4 x 152,4 cm, collection particulière. Présenté dans l'exposition « Jean-Michel Basquiat » à la Fondation Louis Vuitton ©Guy Boyer

Jean-Michel Basquiat, Dos Cabezas, Dos Cabezas, 1982, acrylique et h/t, 152,4 x 152,4 cm, collection particulière. Présenté dans l’exposition « Jean-Michel Basquiat » à la Fondation Louis Vuitton ©Guy Boyer

Une création à quatre mains

Cette toile fait référence à un voyage commun de Basquiat et Warhol à Paris. Elle date de 1985. À ce moment-là, les deux artistes travaillent déjà, épisodiquement, depuis deux ans ensemble. La toile est emblématique de la manière dont ils procèdent. En fait, ils interviennent l’un après l’autre.
Warhol commence. Il pose le contexte et place ses figures sérielles. Sa sérigraphie est, ici, une perspective parisienne et deux tours Eiffel noires rehaussées de dessins blancs. Le fond est sombre et la tour Eiffel n’est déjà plus unique au monde. Basquiat prend la main, à la peinture acrylique. Il fait bondir aux quatre coins de la toile des grenouilles vertes, des Froggies du nom donné aux Français, « mangeurs de grenouilles ». Puis, il la pavoise des couleurs du drapeau national. Il fait varier les bleus, les blancs, les rouges. Il désolidarise les couleurs, les rythme jusqu’à aboutir à un aplat blanc où la tour Eiffel devient une fusée rouge en décollage immédiat. Basquiat ouvre la forme de la tour Eiffel, lui fait prendre un élan poétique et amusé.
Dans leurs œuvres communes, deux dimensions coexistent. Celle de Warhol implique des éléments iconiques posés à la surface du tableau et pouvant, éventuellement, se désolidariser de l’espace du cadre. Alors que l’apport plastique de Basquiat semble tissé à même la toile, radicalement solidaire de tout son jaillissement. Ces deux touches se sont conjuguées pour des résultats étonnants qui ont marqué l’histoire de l’art.

Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, Eiffel Tower, 1985, acrylique et sérigraphie sur toile, 203 x 275 cm. Présenté dans l'exposition « Jean-Michel Basquiat » à la Fondation Louis Vuitton © Estate of Jean-Michel Basquiat Licensed by Artestar, New York / David Bordes

Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, Eiffel Tower, 1985, acrylique et sérigraphie sur toile, 203 x 275 cm. Présenté dans l’exposition « Jean-Michel Basquiat » à la Fondation Louis Vuitton © Estate of Jean-Michel Basquiat Licensed by Artestar, New York / David Bordes

Basquiat-Warhol : un pas de deux

La dynamique du tableau est du jeune peintre de vingt-cinq ans, le fond statique est de Warhol, cinquante-sept ans. Deux façons très différentes de créer. La collaboration n’a pas toujours été facile comme l’a écrit Andy Warhol : « Jean-Michel est tellement compliqué. On ne sait jamais de quelle humeur il va être, ce qu’il aura pris. Il devient vraiment paranoïaque et répète : “Tu m’utilises, tu m’utilises” » (in Andy Warhol, Journal, le 7 octobre 1984, Grasset, Paris, 1990).
Basquiat stoppe cette collaboration en 1985, après l’exposition new-yorkaise à la galerie Tony Shafrazi. L’affiche de l’exposition est restée célèbre : Basquiat et Warhol y apparaissent en boxeurs. Selon certaines critiques, Basquiat en est le grand perdant. Il est, lit-on, l’objet d’une « manipulation » de Warhol, il est relégué au rang de « mascotte », d’« accessoire ». Basquiat est profondément affecté par ces propos et ne reverra plus beaucoup Andy Warhol jusqu’à la mort de ce dernier, en 1987.
Il réalisera alors un triptyque-hommage pour celui auquel il restait vivement attaché. Trois portes en guise de pierre tombale (Gravestone, 1987) sur lesquelles apparaissent une tulipe noire, une croix jaune, une tête de cœur et un mot : Perishable [périssable]. Écho au souhait (non réalisé) de Warhol qui voulait que fût inscrit sur sa tombe : Figment [produit de l’imagination].
Basquiat ne lui survivra qu’un an et demi. Emporté en août 1988 dans le loft que lui louait Warhol depuis 1983, à Manhattan, au 57 Great Jones street, pour 4 000 dollars. On y retrouvera, juste à côté de l’évier, un portrait de lui par le pop-artist, jamais décroché du mur. Il y avait entre eux un lien à la vie à la mort.


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