Grande-Bretagne : des militants écologistes se collent à des chefs-d’œuvre pour alerter sur le climat

Grande-Bretagne : des militants écologistes se collent à des chefs-d’œuvre pour alerter sur le climat
En moins d'une semaine, le collectif Just Stop Oil a frappé dans cinq musées britanniques. Ici, deux activistes se collent à un paysage de Turner à la Manchester Art Gallery. ©Just Stop Oil

Depuis mercredi 29 juin, des militants écologistes collent leurs mains aux chefs-d’œuvre de plusieurs musées anglais. D'un paysage de Van Gogh conservé à la Courtauld Gallery à une copie de la Cène de Léonard de Vinci présentée à la Royal Academy, ces activistes utilisent les tableaux pour interpeller les visiteurs sur l'état actuel de la planète.

« Qu’est-ce qui est le plus important ? Ce tableau ? Ou un avenir ? », questionnaient jeudi dernier deux jeunes militants du collectif Just Stop Oil qui se sont collés la main sur le cadre de Pêchers en fleurs (1889) de Vincent Van Gogh (1853-1890) à la Courtauld Gallery à Londres. Depuis le 29 juin, cinq institutions britanniques ont été la cible de ce genre d’action, entre happening et vandalisme, en moins d’une semaine. National Gallery, Royal Academy of Arts, Kelvingrove Art Gallery, Manchester Art Gallery… Avec le même procédé et un discours écologiste et alarmiste, les activistes multiplient les manifestations (non violentes) en utilisant les chefs-d’œuvre des musées pour appeler à l’arrêt des nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Van Gogh, Constable et Turner pour cibles

Mercredi 29 juin, tout commence. Deux jeunes militantes arborant des t-shirts orange fluo floqués « Just Stop Oil » disposent de la colle sur une de leurs mains et viennent la disposer sur le cadre d’un paysage écossais d’Horatio McCulloch (1805-1867) présenté à la Kelvingrove Art Gallery de Glasgow. Sur les images diffusées par le collectif britannique, apparenté à Extinction Rebellion, on peut remarquer que « Just Stop Oil » est tagué au pochoir en orange fluo sur les colonnes proches du tableau.

La première action du collectif Just Stop Oil dans les musées a été réalisée à la Kelvingrove Art Gallery de Glasgow mercredi 29 juin. ©Just Stop Oil

La première action du collectif Just Stop Oil dans les musées a été réalisée à la Kelvingrove Art Gallery de Glasgow, mercredi 29 juin. ©Just Stop Oil

Rebelote le lendemain, jeudi 30 juin. Deux autres activistes mettent leurs mains engluées sur le cadre des Pêchers en fleurs de Vincent Van Gogh dans la Courtauld Gallery. « Désolé tout le monde, on n’a pas envie de faire ça, on est collés à ce tableau, ce magnifique tableau, parce qu’on est terrifiés pour notre avenir », annonce l’un des militants âgés de 21 ans et déjà arrêté 20 fois et incarcéré pour avoir bloqué l’autoroute qui entoure la capitale britannique. Le choix du paysage du peintre néerlandais n’est pas le fruit du hasard. Représentant une vue de la nature à Saint-Rémy-de-Provence, les activistes l’ont choisi pour mettre en lumière la sécheresse qui attend la région provençale.

Bis repetita vendredi 1er juillet. Deux hommes avec ce même t-shirt enduisent leur main de colle sur Thomson’s Aeolian Harp (1809) de William Turner (1775-1851) à la Manchester Art Gallery. Quelques instants auparavant, un des deux individus tague à la bombe aérosol directement sur le parquet devant la toile : « No New Oil » ainsi qu’une tête de mort. Résultat, le musée d’art anglais est évacué par les autorités locales. Le tableau et son cadre sont examinés par les conservateurs.

Le 1er juillet, les militants se sont collés à un paysage de Turner à la Manchester Art Gallery. ©Just Stop Oil

Le 1er juillet, les militants se sont collés à un paysage de Turner à la Manchester Art Gallery. ©Just Stop Oil

Un chef-d’œuvre moins important que la crise climatique ?

Lundi 4 juillet, ils frappent à nouveau à la National Gallery de Londres en recouvrant un chef-d’œuvre incontournable de John Constable (1776-1837) : La Charrette de foin (1827) avant de se coller la main sur le cadre. Par-dessus la toile, les individus ont disposé une impression du paysage de Constable ravagé par la pollution : la rivière a disparu pour laisser place à une route, deux avions volent dans le ciel, les arbres sont dépouillés et brûlés, une voiture se jette devant le moulin et la charrette transporte une machine à laver vétuste.

Lundi 4 juillet, le collectif a frappé à la National Gallery de Londres. ©Just Stop Oil

Lundi 4 juillet, le collectif a frappé à la National Gallery de Londres. ©Just Stop Oil

« Cette peinture fait partie de notre patrimoine mais ce n’est pas plus important que les 3,5 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont déjà en danger en raison de la crise climatique », affirme un des deux militants, un étudiant en musique âgé de 22 ans.

John Constable, La Charrette de foin, 1821, huile sur toile, 130 x 185 cm, National Gallery de Londres

Hier, mardi 5 juillet, le collectif agit à la Royal Academy en s’attaquant, non plus à un paysage mais à La Cène (vers 1515-1520), attribuée à Giampietrino, une copie du chef-d’œuvre de Léonard de Vinci, et en taguant sur le mur sous le tableau « No New Oil ». « Quand j’enseignais, j’amenais mes élèves dans de grandes institutions comme la Royal Academy, déclare une militante et ancienne institutrice. Mais maintenant, il semble injuste d’attendre d’eux qu’ils respectent notre culture alors que leur gouvernement est déterminé à détruire leur avenir en autorisant de nouveaux projets pétroliers et gaziers. »

Mardi 5 juillet, les militants se sont collés à La Cène attribuée à Giampietrino, un élève de Léonard de Vinci. ©Just Stop Oil

Mardi 5 juillet, les militants se sont collés à La Cène attribuée à Giampietrino, un élève de Léonard de Vinci, à la Royal Academy of Arts. ©Just Stop Oil

Pour l’heure, le collectif a frappé dans cinq musées en moins d’une semaine. Si, les institutions concernées n’ont pas signalé de dégradation des tableaux, cibler et mettre en potentiel danger les plus beaux paysages sereins et champêtres de l’histoire de l’art afin de lutter contre les énergies fossiles est-il vraiment le meilleur des moyens d’agir ? Certes, ces actions relayées par la presse donnent de la visibilité au discours, mais on peut douter qu’elles soient des plus adaptées et efficaces. À part priver les quelques visiteurs d’un après-midi en semaine au musée et tester leurs protocoles de sécurité, ces opérations font-elles vraiment changer les choses ? On se rappelle en mai dernier, au musée du Louvre, l’affaire de La Joconde victime d’une attaque absurde au gâteau à la crème. L’individu fautif avait alors justifié son geste comme une revendication écologique, bien que le lien entre l’action et le message ne soit pas évident. Le tout serait à présent que ces happenings ne deviennent pas une mode à suivre sur les réseaux sociaux mais puissent vraiment sensibiliser le monde à la crise climatique… en laissant tranquille les tableaux et leurs cadres sur les cimaises des musées.

De nombreux visiteurs ont photographié l'attaque. ©Carmen Bouchard

De nombreux visiteurs ont photographié l’attaque de La Joconde en mai dernier. ©Carmen Bouchard

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