Sanctionné par Bruxelles, Google agite la menace d'un Android payant
Après avoir payé 4,3 milliards d'euros d'amende, Google doit maintenant indiquer comment il compte mettre fin à ses pratiques anticoncurrentielles dans l'univers du mobile.
Par Florian Dèbes
Rendez-vous au 28 octobre. A cette date, Google devra avoir mis fin aux pratiques anticoncurrentielles liées à sa version du système d'exploitation mobile Android et pour lesquelles la Commission européenne lui a infligé une amende de 4,3 milliards d'euros mi-juillet. C'est en tout cas ce qui est affirmé à Bruxelles. De son côté, la société américaine se refuse à préciser la date à laquelle elle a reçu la notification formelle des griefs qui lui sont reprochés, date à partir de laquelle court un délai de quatre-vingt-dix jours pour se conformer aux exigences de l'Europe.
Dès l'annonce de la sanction par la commissaire Margrethe Vestager, le PDG de Google avait répondu qu'il allait faire appel, sans pouvoir reporter le paiement de l'amende. Aucune échéance n'a été déterminée quant à la suite de cette affaire devant un tribunal européen.
La Commission n'a indiqué aucune solution
Comme à son habitude dans ce type de dossier, la Commission a listé ses reproches mais n'a pas indiqué à Google comment rétablir l'équilibre d'un marché concurrentiel. « C'est à Google de décider comment s'y prendre puis éventuellement à la Commission d'indiquer un signal, mais ce n'est pas une négociation », pointe Thomas Vinje, avocat au cabinet Clifford Chance. Les plaignants, dont l'organisation FairSearch qu'il représente à Bruxelles, n'ont pas leur mot à donner. De son côté, Google affirme qu'il n'est pas dans une démarche conflictuelle avec la Commission européenne.
Une fois sa décision prise, Google devra en informer la Commission et les fabricants de smartphones qui installent sa version du système d'exploitation Android. Mais rien ne l'obligera à détailler sa réforme publiquement.
Révisions de contrats
Sans en dire davantage, Google indique qu'il va probablement réviser les contrats MADA (pour Mobile App Distribution Agreement) qui le lient aux fabricants de smartphones. Ces contrats prévoyaient les mises à disposition groupées d'applications que la Commission a retoquées. Google exigeait des constructeurs qui voulaient installer le magasin d'applications Google Play Store de pré-installer également sur leurs appareils son moteur de recherche mobile Search et son navigateur Internet Chrome.
L'impressionnante équipe juridique de Google étudie aussi de près les modifications à apporter à son « anti-fragmentation agreement » qui empêchait les fabricants souhaitant pré-installer les applications Google de vendre ne serait-ce qu'un seul smartphone fonctionnant sur une version Android autre que celle de Google. La Commission y voit une barrière pour la concurrence, quand Google plaide que les développeurs ne pouvaient pas travailler sur autant de variantes différentes d'un même système.
La menace d'un nouveau modèle économique pour Android
S'il se plie à la volonté de l'exécutif européen, Google n'en agite pas moins la menace que changer son mode de distribution de ses propres applications pourrait le contraindre à revoir son modèle économique pour système d'exploitation mobile et à le faire payer par les constructeurs. « Avec ses marges incroyables, Google n'a pas besoin de rentabiliser encore davantage Android, veut croire Thomas Vinje. Il n'y a aucune chance que Google fasse payer les constructeurs pour installer sa version d'Android. »
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Passé le 28 octobre, la Commission européenne prendra sans doute plusieurs mois avant de juger l'efficacité des remèdes de Google. Dans l'affaire précédente qui l'avait conduit à condamner Google à une amende de 2,42 milliards d'euros pour abus de position dominante sur le marché de la comparaison de prix en ligne, elle n'a encore publié aucun rapport mais se dit attentive à une situation qui pose toujours problème.
En parallèle, Google attend toujours la décision de la Commission concernant une troisième affaire. Il est cette fois accusé d'abuser de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Une enquête préliminaire estime qu'il empêche certains sites Web d'afficher des publicités contextuelles émanant de concurrents de son service AdSense. « Condamner Google, c'est un combat d'arrière-garde, note néanmoins Emmanuel Brunet, le directeur exécutif d'Eulerian Technologies, une société française de mesure de la performance du marketing en ligne. Il faudra du temps avant d'appliquer les remèdes, il ne faut pas compter dessus. »
Florian Dèbes