Les jardins de Vaux-le-Vicomte : le chef-d’œuvre de Le Nôtre

Les jardins de Vaux-le-Vicomte : le chef-d’œuvre de Le Nôtre
Vue des jardins de Vaux-le-Vicomte

Associé très tôt aux travaux entrepris par Fouquet, Le Nôtre, maître absolu des jardins français, contribua à faire de Vaux-le-Vicomte un chef-d’œuvre.

Issu d’une grande lignée de jardiniers du roi, André Le Nôtre est aussi dessinateur, architecte, ingénieur et hydraulicien, paysagiste et urbaniste. Ce « magicien de l’espace » a su transformer les rêves de ses commanditaires en réalité. La féerie de Vaux offerte au roi Louis XIV et à toute la cour le 17 août 1661 resta à jamais gravée dans les mémoires. L’arrestation de Fouquet le 5 septembre suivant et le procès qui se prolongea pendant plusieurs années marquèrent tous les esprits.
Les merveilles de Vaux, dont la nouveauté et la splendeur étaient connues du roi et de Colbert bien avant ces événements, avaient déjà été gravées à la demande de Fouquet. En diffusant largement la renommée du maître des lieux et les splendeurs de ses réalisations, ces estampes révélèrent au monde le talent des principaux artistes du roi que Fouquet avait réunis pour édifier une œuvre unique. Le Vau, Le Brun et Le Nôtre, déjà renommés pour leurs talents, devinrent célèbres grâce au surintendant.

Démonstration d’un savoir-faire

Contrairement à ce qui a toujours été affirmé, Le Nôtre intervint très en amont dans la conception de l’ensemble du domaine, dès 1639, en conseillant Fouquet, avant même que l’acte d’achat de Vaux n’ait été signé. L’essentiel des travaux ne commença cependant qu’une fois les terrains acquis et les moyens suffisants. Le remariage de Fouquet en 1651, et ses nombreux et judicieux placements lui assurèrent une puissance financière inégalée tandis que sa nomination en tant que surintendant des Finances en 1653 lui fournit l’assise sociale justifiant la réalisation d’un ensemble exceptionnel. Tous les éléments propres à l’art de Le Nôtre, et qui allaient constituer sa « marque de fabrique », se trouvèrent ici réunis en une démonstration magistrale faite d’équilibre et d’élégance, masquant la complexité des effets voulus derrière un tracé d’une limpidité qui fascina ses contemporains. Sa réussite reposa également sur une organisation professionnelle qui trouva à Vaux sa première illustration attestée, consistant à travailler avec des hommes qu’il connaissait pour les avoir formés ou pour être ses parents. Le succès de cette réalisation et les moyens que le roi ou des grands ministres allaient donner à Le Nôtre lui permirent d’affiner le secret de son art et de le décliner dans des combinaisons toujours renouvelées et spectaculaires.

Plan du Jardin des Tuileries par Israel Silvestre, 1671. Wikimedia Commons. Source : Gallica

Plan du Jardin des Tuileries par Israel Silvestre, 1671. Wikimedia Commons. Source : Gallica

Le parterre de broderie devant le château

Les parterres de broderie végétale sur un fond couvert de particules minérales (sable, terres de différentes couleurs, mâchefer, ardoises ou tuiles pilées) connurent une lente évolution entre les premiers modèles dans le dernier tiers du XVIe siècle et leur apogée sous André Le Nôtre. Situés au pied du bâtiment, ceints de terrasses afin d’en voir mieux les détails, les parterres de broderies de buis atteignirent avec Le Nôtre une ampleur sans précédent obligeant à fournir un dessin plus serré au premier plan et plus lâche dans le lointain. Les parterres de broderies ont été restitués par Achille Duchêne, au début du XXe siècle.
En 2019, les buis, affligés de diverses pathologies, ont dû être arrachés, laissant un espace vaquant devant la façade sud du jardin. Durant deux à cinq ans, ils seront remplacés par une création contemporaine : des arabesques de métal imaginées par Patrick Hourcade.

Dompter les eaux

Le cours de la rivière l’Anqueil, qui risquait de contrarier la parfaite symétrie voulue par Le Nôtre, fut détournée et enterrée. Les eaux, rassemblées dans un canal long de 1000 mètres, étaient réparties en cascades, nappes, grilles d’eau, bassins (26 à l’époque de Le Nôtre !) et fontaines. C’est à Vaux-le-Vicomte que naquit sous la plume de La Fontaine (qui y séjourna quatre ans) Hortésie, la muse des jardins, dans Le Songe de Vaux. Nul mieux qu’elle n’a décrit les effets produits par les eaux de l’Anqueil : « Je donne au liquide cristal Plus de cent formes différentes, Et le mets tantôt en canal, Tantôt en beautés jaillissantes ; On le voit souvent par degrés Tomber à flots précipités ; Sur des glacis je fais qu’il roule, Et qu’il bouillonne en d’autres lieux ; Parfois il dort, parfois il coule, Et toujours il charme les yeux. »

L’art de surprendre le promeneur

« Le Nôtre a fait en sorte que le promeneur ne puisse jamais anticiper ce qui l’attend » – Patrick Borgeot, chef jardinier de Vaux-le-Vicomte

Trente-trois hectares se déroulent sous les yeux du visiteur qui, hier comme aujourd’hui, expérimente au fil de sa promenade l’extraordinaire maîtrise des espaces qui se transforment à mesure qu’il avance. Chaque fois qu’il pense avoir atteint un point, celui-ci lui en dévoile un autre, sous l’œil omniprésent d’Hercule qui, ses travaux accomplis, se repose sur sa massue, seul élément visible depuis n’importe quel endroit. Les parterres, la Couronne, grille d’eau, miroir, cascade, canal et grotte sont quelques éléments magnifiques d’une scénographie unique qui se joue d’un grand axe apparent pour en dévoiler d’autres. Les jardins de Vaux, comme chacune des réalisations de Le Nôtre, ne se découvrent qu’en les arpentant. Alors seulement la magie opère et les lignes, simples en apparence, se mettent à leur tour en mouvement et dévoilent leur richesse et leur complexité.

Dans les jardins de Vaux-le-Vicomte, 2007. Wikimedia Commons

Dans les jardins de Vaux-le-Vicomte, 2007. Wikimedia Commons

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