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Série

Le roman de l'été : Le Retour des Jedi

ON A VOLE LE SCEPTRE DE JUPITER (4/15) - Résumé des épisodes précédents : Emmanuel Macron au pinacle se demande comment surprendre pour continuer. Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan font alliance pour le renverser. François-Xavier Bellamy, Raphaël Enthoven et Raphaël Glucksmann décident de se rallier au président et de l'inspirer.

Le retour des Jedi.
Le retour des Jedi. (Illustration Marion Moulin pour « Les Echos » - photo Os Tartarouchos/GettyImages et Shutterstock)
Publié le 18 juil. 2019 à 06:45

Chez Nicolas Sarkozy, tout paraissait au beau fixe. Il recevait ce matin-là sa garde rapprochée dans ses bureaux haussmanniens de la rue de Miromesnil. C'était au premier étage, un appartement bourgeois transformé en aile de palais présidentiel. En prenant le couloir, on laissait à droite le bureau du président pour arriver, tout au bout, à la salle à manger où la table du petit-déjeuner était dressée. Partout des portraits de Carla, de Nicolas, de Nicolas et de Carla, de Carla et de Nicolas. Et tous les styles, depuis le pop art jusqu'à l'hyperréalisme ceylanais en passant par des oeuvres d'un artiste chinois. Tout ça, c'était des cadeaux d'un goût moyen et l'ensemble était kitsch. Il entra en trombe, salua à la cantonade.

Le petit-déjeuner des grognards

« Ca va François ? » dit-il à Baroin, en s'asseyant à sa gauche. « Tiens, passe-moi le beurre », dit-il à Frédéric Péchenard, copain d'enfance, puis patron des flics sous sa présidence et, à présent, député européen. Brice Hortefeux, son vieux grognard, lui fit un clin d'oeil. Pierre Giacometti, son sondeur fétiche se grattait le nez. Sébastien Proto, son techno, karatéka émérite, ancien du Trésor devenu numéro 2 de la Société Générale, tirait sur sa cigarette électronique. « Bon alors, attaqua Sarkozy, on en est où, mon Giaco ? » Mais avant de le laisser parler, il ne résista pas au plaisir de raconter ses dernières rencontres internationales, ses voyages au lointain, les deals qu'il avait réussis brillamment, les grands de ce monde qu'il tutoyait.

Météo des sondages

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Le maître ès chiffres attaqua. Autrefois, en 2007, l'équipe des « météorologues » d'opinion de Sarko était imbattable : Fourquet, un jeune qui promettait et qui voyait bien les tendances sociétales, Buisson, dont le nez politique était hors pair, et Giacometti, qui synthétisait tout cela. Désormais, Fourquet volait de ses propres ailes, Buisson était devenu fou et s'était fâché avec Sarko quand ce dernier s'était aperçu qu'il enregistrait leurs conversations. « La situation est assez claire, dit Giaco. Macron est autour de 30 %. Marine Le Pen autour de 30 aussi. 30 +, disons. Mélenchon n'est pas flambard. Les Républicains ont coulé. Quel que soit le candidat testé - Pécresse, Bertrand, Retailleau -, il est à 12-13 %. Tous les autres candidats sont autour de 3 à 4 %. Cela étant, il n'y a pas de désir de Macron. Je vous fais grâce des qualis et des quantis, croyez-moi sur parole. Simplement, il est le seul crédible puisque Les Républicains ont disparu. »

« Le paysage bouge »

« Ils sont plutôt en plongée sous-marine », lâcha, rigolard, Pierre Charon, lui aussi vieux compagnon des hauts et des bas, à présent sénateur et connu pour son humour ravageur. « Ta stratégie de hauteur de vue a payé, reprit Giacometti. Tu es extrêmement populaire : première personnalité politique des Français avec 35 % d'approbation, première personnalité à droite avec 90 % d'approbation, troisième pour les électeurs de Le Pen. Enfin, magique. » « Magique mais inutile, coupa Sarko. Je suis la madone des sondages très bien, ça me fait une belle jambe. »« Tu vas finir au Panthéon comme Simone, dit Charon, c'est Carla qui va être contente. »« Il n'y a pas d'espace, reprit Sarkozy. Je ne parle pas du Panthéon, mais de la vie politique. Ca va être le match Macron-Le Pen et puis c'est tout. A la seconde où je me déclare, je perds 15 points. C'est mort. C'est ce con de Wauquiez. Quelle idée absurde de démissionner. Les Républicains ont disparu. Impossible de refaire surface. Moi, j'avais laissé à Fillon un appareil prêt pour l'abordage. On a vu ce qu'il en a fait. Quel gâchis. Tous des nuls. » « Oui, sauf si le paysage bouge, déclara Hortefeux, qui avait gardé des amis un peu partout et dans la police surtout.

« La République est en danger »

« Explique-toi », dis Baroin. « Je pense qu'on va se prendre un séisme de magnitude 9. De bons esprits sont en train d'imaginer une alliance à l'italienne entre Mélenchon et Le Pen, sur le thème : on n'est d'accord sur rien sauf sur renverser Macron ; et puis on met en place une nouvelle constitution parlementariste et on dissout. Pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre que leur candidat, c'est du 45 % au 1er tour ! » « Evidemment ça change tout, dit Giaco. Pas sûr que leur électorat suive à 100 %. Surtout chez Le Pen. Alors là, tu es le recours. Plus de primaire. La République est en danger. Toi seul peux la sauver. » Nicolas attaqua un deuxième croissant, ce qui n'était pas son genre. Pas grave, il courra deux heures ce soir. Son téléphone sonna. C'était Carla. « Oui, mio amor », dit-il d'une voix suave. « Bon, s'il fait pas président à l'Elysée, il pourra toujours faire baryton à la Scala », lâcha Charron à Hortefeux en rigolant.

« Tu n'as pas d'oxygène »

Pendant que les esprits s'échauffaient rue de Miromesnil, dans les bureaux de François Hollande, au 4étage du 242, rue de Rivoli, ça gambergeait aussi. Mais en petit comité. L'ancien président et son ancien ministre des Finances, Michel Sapin, voilà l'assemblée qui s'était réunie. Hollande était assis derrière son bureau de bois, des piles de dossiers, de journaux, de livres partout, devant lui, derrière, par terre. Sapin lui faisait face, dans l'un des deux fauteuils de cuir marron. Il regardait la bibliothèque, également chaotique. « On a connu mieux, dit Sapin. Tu as les sondages ? No comment. Personne ne t'attend. Le PS va se trouver un candidat à la con. Mais, même si c'était toi, coincé entre Mélenchon et Hamon, flanqué de Macron de l'autre côté, qui n'est pas si mal en popularité, tu n'as pas d'oxygène. »

« S'il y a un front des forces de gauche, Macron est mort »

« On a connu pire, dit Hollande, et je ne te parle pas des ronflements de notre ami Jouyet dans la chambrée au service. » Au souvenir de leur camarade de l'Ecole des officiers de réserve à Saint-Cyr, puis de l'ENA, qui avait été ensuite ministre de Sarkozy puis secrétaire général à l'Elysée avec eux et qui venait d'être nommé ambassadeur à l'OCDE, Sapin s'esclaffa. « Macron est détesté de la gauche, reprit Hollande. Il est maintenant clairement le candidat de la droite. Les européennes l'ont montré. Il était le héros des jeunes bourgeois bohèmes, il est désormais celui des vieux bourgeois friqués. Mais faute d'un candidat social-démocrate sérieux, il a tout l'espace pour lui. En politique, il n'y a rien de neuf, c'est toujours les vieilles recettes. Macron, c'est Flandrin en 36 ou Giscard en 81. S'il y a un front des forces de gauche, il est mort. » 

« Il faut les prendre par leurs mauvais sentiments »

« Un front avec qui ? Mélenchon te hait, les écolos jouent leur partie, Hamon, souviens-toi du tort qu'il t'a fait, c'est une planche pourrie, et le PS n'existe plus. Par ailleurs, j'entends dire qu'entre La France insoumise et le Rassemblement national, ça discute sec. » « Ils me détestent ? Et alors. C'est une raison pour ne pas s'entendre ? J'ai fait de Valls, qui me haïssait, mon directeur de campagne, de Fabius, qui me méprisait, mon appui le plus sûr. Et tant d'autres encore. En politique, pas de sentiment, pas d'affect. Ils ont tous un ego monstrueux, un narcissisme de niveau olympique, une ambition folle. Il faut les prendre par leurs mauvais sentiments. Mélenchon, je vais lui promettre Matignon et un groupe parlementaire puissant. Il va se voir en Chirac modèle 1974. C'est tout de même mieux qu'une alliance avec Marine Le Pen, non ? »

« Jouer aux cons, ça m'a toujours réussi »

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« C'est moins immoral, c'est sûr. »« Laisse la morale en dehors de tout cela, veux-tu. On parle de politique. C'est simplement son intérêt. Il pense que je suis faible donc qu'il me tiendra. Profitons-en. Jouer aux cons, ça m'a toujours réussi. » « Ah oui, tu fais ça très bien, on finit par y croire, même toi, dit Sapin moqueur. Bon, tu me diras, voir la tronche de Macron au soir de sa défaite au 1er tour, je me damnerai pour ça. Jamais pu le piffrer ce petit con qui me les brisait menu à Bercy. » « Tout vient à point à qui sait attendre », dit Hollande en repoussant du pied sa chienne, qui se frottait contre lui. « Ah, je vois, tu veux sortir. » « Non pas spécialement, » dit Sapin. « Mais non, je parle à Philae », et il se mit à farfouiller dans son bureau, partout. « Mais bon sang, où est-ce ? » Et tout à coup, triomphal, il tendit le bras avec des petits sacs en plastique. « Ah, ça y est ! Retrouvés, les sacs à popo. Allez, on y va. »

LE BARON DE S.

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