Ce sont les derniers mois d’un géant de la littérature que raconte le nouveau roman de Gérard de Cortanze, Il ne rêvait plus que de paysages et de lions au bord de la mer (éd. Albin Michel) : ou la mort choisie, prématurée, d’Ernest Hemingway.
À la fin des années 50, Ernest Hemingway est installé à Ketchum, dans l’Idaho. L’écrivain commence à montrer des signes de déclin, non seulement sur le plan physique, mais aussi mental. Il garde cette aura de héros invincible, d’aventurier, de figure de la masculinité américaine, mais intérieurement, cet homme-là est ravagé par les cicatrices laissées par une vie menée peut-être un peu trop vite, un peu trop fort.
Ses excès en tout genre, ses blessures accumulées, ses accidents – notamment les deux crashs aériens en Afrique en 1954 – ont laissé des séquelles. Son alcoolisme s’est intensifié au fil des années avec une tension émotionnelle croissante. Tout cela a affaibli Hemingway et la dépression, qui a toujours plané au-dessus de lui, devient maintenant présente, pour ne pas dire omniprésente.
Une paranoïa qui tourne à la spirale autodestructrice
Il a commencé peu à peu à perdre le contrôle de sa vie. Il devient paranoïaque, convaincu que le FBI est partout et le surveille en raison de ses liens avec Cuba, de sa proximité avec Fidel Castro. Il est d’ailleurs avéré que l’auteur a été placé sous surveillance par le patron du FBI, J. Edgar Hoover. Dès 1940, un dossier sur Hemingway est constitué, rendu public en 1983. Tout ça est incontestable. Mais il existe chez Hemingway une véritable paranoïa qui va tourner à la spirale autodestructrice.
Hemingway souffre d’hypertension, de diabète, il a un début de cirrhose, et surtout ce trouble bipolaire avec ce comportement paranoïaque qui lui fait voir des espions partout où il se déplace. Il est hospitalisé dans le Minnesota pour recevoir un traitement par électrochoc qui doit soigner sa dépression. Il y fera plusieurs séjours, avant de rentrer définitivement chez lui en 1961.
Un fusil de chasse qu’il a manié de nombreuses fois
Le 2 juillet, Ernest et sa femme Mary sont dans leur maison de Ketchum. L’état de l’écrivain s’est encore détérioré. Ce matin-là, il se lève avant son épouse qui dort encore. Il descend au sous-sol où sont rangées ses armes. Il prend un de ses fusils de chasse favoris, qu’il a manié de nombreuses fois lors de ses expéditions. Quand il remonte, tout est calme dans la maison et cette fois, ça y est, le soleil est là, et la lumière du jour est en train de commencer à percer à travers les carreaux.
Il appuie sur la détente, comme son grand-père maternel qui avait tenté de se suicider alors qu’il n’avait que 6 ans. Le petit Ernest fait comme son père, passé à l’acte à 57 ans en 1928 avec un fusil de guerre civile américaine ayant appartenu à son propre père. Hemingway va donc se tuer ce 2 juillet 1961 avec un fusil de chasse.
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La disparition d’Ernest Hemingway représente un grand bouleversement dans le paysage littéraire mondial. L’auteur avait immortalisé cette fameuse génération perdue et qui a traversé ses romans, ses nouvelles, tous ses reportages. On retiendra évidemment son style, cette prose concise, dépouillée, qui marque une véritable rupture avec la richesse descriptive de tous les écrivains précédents. C’est la théorie de l’iceberg, selon laquelle l’essentiel de l’histoire reste caché sous la surface, une innovation stylistique qui continue aujourd’hui encore à influencer beaucoup d’écrivains contemporains.
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