Publicité

Daniel Kretinsky, le Tchèque qui bouscule la presse française

PORTRAIT - Le Tchèque Daniel Kretinsky a fait une entrée fracassante dans la presse française, avec le rachat de titres Lagardère et de « Marianne » puis son entrée au capital du « Monde » le mois dernier. Adepte des coups de poker, il s'est déjà imposé parmi les leaders européens de l'énergie, en s'entourant parfois de personnages plus sulfureux.

060143557328_web_tete.jpg
(©Edouard Jacquinet pour Les Echos Week-end)

Par Véronique Le Billon, Fabienne Schmitt

Publié le 15 nov. 2018 à 17:01Mis à jour le 15 nov. 2018 à 17:06

« C'était très très sympa. » Il sort, tout sourire, de sa première rencontre avec la rédaction de Marianne en France, dont il est propriétaire depuis cet été. Daniel Kretinsky, « le Tchèque » dont parle tout le microcosme médiatique depuis son irruption dans le capital du quotidien Le Monde est, lui aussi, très « sympa ». Sourire facile, yeux rieurs, un brin timide, « Dan », comme l'appellent les journalistes à Prague, sait se faire apprécier de ses interlocuteurs. L'homme, qui a fait fortune dans l'énergieen Europe et possède le premier groupe de presse de son pays, surprend autant qu'il fascine.

Un francophile avéré

©Stanislav KRUPAR/LAIF-REA

Il reçoit dans les salons du George V où il a ses habitudes à Paris, jouant profil bas, avec ses airs de bon élève. « Oui, pas de problème, vous pouvez enregistrer l'interview, cela vous aidera à décoder mon français ! » plaisante-il alors qu'il s'exprime très bien dans la langue de Molière, avec un léger accent slave. Lui qui a fait une partie de ses études de droit à Dijon, se décrit comme francophile. « Le français, c'est ma première langue étrangère. J'aime votre pays et votre culture. Cela vient de ma famille : ma mère écoutait des chansons françaises et regardait les films français… J'ai fait beaucoup d'échanges avec la France au lycée, et j'y suis revenu voir mes amis, tout le temps », raconte l'homme d'affairesné d'une mère juge à la cour constitutionnelle et d'un père professeur d'informatique, à Brno, la cité de Milan Kundera, deuxième plus grande ville tchèque.

Publicité

Cet amateur d'art moderne tchèque, plutôt sobre dans ses tenues vestimentaires, possède deux catamarans. « C'est ce qu'il faut pour réunir la famille et les amis », dit-il. Mais ils lui ont valu d'être cité dans les « Panama papers ». « Le propriétaire qui m'a vendu le bateau avait une société administrée par une société panaméenne. Je ne l'ai conservée que deux mois avant de changer cela », se justifie-t-il.

Elle, Télé 7 Jours, Publicet France Dimanche...

Il aime tellement la France qu'en quelques mois, il s'est offert plusieurs grandes marques de la presse tricolore. Le premier à lui avoir ouvert la porte, c'est Arnaud Lagardère qui, en plus de lui vendre ses radios d'Europe de l'Est, a ajouté dans la corbeille les magazines Elle, Télé 7 Jours, Public et France Dimanche. « Les acquisitions tchèques en France sont très rares, note un avocat d'affaires vivant à Prague. Il y a bien quelques rachats de PME, mais c'est la première fois qu'un Tchèque s'offre des fleurons. »

En réalité, même s'il ne laisse rien paraître, Daniel Kretinsky est au centre d'un dossier brûlant. Nul n'ignore qu'il a tenté, cet été, de prendre le cocontrôle du Monde en rachetant au prix fort (110 millions d'euros) la part de Matthieu Pigasse, coactionnaire du journal avec Xavier Niel. Acculé par ses dettes et forcé de vendre, celui qui est par ailleurs responsable mondial des fusions-aquisitions chez Lazard a finalement reculé à la dernière minute pour ne céder que 49% de sa part.

Révélée par une fuite aux salariés, eux aussi actionnaires du quotidien du soir, la nouvelle passe mal, très mal, car ils n'ont pas été consultés. « Je suis sincèrement désolé de la manière dont cette information a été rendue publique », s'excuse Daniel Kretinsky, en baissant les yeux comme un enfant coupable.

Les journalistes du Monde sont choqués. Ils ont répliqué en multipliant portraits et enquêtes sur cet actionnaire qui vient de l'Est. Les journaux ne sont pas des entreprises comme les autres : on n'y entre pas par effraction. Lorsque l'on convoite l'un des quotidiens les plus influents de France, on se présente d'abord, on explique les raisons de son investissement ensuite, on s'engage à respecter l'indépendance des journalistes enfin. Daniel Kretinsky a tout fait à l'envers…

Un caractère dominant

Mais qui est ce milliardaire de 43 ans, cinquième fortune de la République tchèque avec 2,5 milliards de dollars selon Forbes, inconnu en France jusqu'alors, qui fait main basse sur la presse française depuis quelques mois ? « Mon métier principal, c'est l'énergie », rappelle-t-il. Il n'a fallu que dix ans à Daniel Kretinsky pour construire EPH. D'abord très minoritaire aux côtés de ses deux mentors, Patrik Tkac et Petr Kellner - première fortune tchèque -, il est envoyé au front pour réaliser les acquisitions qui propulsent le groupe sur le devant de la scène européenne. Aujourd'hui dans le Top 15 des énergéticiens du Vieux Continent, il réalise 90% de son business en dehors de Tchéquie. Les rachats d'entreprises, c'est sa spécialité, lui qui a débuté comme juriste au sein de la société d'investissement J&T, très connue et parfois controversée à Prague, où Patrik Tkac l'a fait entrer.

« J&T renferme une bonne partie de l'histoire du capitalisme tchèque, avec de nombreux clients riches. Mais il y a des points obscurs, notamment sur l'origine des fonds… Même s'il n'y a jamais eu de scandale », affirme un journaliste tchèque. C'est dans cette société que Kretinsky commence à faire ses « deals ». « C'était très compliqué de travailler avec Daniel, relate quelqu'un qui l'a côtoyé, même si c'est quelqu'un de brillant. Un caractère dominant, et qui prenait des risques bien trop élevés. »

L'art des paris risqués

Le gazoduc Eustream, l'une des principales portes d'entrée du gaz russe en Europe ©Eustream/HANDOUT/Maxppp

À l'origine de sa fortune justement, un pari que personne n'aurait jamais osé faire. Quand les éoliennes poussent comme des champignons en Europe depuis le début de la décennie, laminant les revenus des centrales au gaz ou au charbon aux coûts marginaux plus élevés, EPH se propose de reprendre à prix bradés les actifs polluants et dépréciés. Daniel Kretinsky en est alors convaincu : l'Europe aura encore besoin longtemps de faire tourner ses centrales fossiles pour compléter les énergies renouvelables. « Une stratégie à contre-cycle très audacieuse », résume un acteur des fusions-acquisitions.

Publicité

Au coeur des années 2010, il engrange des actifs en Italie, en Slovaquie et en Grande-Bretagne… EPH surfe aussi sur le désamour des énergéticiens pour les PECO - les pays d'Europe centrale et orientale. Alors que la fin du communisme leur avait fait miroiter des opportunités, ces pays apparaissent désormais trop petits, trop dépendants d'Etats qui ont gardé la majorité des actifs et qui sont parfois devenus ingérables comme la Hongrie. « On a vu progressivement le contexte s'obscurcir, avec des projets de loi annoncés le vendredi qui entraient en application le lundi », témoigne un ancien d'EDF.

La colère des ONG

Pas de quoi effrayer Daniel Kretinsky, qui rachète au groupe français le réseau de chaleur de Budapest. « On a eu affaire à d'excellents professionnels. J'avais rencontré des oligarques qui me paraissaient moins recommandables », poursuit cet ancien dirigeant. Concentré, choisissant ses mots avec soin quitte à reprendre une phrase qu'il jugera mal formulée, ce patron est « intelligent », « poli » et « respecte sa parole », assurent tous ceux qui ont fait des affaires avec lui.

Dans ce terrain miné pour les affaires qu'est devenue la Hongrie, il a obtenu le feu vert de Bruxelles au début de l'année pour le rachat de Matra, une grande centrale au lignite et ses mines, en association avec Lorinc Meszaros, proche du Premier ministre souverainiste Viktor Orban… avant de revendre ses parts dans la foulée. Visiblement, les états d'âme écologistes ne l'encombrent pas quand il fait des affaires.

En 2016, la vente par le suédois Vattenfall de quatre gigantesques centrales au lignite en Allemagne et des mines attenantes a déjà déclenché la colère des ONG environnementales. Expliquant que cette opération va retarder la transition énergétique, Greenpeace, Sandbag ou Les Amis de la Terre étrillent les banques qui financent EPH et fustigent le manque de transparence de son coactionnaire PPF Investments, une société immatriculée à Jersey, sans comptes publiés.

Le goût de l'instabilité

« Il aime faire joujou avec les situations instables. Cela ne le dérange pas de prendre des risques sur des passifs parce qu'il arrivera à mettre des fusibles entre lui et les actifs. Si vous êtes Blanche-Neige, vous ne pouvez pas le faire, mais si vous êtes Daniel Kretinsky, vous pouvez. Et comme il est moins gros que les grands énergéticiens, on aura tendance à moins lui demander », analyse un Français bon connaisseur du secteur. En Pologne, l'Etat met le holà quelques mois plus tard aux velléités d'EPH de racheter à EDF sa grande centrale au charbon de Rybnik.

En mettant son veto au nom de la protection des « actifs stratégiques », Varsovie n'a-t-il eu qu'un réflexe protectionniste ou a-t-il redouté une proximité du groupe tchèque avec la Russie, dont il tente de limiter l'influence gazière ? Daniel Kretinsky s'agace d'être parfois pris pour le « bras prolongé des intérêts du Kremlin », au motif qu'EPH détient le gazoduc Eustream, qui traverse la Slovaquie et constitue l'une des principales portes d'entrée du gaz russe dans l'Union européenne.

Quand Engie et E.ON ont voulu céder leur participation de 49% dans le gazoduc et quelques autres actifs formant l'entreprise SPP, EPH s'est trouvé le seul acheteur. « Il y a quinze ans, celui qui voulait Eustream, c'était Gazprom. Mais à la fin, c'est EPH qui a acheté », se souvient un ancien acteur du dossier.

Real politik avec la Russie

Au Globsec Tatra Summit, Daniel Kretinsky affiche sa volonté de défendre les médias européens face aux géants du Net ©Globsec

« On a compris qu'ils avaient les moyens de gérer plus astucieusement les Slovaques que nous. Et ils ont une bonne relation avec les Russes », constate un autre. La relation avec Gazprom n'est pas pour autant un long fleuve tranquille. Quand le projet de gazoduc South Stream défendu par Gazprom menace ses intérêts, Daniel Kretinsky fait la tournée des partenaires du russe. « Il voulait voir si ce n'était pas plus astucieux que les Russes se bornent à faire la moitié de South Stream en laissant du transit via l'Ukraine. C'était bien sûr son intérêt mais c'était infiniment plus subtil que d'autres et avec une vision qui n'était pas manichéenne vis-à-vis des Russes », raconte l'un de ceux qu'il a rencontrés à l'époque.

Ce gazoduc est le meilleur symbole du deuxième pilier de la stratégie Kretinsky dans l'énergie : investir dans les actifs régulés aux revenus récurrents, réunis dans sa filiale EPIF. En 2015, quand EPH cherche de l'argent et annonce un projet d'introduction en Bourse que certains lisent comme un appel à candidature pour l'entrée d'un fonds, Eustream en est la pépite. L'australien Macquarie qui emporte la mise en prenant 31% d'EPIF a signé pour ces parts un chèque de « plus de 1 milliard d'euros et moins de 2 », selon une source au fait du dossier.

Une offre de dernière minute

Début 2017, l'annonce de ce mariage s'est accompagnée d'un changement de l'actionnariat chez EPH. Daniel Kretinsky est devenu seul maître à bord, avec 94% des parts, le solde allant au management. Exit son partenaire de toujours, Patrik Tkac. « C'était une condition à l'entrée de Macquarie », croit savoir cette source. Petr Kellner est, lui, sorti d'EPH il y a plusieurs années. Depuis, les anciens partenaires sont parfois rivaux, comme sur le rachat de Skoda Transportation, la plus importante entreprise de construction mécanique en Europe centrale et orientale.

« La transaction était quasiment bouclée avec Kretinsky, raconte Petr Lukac, journaliste au quotidien économique Hospodarske Noviny. Mais Kellner a surpris tout le monde en surgissant avec une offre de dernière minute et il a remporté la mise ! » À Prague, certains évoquent des tensions entre les deux hommes depuis que Daniel Kretinsky a pris pour compagne la fille de son ancien associé, Anna Kellner, âgée d'une vingtaine d'années.

La nouvelle pépite Metro

Patrik Tkac, l'un des mentors de Daniel Kretinsky - DR

Les affaires avec Patrik Tkac se poursuivent en dehors d'EPH : les deux hommes viennent d'investir ensemble dans Metro, le géant allemand de la vente alimentaire en gros. Un secteur dans lequel ils pourraient se montrer très ambitieux à l'avenir. Et même si dans l'énergie il voit « moins d'opportunités » maintenant que les fonds regardent les dossiers, Daniel Kretinsky n'en a peut-être pas fini : EPH regarde de près le dossier d'Uniper en France, deux centrales à charbon qui doivent fermer en 2022, deux centrales à gaz, une unité biomasse et un peu d'énergies vertes.

Avec EDF qu'il connaît bien, pourrait-il aussi investir dans les quinze réacteurs que le français exploite en Grande-Bretagne et dont il est prêt à céder 29% ? « Nous ne commentons jamais les processus en cours », répond son entourage. Les deux hommes sont aussi alliés dans Czech Media Invest (CMI) - Patrik Tkac en détient 40% -, la structure qui vient de prendre pied dans Le Monde.

L'argent d'abord, la presse ensuite

La presse, ils n'y sont pas arrivés par hasard. Ils pratiquent déjà depuis 2013 quand lui et Patrik Tkac rachètent des journaux influents en Tchéquie, parmi lesquels Blesk, le quotidien tabloïd le plus lu du pays.

« À l'époque, plusieurs hommes d'affaires tchèques s'emparent des médias locaux, délaissés par des actionnaires étrangers (Hersant, Handelsblatt…) qui les avaient rachetés après l'effondrement du communisme », expose Michal Klima, attablé au Bella Vida Café, ambiance cossue de salon-bibliothèque, situé près du pont Charles, à Prague. Cet ex-PDG d'Economia, le groupe qui détient le quotidien économique du pays, a d'ailleurs proposé à Daniel Kretinsky de le racheter en 2008. Trop tôt, car celui-ci n'a choisi d'aller dans la presse qu'après avoir gagné beaucoup d'argent dans l'énergie.

« Quand j'ai connu une période d'accalmie qui a coïncidé avec la recomposition de la presse tchèque, j'ai convaincu mes associés d'investir dans les médias. » Hasard ou pas, son incursion dans ce secteur n'intervient que quelques mois après le rachat de médias influents par un certain Andrej Babis. Ce milliardaire très controversé aujourd'hui, qui débute alors en politique, est depuis 2014 le Premier ministre tchèque.

Une belle carte de visite

Stratégie d'influence ? Partout dans le monde, des milliardaires investissent dans les médias, de Jeff Bezos (Washington Post) et, pendant un temps, le mexicain Carlos Slim (New York Times) à Silvio Berlusconi (Mediaset), en passant par Bernard Arnault (Les Echos) ou les Dassault (Le Figaro). « Les investisseurs n'ont pas dévalué la puissance mythique des médias, relève Jean-Clément Texier, banquier d'affaires, spécialiste du secteur. On se trompe en voulant tout focaliser sur l'influence qu'ils peuvent avoir sur le produit : ce n'est pas le contenu qui les motive, c'est la position sociale qui les anoblit. »

Pour Daniel Kretinsky, le simple fait d'entrer au capital du quotidien du soir, même minoritaire, est une belle carte de visite vis-à-vis des milieux d'affaires et politiques. Essentiel pour un acteur de l'énergie… Lui définit son investissement comme un « engagement citoyen ».« Je ne veux pas influencer les médias, je veux les soutenir », pointe-t-il. Il y a cette idée chez lui que l'affaiblissement économique de la presse met en danger la démocratie, qu'il faut pour cela la sauver et que seuls des acteurs forts peuvent y parvenir. Romantique, Daniel Kretinsky ?

Le combat anti-Gafa

Un combat semble lui tenir réellement à coeur : celui de la presse face aux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon). « Les médias ont un combat à mener sur la régulation des Gafa. Certains concurrencent sauvagement les médias classiques, d'autres captent une part excessive de la valeur. »

En septembre, il s'est beaucoup engagé aux côtés des journaux qui ont remporté une première manche à Bruxelles pour défendre l'instauration d'un droit voisin et donc une rémunération de la part des géants du Net qui publient leurs articles gratuitement. Début octobre, il a visiblement impressionné l'influente commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, qui l'écoutait deviser sur les Gafa lors du Globsec Tatra Summit, au bord d'un lac slovaque. « Un @DKretinsky très fort et impressionnant, plaidant pour une réglementation stable et nouvelle de la big tech », a-t-elle commenté en anglais sur Twitter.

En France comme en Tchéquie, il se présente comme le chevalier blanc. Il n'a aucune autre activité dans l'Hexagone ce qui, explique-t-il, lui évite les conflits d'intérêts. Sous-entendu : pas comme les autres détenteurs français de journaux… Il y fait allusion dans une lettre privée adressée au Pôle d'indépendance du Monde, actionnaire du journal qui représente les salariés. Il va jusqu'à accuser l'homme d'affaires tchèque Zdenek Bakala, propriétaire du journal économique local et investisseur dans l'énergie, l'agroalimentaire et la restauration, d'avoir réalisé des « opérations problématiques » dans son pays.

Une réputation non-interventionniste

Force est de reconnaître qu'en République tchèque, il a la réputation d'un patron de presse honorable. Reporters sans frontières, qui scrute l'évolution de la liberté de la presse dans le monde, ne l'épingle pas dans ses rapports, contrairement à Andrej Babis. « Il n'a pas l'air inquiétant pour les journalistes, observe Pauline Ades-Mevel, responsable de la zone Union européenne et Balkans pour RSF. Il n'est pas réputé interventionniste. »

Au Czech News Center, son groupe de presse situé entre les docks et le stade du Sparta de Prague, un bâtiment sans prétention abrite les rédactions de ses différents titres. Autrefois, le quartier n'était pas sûr, il est en train de se gentrifier. Cela tranche avec la luxueuse rue de Paris où EPH a élu domicile. C'est surtout cohérent avec ce que pèsent les activités médias dans l'empire Kretinsky : une goutte d'eau. Les 160 journalistes des tabloïds quotidiens Blesk et Aha ! y sont regroupés dans l'immense salle de cette ancienne brasserie. Tous côte à côte, sur plusieurs grandes lignes de tables sans espace entre elles.

« L'investissement de Daniel Kretinsky dans les journaux en France a surpris jusqu'à Prague, sourit Michal Pur, qui pilote le site Info.cz sur l'actualité hors Prague, lancé il y a deux ans. On a hâte de développer des synergies, d'échanger des savoir-faire. » Des équipes de Marianne sont déjà venues sur place.

Passager clandestin

Bientôt le tour du Monde ? L'homme d'affaires a encore tout à prouver aux journalistes et à Xavier Niel, qu'il ne connaît pas, s'il entend gagner le contrôle partagé du titre. Même s'il s'en cache, c'est clairement son intention puisqu'il a déjà fait une première tentative cet été. Pour l'heure, Matthieu Pigasse, Xavier Niel et le Pôle d'indépendance négocient un « droit d'agrément » afin qu'à l'avenir, tout changement de contrôle puisse être soumis à leur accord préalable.

Un droit dont Daniel Kretinsky a questionné la légitimité dans une interview aux Echos… Malgré tous les chèques imaginables, les salariés ont le pouvoir de bloquer son accession au trône. Un long travail de séduction lui sera donc nécessaire pour faire disparaître l'image de « passager clandestin » qui lui colle à la peau ces dernières semaines.

Du magazine politique à la presse people

La panoplie des journaux de Daniel Kretinsky va du tabloïd (Blesk) au magazine politique, social et culturel (Reflex) en passant par le quotidien sportif (Sport) et people (Aha !). Photos criardes, titres racoleurs, promotions pour les poivrons Lidl en une, playmate sur l'avant-dernière page : Blesk n'est pas le titre le plus glorieux du groupe. C'est pourtant le plus lu du pays ! Si son groupe de presse est numéro 1 national, il accuse du retard sur internet. Il y a deux ans, il a recruté Michal Pur, pour piloter le lancement d'Info.cz, un pure player sur l'actualité internationale. Rien à voir, bien sûr, avec le fait que Daniel Kretinsky réalise 90% de ses affaires hors de Tchéquie… Récemment, il a déclaré dans Les Echos vouloir publier des articles du Monde sur Info.cz. La direction du quotidien du soir n'était pas au courant. L'un de ses conseillers aurait aussi évoqué l'hypothèse explosive d'un rapprochement entre Télérama et Télé 7 Jours. Le mariage de la carpe et du lapin… Certains s'interrogent sur le pourquoi du rachat au prix fort des titres de Lagardère, Elle, France Dimanche ou encore Télé 7 Jours. Un ticket pour l'avenir, le jour où Arnaud Lagardère voudrait vendre Europe 1, Paris Match et le JDD ? Avec ces trois médias d'influence, il changerait indéniablement de dimension dans l'Hexagone.

Le foot, un échec financier

Daniel Kretinsky est surtout connu à Prague pour être propriétaire du club de foot Sparta. Il y a investi plus de 1 milliard de couronnes et perdu beaucoup d'argent. Problèmes de management, mauvais choix de transferts… Le foot est un échec financier pour l'homme d'affaires que l'on a récemment entendu pester, « la frustration prend le dessus », après la deuxième élimination successive du Sparta des phases qualificatives de la Ligue Europa. Selon l'édition tchèque de Forbes, il devrait d'ailleurs annoncer une « perte record » pour la saison 2017-18 à quelque 700 millions de couronnes. Pas question de racheter d'autres clubs à ce stade. Il y a quelques jours, l'hypothèse de son intérêt pour l'AS Roma et l'AC Milan s'est répandue comme une traînée de poudre dans la presse italienne, avant qu'il ne la démente. À vrai dire, il n'est pas fan de foot… Lui, c'est plutôt le basket qu'il pratique.

Par Fabienne Schmitt et Véronique Le Billon

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité