L'Eurogroupe prépare le régime de semi-liberté de la Grèce
Jeudi, les ministres des Finances vont préparer la sortie de la Grèce de sa tutelle financière. Au menu de l'Eurogroupe, allégement de la dette et nouvelles règles de surveillance.
Par Les Echos
La Grèce sortira officiellement le 20 août du troisième plan d'aide européen accordé il y a trois ans . Elle a été le premier des pays en quasi-faillite de la zone euro à être placé sous tutelle financière en 2010, elle sera le dernier à s'en libérer. Jeudi, les ministres des Finances vont fixer les nouvelles règles du jeu, celles de l'après-programme, qui s'appliqueront pendant des décennies.
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Ministres, institutions et banques centrales se disent convaincus que la Grèce est aujourd'hui prête à faire le grand saut, autrement dit de se passer des crédits européens et d'emprunter seule les sommes nécessaires au remboursement de sa dette colossale qui pèse 178 % du PIB. Son budget s'est redressé, il est même largement excédentaire, la balance extérieure s'est rééquilibrée et la croissance est de retour, depuis l'année dernière.
Saut dans le vide
Le narratif sur la solidité supposée de l'économie grecque s'est forgé aisément. Il était politiquement inacceptable pour le gouvernement grec de s'engager dans un quatrième plan d'aide. Comme il était impensable pour Angela Merkel de solliciter un nouveau soutien financier du Bundestag envers la Grèce.
Ce saut dans le vide n'est pas sans risque note l'économiste grec, George Pagoulatos : « Le principal risque est que les taux d'intérêt soient trop élevés et privent la Grèce de ressources financières. Ensuite si l'allégement de dette n'est pas suffisamment audacieux, cela posera la question de sa soutenabilité ».
Maturité moyenne de 30 ans
Les négociations sur la dette ont duré jusqu'au dernier moment. L'idée générale étant de concéder le moins possible. Le geste des créanciers consisterait pour l'essentiel en un nouvel allongement de la période de remboursement. La dette grecque a aujourd'hui une maturité moyenne de trente ans et les dernières échéances sont attendues en 2059. Ce calendrier pourrait être rallongé d'une dizaine d'années. Le passif concerné serait circonscrit aux prêts du FESF de 2010 (131 milliards d'euros) et ne concernerait pas les prêts bilatéraux des Etats membres (53 milliards).
Le mécanisme proposé par la France, consistant à adapter le montant des remboursements au rythme de la croissance, devrait être adopté. Il apportera de la souplesse en cas de ralentissement conjoncturel. Berlin en a atténué la portée en refusant son automaticité et en exigeant un feu vert politique.
Pas d'incartades
Ces gestes de clémence des Européens, supposés ramener la confiance des investisseurs, seront conditionnels. Tout dépendra de la bonne volonté du gouvernement grec à respecter la discipline budgétaire . En cas d'incartade, les mesures d'allégement seront suspendues. « Il faut que le gouvernement grec s'en tienne aux réformes mises en oeuvre et à la trajectoire budgétaire post-programme. Cela suppose de dégager d'importants excédents primaires sur une période prolongée », a dit récemment Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne. Athènes devra garantir un excédent primaire (avant remboursement de la dette) de 3,5 % au moins jusqu'en 2022.
Quatre audits par an
La surveillance post-programme sera particulièrement vigilante. « Elle sera plus étroite que celle qui a été imposée à l'Irlande à l'Espagne ou parce que le montant de la dette à rembourser est beaucoup plus important », explique un haut responsable européen. La Grèce subira pas moins de quatre audits par an de ses comptes publics.
Si toutefois ce régime de semi-liberté ne permet pas au gouvernement grec de se refinancer à des tarifs abordables sur les marchés financiers, un ultime jocker a été prévu : un « buffer », matelas financier, va être constitué qui pourra être utilisé si les taux d'emprunt devenaient inabordables. Doté de 20 milliards d'euros, ce bouclier permettrait de couvrir une grosse année de financement.
Catherine Chatignoux