Publicité

Pourquoi Netflix défend depuis longtemps la neutralité du Net

Depuis plusieurs années, le numéro un mondial du streaming vidéo est en première ligne sur ce front. Explications.

Par Nicolas Richaud

Publié le 22 nov. 2017 à 18:29

A chaque nouvelle bataille sur la  , Netflix ressort les armes et monte en première ligne pour la défendre.

Historiquement, le débat l'oppose aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) que sont les « telcos » (Verizon, AT & T, Comcast) qui auraient tout à gagner d'un détricotage de la législation. Depuis des années, ces derniers souhaitent aussi que Netflix participe aux frais engendrés par l'amélioration de leurs réseaux.

Sans surprise, le régulateur américain vient d'annoncer son intention d'abroger un décret interdisant aux FAI de bloquer ou ralentir l'accès des clients à certains contenus. Immédiatement, Netflix a pris publiquement position contre la FCC.

Publicité

Pourquoi le groupe derrière les séries « Strangers Things » et « House of Cards » se fait-il le héraut de la neutralité du net ? Son modèle et sa viabilité en dépendent. Ni plus ni moins.

Gros consommateur de bande passante

Aux Etats-Unis, Netflix est un consommateur très gourmand de bande passante. En mars 2016, le groupe représentait, à lui seul, 35,2 % du trafic internet aux heures de prime time outre-Atlantique, d'après une étude de la société Sandvine.

A l'époque, Netflix détaillait qu'à l'échelle mondiale, « son trafic vidéo se tradui (sait) par 125 millions d'heures de programmes visionnées par jour […] Cela équiv (alait) à un trafic simultané à l'heure de pointe de plusieurs dizaines de térabits par seconde ».

Conséquence, si la législation américaine venait à changer concernant la neutralité du net, les « telcos » pourraient alors présenter à Netflix une facture bien plus salée.

Plus de 100 millions d'abonnés payants

Wall Street ne s'y trompe pas. Début 2014, quand le cadre réglementaire de la neutralité du net avait déjà failli être chamboulé, lorsque la justice avait rendu un verdict favorable à Verizon contre la FCC, l'action de Netflix avait immédiatement dévissé de 5 % lors de la séance boursière qui avait suivi.

A l'époque, les analystes de Wedbush Securities avaient estimé que si les « telcos » avaient les mains libres, le surcoût pour Netflix pourrait se monter à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Ce qui aurait fragilisé considérablement l'équilibre financier du groupe qui générait, en 2013, 4,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

Mais depuis, Netflix a changé de dimension. Entre début 2014 et aujourd'hui, son parc d'abonnés payants a bondi de 146 %, à 109,3 millions de clients.

Publicité

Sur l'ensemble de l'année 2016, ses revenus ont doublé, à 8, 8 milliards de dollars.

Devenu un géant mondial, Netflix juge que le rapport de force s'est rééquilibré avec les « telcos » et qu'il n'a plus autant à craindre d'une remise en question du cadre législatif de la neutralité du net.

Un affaiblissement de la neutralité du Net aux Etats-Unis, […] n'affecterait sûrement pas nos marges

« Un affaiblissement de la neutralité du Net aux Etats-Unis […] n'affecterait sûrement pas nos marges ou notre qualité de services. Nous sommes assez populaires avec les internautes pour maintenir des relations stables avec les opérateurs », soutenait ainsi le groupe dans une lettre destinée à ses actionnaires en janvier dernier.

Partie de poker menteur

Traduction, Netflix suppute qu'étant donné sa popularité, aucun des « telco » n'ira au clash avec lui, ni jusqu'à risquer une rupture totale avec le numéro un mondial du streaming. Ne pas pouvoir se servir de Netflix pourrait faire fuir certains clients ou tout du moins rebuter d'éventuels futurs abonnés à Comcast, Verizon et consorts.

La société de Reed Hastings jugeait même, en début d'année, que ce n'était plus à elle de porter le flambeau et que « d'autres entreprises ont désormais besoin d'être à l'avant-garde », dans le combat pour la neutralité du net.

Dans cette partie de poker menteur avec les « telcos », Netflix a joué une autre carte l'an passé en lançant Fast.com. Ce site gratuit et en libre accès permet aux utilisateurs de « vérifier les vitesses de téléchargement obtenues auprès de votre fournisseur d'accès en cas de problèmes de streaming », mais aussi d'avoir « plus d'informations et de contrôle sur leur service Internet », détaillait, en mai 2016, David Fullagar, vice-président de l'architecture de contenus.

En clair, le message envoyé aux utilisateurs est le suivant : si vous êtes dans l'incapacité de regarder votre série préférée dans de bonnes conditions, demandez des comptes à votre FAI. Une manière de mettre la pression sur ces derniers.

Un équilibre financier qui demeure précaire

Car Netflix a beau feindre un relatif désintérêt pour la problématique de la neutralité du Net, le groupe marche sur un fil. Si elle a bien lieu, la guerre avec les « telcos » ne se fera pas sans pertes pour Netflix : d'abonnés comme de revenus. Autre scénario possible : le groupe pourrait aussi convenir d'un arrangement financier et accepter de payer un surplus, même léger.

Or, Netflix surenchérit, chaque année, pour faire face aux superproductions et offres concurrentes d'Amazon (qui vient de racheter les droits du Seigneur des Anneaux moyennant 200 millions de dollars) HBO, Hulu, mais aussi Apple et Disney qui lancera son offre de service en 2019. L'an prochain, Netflix va dépenser entre 7 et 8 milliards de dollars uniquement dans les contenus.

Résultat, en dépit de sa croissance fulgurante, le groupe ne dispose pas d'un matelas de trésorerie ni ne génère de bénéfices astronomiques et se voit régulièrement contraint de lever de l'argent pour financer sa course dans les contenus.

La moindre dépense additionnelle ou pertes de revenus serait un fardeau lourd à porter pour Netflix dont le streaming est l'unique gagne-pain, contrairement à un Amazon ou un Apple.

Nicolas Richaud

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Novembre 2017

En quête d'un « second souffle », l'Elysée a procédé le 16 octobre 2018 au premier remaniement d'ampleur du quinquennat avec huit nouveaux membres
Zoom

Remaniement, ministres... Ce qu'il faut savoir sur le gouvernement Philippe

Publicité