Comment contrer le risque Le Pen ?
Après avoir tablé sur un débat tranché, Emmanuel Macron craint désormais que les « gilets jaunes » ne se transforment en carburant pour le RN aux européennes.
Par Cécile Cornudet
Effacer le jaune avant Noël. Edouard Philippe détaille dans l'urgence - et l'improvisation - les mesures pouvoir d'achat , Christophe Castaner évacue les ronds-points, Emmanuel Macron bouscule son agenda pour lancer le débat national … Carottes, bâtons et tables rondes comme débouché. L'exécutif se presse de tourner la page « gilets jaunes » , autant pour tenter de reprendre le fil du quinquennat, que pour éviter une cristallisation politique du mouvement. Parlera-t-on d'autre chose autour de la bûche ?
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Si le mouvement s'est avéré plus dangereux qu'il n'en avait l'air sur le plan social, l'exécutif craint le même phénomène en politique. Les élections européennes approchent. L'affrontement attendu avec Marine Le Pen est en passe de se transformer en écrasement, d'après les sondages. Comment faire pour que l'adversaire Rassemblement national, plutôt utile dans un face-à-face présidentiel, ne se transforme en piège de « midterm » ? Voilà l'enjeu.
Le scrutin européen favorise le RN : le sujet (on se déplace plus volontiers quand on est contre l'UE que pour), l'enjeu (jugé suffisamment peu important pour permettre le défoulement) et désormais les « gilets jaunes », cela fait beaucoup.
La machine à abstention
La majorité est à la manoeuvre. D'abord, éteindre le mouvement. Emmanuel Macron ouvre tous les sujets, y compris l'immigration, même s'il le rétrograde finalement en seconde place dans le débat. Si tout est sur la table, la colère n'a plus lieu d'être, espère-t-il, les manifestants peuvent retourner à leur état de défiance passive vis-à-vis des politiques. « Les gilets jaunes sont une machine à abstention », veut ainsi croire un proche du chef de l'Etat, « on l'a vu dans d'autres mouvements, la résignation succède le plus souvent à la colère »… Si tant est que la colère ne dure pas et reste à l'état d'abcès.
Si tel n'est pas le cas, autant que les « gilets jaunes » se présentent aux élections européennes, pousse notamment Richard Ferrand, le président de l'Assemblée. Et pour cause, ils prennent surtout des voix aux RN, disent les sondages qui les ont testés (10 à 12 %). Mais c'était avant que Francis Lalanne ne veuille conduire une liste, avant aussi qu'un deuxième groupe ne se dise intéressé par le scrutin. Les « gilets jaunes » politiques ressemblent pour l'heure aux « gilets jaunes » sociaux : ils sont totalement insaisissables.
Cécile Cornudet