Un rare portrait du roi de France Henri III découvert lors d’une vente aux enchères

Un rare portrait du roi de France Henri III découvert lors d’une vente aux enchères
Jean Decourt, Portrait d’Henri III, roi de France, 1578, gouache et or sur vélin, H. 5,7 cm © Philip Mould & Co.

Une peinture miniature du XVIe révèle ses secrets : l’œuvre a récemment rejoint le très restreint corpus des portraits d’Henri III (1551-1589). Une découverte rare qui en cache une autre puisqu’il s’agit également de la première œuvre connue portant la signature du portraitiste Jean Decourt.

Présenté lors d’une vente aux enchères en Grande-Bretagne l’an passé, ce portrait miniature n’a pas échappé à l’œil avisé du marchand d’art Philip Mould qui en a fait l’acquisition. Des experts ont ainsi rapidement démenti l’identité du modèle, supposé être jusqu’alors un courtisan de la reine Élisabeth Ire. L’œuvre s’est révélée être une représentation du roi de France, Henri III dont nous ne connaissions jusqu’alors que très peu de portraits. La ressemblance est en effet frappante avec le dessin figurant le quatrième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis conservé au département des estampes de la Bibliothèque nationale de France (Étienne Dumonstier vers 1586).

Jean Decourt, un illustre inconnu redécouvert

Mais ce portrait miniature, qui tient dans la paume d’une main, n’avait pas fini de dévoiler ses secrets. Lors d’un examen attentif par un conservateur, celui-ci a eu la surprise de découvrir au revers de la peinture une signature, « Decourt », ainsi qu’une date, « 1578 », faisant de celle-ci la première œuvre attribuable avec certitude à Jean Decourt, célèbre portraitiste de la seconde moitié du XVIe siècle. À la mort de François Clouet en 1572, il reprend en effet le rôle de Peintre du Roi pour Charles IX, frère aîné et prédécesseur d’Henri III. Sa renommée l’aurait également conduit à travailler outre-manche, pour la cour de Mary Stuart.

Vue du recto et du verso du portrait Henri-III par Jean Decourt ©Philip Mould & Co

Vue du recto et du verso du portrait Henri-III par Jean Decourt ©Philip Mould & Co

Cependant faute de signature attestant la main du maître, les attributions pour ce peintre n’étaient jusqu’à ce jour pas chose facile. Cette découverte marque ainsi un tournant, comme le souligne Céline Cachaud, spécialiste des portraits en miniature des XVIe et XVIIe siècles : « Nous pouvons désormais fermement et définitivement marquer du nom de Decourt les portraits royaux du XVIe siècle. Cette découverte sans précédent aura un impact majeur sur l’étude des portraits et peintures miniatures de la dernière période de la dynastie des Valois dans les années à venir ».

Portrait au crayon du roi Henri III, vers 1586, avec sa toque chargée d'aigrette et cordons de diamants, dessin de Étienne Dumonstier, Paris, BnF, département des estampes ©Wikimedia Commons

Portrait au crayon du roi Henri III, vers 1586, avec sa toque chargée d’aigrette et cordons de diamants, dessin de Étienne Dumonstier, Paris, BnF, département des estampes ©Wikimedia Commons

Un hommage à la coquetterie du roi

Ce petit portrait dont la méticulosité d’exécution en fait un véritable joyau est ainsi un témoignage majeur sur son temps. Les traits d’Henri III, rendus avec réalisme et délicatesse, tout comme la minutie dans le traitement de ses atours, sont autant d’éléments caractéristiques du style de Jean Decourt. Malgré la petitesse de cette peinture, haute d’un peu moins de 6 cm, l’artiste a su donner au roi une grande présence grâce à l’importance accordée au détail, telle que la réflexion de la lumière dans la pupille de son modèle. L’héritage de l’école de l’enluminure flamande, dont étaient issus les premiers peintres de portait miniature, est ici bien visible.

©Philip Mould & Co

Jean Decourt, Portrait d’Henri III, roi de France (détail), 1578, gouache et or sur vélin, H. 5,7 cm © Philip Mould & Co. ©Philip Mould & Co

Ce portrait témoigne également du grand soin apporté par Henri III à son apparence, de la grande fraise blanche au bonnet de velours, des lourds colliers aux fines boucles d’oreille. Le prédécesseur d’Henri IV est en effet davantage resté dans les mémoires pour ses excentricités vestimentaires que pour ses hauts faits politiques. De son règne, marqué par les guerres de religion et achevé brutalement par son assassinat par le moine Jacques Clément, la postérité aura ainsi retenu le goût du roi pour le travestissement et pour son entourage constitué de « mignons », de jeunes nobles élégants partageant sa coquetterie.

Le Louvre comme écrin ?

Au vu de l’identité retrouvée de ce portrait, le marchand d’art Philip Mould, également co-présentateur de l’émission britannique Fake or Fortune, a choisi de donner au musée du Louvre la préférence, lui offrant la primeur d’une possible acquisition de l’œuvre. « Cette œuvre est un trésor national français – un portrait extrêmement important et inédit d’un roi incompris et la confirmation de l’immense talent de Jean Decourt. » a-t-il déclaré. « Ce serait merveilleux si ce portrait pouvait revenir chez lui à Paris, car je crois que c’est là qu’il appartient vraiment. »

ean Clouet (atelier de), François Ier, roi de France, v. 1525, H. : 21 cm. ; L. : 17 cm., Paris, musée du Louvre, © Musée du Louvre/A. Dequier – M. Bard.

Jean Clouet (atelier de), François Ier, roi de France, v. 1525, H. : 21 cm. ; L. : 17 cm., Paris, musée du Louvre, © Musée du Louvre/A. Dequier – M. Bard.

Le Louvre étant au XVIe siècle la résidence des rois de France, il est en effet possible que le portrait y ait été peint par Jean Decourt. Si le musée se portait acquéreur, l’œuvre serait un magnifique ajout à la collection de portraits miniatures exposée dans la Salle des peintres de portrait au XVIe siècle (Aile Richelieu, 2e étage, salle 8). Cette mode des portraits de petites dimensions qui s’est développée au début du XVIe siècle en France, a connu un grand succès parmi les nobles, à l’image de la reine Catherine de Médicis qui en possédait un très grand nombre. Ils étaient généralement exposés dans des cabinets privés d’où le terme de « miniature de cabinet ». La salle du Louvre, où est notamment exposé un portrait de François 1er, attribué à l’atelier de Jean Clouet, s’inspire de l’atmosphère feutrée de ces lieux disparus. Le portrait d’Henri III, mystérieusement réapparu de l’autre côté de la Manche, trouverait parfaitement sa place au sein de cette cour de France en miniature.

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