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Chantiers de l'Atlantique: Paris donne un mois supplémentaire à Fincantieri pour répondre à Bruxelles

Le groupe public italien avait jusqu'à jeudi pour déposer ses réponses aux questions de la Commission européenne sur cette opération de concentration. Paris a proposé mercredi de prolonger d'un mois l'accord de cession afin de donner le temps à Fincantieri d'accéder aux demandes de Bruxelles afin que la Commission puisse terminer son instruction.

Les Chantiers de l'Atlantique se sont fait notamment une spécialité dans la construction des paquebots de croisière géants (ici le paquebot « MSC Bellissima » dans la forme profonde).
Les Chantiers de l'Atlantique se sont fait notamment une spécialité dans la construction des paquebots de croisière géants (ici le paquebot « MSC Bellissima » dans la forme profonde). (Photo ANDBZ/ABACA)

Par Antoine Boudet

Publié le 29 déc. 2020 à 10:22Mis à jour le 30 déc. 2020 à 16:42

C'est comme si personne ne voulait endosser la responsabilité d'un éventuel échec du projet de rachat par Fincantieri de 50% du capital des Chantiers de l'Atlantique détenus par l'Etat Français. Tandis que ceux qui avaient crié au scandale de voir passer sous pavillon italien le constructeur naval de Saint-Nazaire (ex-STF France) se réjouissaient de voir arriver le terme au 31 décembre 2020 de l'accord, sans que le groupe public italien ait fourni à la Commission européenne les informations qu'elle lui réclame, Paris a annoncé mercredi dans un communiqué une énième prolongation (la cinquième, de fait) de cet accord.

« Le gouvernement français propose à Fincantieri la prolongation du SPA (contrat d'achat et de vente) pour une nouvelle durée de 1 mois : l'opération de rachat de 50% du capital des chantiers de l'Atlantique par Fincantieri initiée il y a plus de 3 ans est suspendue à la décision de la Commission européenne dans le cadre du contrôle des concentrations. Compte tenu de la crise du Covid-19 qui a fortement affecté l'activité de la croisière, il a été décidé de suspendre les travaux de la Commission au printemps. La prolongation de la crise économique, et le manque de visibilité du secteur de la croisière rendent complexes l'étude par la Commission du dossier. Dans ces conditions il a été décidé de prolonger de nouveau le SPA de un mois afin de permettre à la Commission de finaliser son instruction et à Fincantieri de répondre aux dernières questions posées par la Commission », justifie Bercy dans ce communiqué, en ajoutant que « l'Etat reste toujours l' actionnaire très majoritaire des Chantiers de l'Atlantique et continue de l'accompagner dans le contexte de la crise et dans la préparation de la reprise. »

Finaliser l'instruction

Interrogée en début de semaine par l'AFP, la Commission européenne avait indiqué que « la montre est bloquée » car « les informations manquantes ne sont pas fournies par les parties ». Du côté italien, un porte-parole du groupe public expliquait à l'agence de presse que « nous estimons avoir fait tout ce que nous devions et pouvions faire. Nous ne pouvons pas faire davantage. »

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L'Italie soutient la proposition de la France de prolonger d'un mois le contrat de cession avec Fincantieri, a-t-on appris mercredi d'une source gouvernementale italienne.

Du côté de Bercy, il semble cependant que l'on ne se fait guère d'illusions. On voit mal en effet pourquoi les Italiens répondraient davantage aux demandes de la Commission européenne d'ici à un mois. Ce nouveau délai pourrait en fait permettre à Paris de peaufiner un éventuel plan B et de ménager les susceptibilités. En outre, il n'y a pas urgence à sceller l'avenir des Chantiers de l'Atlantique qui disposent d'un carnet de commandes bien rempli.

Depuis la faillite de STX, la maison mère sud-coréenne des Chantiers (qui ont repris leur nom d'origine en juin 2018), l'entreprise de Saint-Nazaire, spécialisée dans les paquebots et navires militaires de grande taille, est détenue par l'Etat français à hauteur de 84,3 % du capital, Naval Group (11,7 %), les salariés (2,4 %) et des sociétés locales (1,6 %). Un projet de cession scellé en avril 2017 prévoit que Fincantieri en prenne 50 % du capital, plus 1 % supplémentaire prêté par l'Etat français, lequel se réserve le droit de le reprendre si le groupe italien ne respectait pas ses engagements.

Quel plan B ?

Car le dossier est particulièrement sensible. Le secteur de la construction des grands navires de croisière reste une chasse gardée européenne face à la concurrence asiatique, avec trois chantiers qui se partagent le marché : les Chantiers de l'Atlantique, Fincantieri et l'allemand Meyer Werft. Mais l'italien a noué une alliance avec le géant chinois de la construction navale CSCC afin de faire construire dans ses chantiers des paquebots destinés spécifiquement au marché de la croisière en Asie. Un marché pour l'heure à l'arrêt, comme sur toutes les mers du globe du fait de la pandémie de Covid-19 mais la perspective d'un transfert de technologies et de savoir-faire inquiète.

Dans un rapport d'information publié fin octobre, les sénateurs français de la commission des Affaires économiques estimaient que « le silence de Fincantieri semblait témoigner de l'hésitation du groupe italien à poursuivre » le projet de rachat, auquel ils se déclaraient alors défavorables. Devant ces mêmes sénateurs, le directeur général des Chantiers, Laurent Castaing, avait déclaré que « la question du plan B est taboue », ajoutant qu'« il est impensable d'évoquer la moindre solution de remplacement compte tenu de nos relations avec l'Italie ».

Dans une tribune publiée ces jours-ci dans « Les Echos » , David Samzun, maire PS de Saint-Nazaire, Philippe Grosvalet, président PS du département de Loire-Atlantique, et Christelle Morançais, présidente LR de la région Pays de la Loire, se disent pourtant prêts à soutenir « toute solution alternative d'actionnariat, française si possible, qui devra être mise en place rapidement », et demandent à l'Etat français « d'abandonner la vente des Chantiers de l'Atlantique à Fincantieri ».

À noter

Les Chantiers de l'Atlantique, qui ont réalisé un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros en 2019, emploient 3.100 personnes et 5.000 sous-traitants français et étrangers

Antoine Boudet

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