Législatives : les 6 points à retenir du second tour
Le camp Macron est arrivé en tête du scrutin dimanche mais a perdu la majorité absolue face à la forte percée de la gauche unie et celle, historique, du RN… Tour d'horizon de ce qu'il faut savoir à l'issue du second tour des législatives.
Par Valérie Mazuir
1 - Plus de 26 millions de Français abstentionnistes
L'abstention a atteint 53,77 % au second tour des élections législatives, selon les résultats définitifs du ministère de l'Intérieur. Son deuxième plus haut niveau pour ce scrutin, en hausse de plus de 1 point par rapport au premier tour (52,49 %). Quelque 26,1 millions de Français, et plus d'un électeur sur deux, ont donc une nouvelle fois boudé les urnes, comme la semaine passée, où un record pour un premier tour avait été enregistré.
Depuis 2002 et l'inversion du calendrier qui a placé les législatives dans la foulée de la présidentielle, la règle veut que l'abstention augmente entre les deux tours, et elle s'est vérifiée une nouvelle fois dimanche. Même si la hausse cette fois est bien plus limitée qu'en 2017 (+6 points).
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2 - Echec cinglant pour Macron
Emmanuel Macron a essuyé un revers aux lourdes conséquences politiques. Certes, son camp, réuni sous la bannière Ensemble ! (LEM, Modem, Horizons), arrive en tête avec 245 sièges. Mais il perd la majorité absolue face à la forte percée de la gauche et celle, historique, du RN. Des résultats inédits sous la Ve République, qui posent la question de la capacité du chef de l'Etat à pouvoir gouverner le pays et faire voter les réformes promises, notamment celle des retraites.
Deux mois après sa réélection, Emmanuel Macron, qui avait exhorté plusieurs fois les Français à lui donner « une majorité forte et claire » n'a pas été entendu, et voit même le RN, désigné comme l'ennemi numéro un de la présidentielle, débarquer massivement et contre toute attente au Palais-Bourbon.
Vu ces scores, la question du maintien d'Elisabeth Borne à Matignon peut se poser : à la recherche d'alliés, notamment à droite, Emmanuel Macron devra-t-il repeindre du sol au plafond son gouvernement ?
En tant que « force centrale dans cette nouvelle Assemblée », « nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action, il n'y a pas d'alternative à ce rassemblement pour garantir à notre pays la stabilité et continuer les réformes nécessaires », a déclaré Elisabeth Borne dimanche soir, après une longue réunion à l'Elysée. « Les sensibilités multiples devront être associées et les bons compromis bâtis afin d'agir au service de la France. Les Français nous appellent à nous rassembler pour le pays », a ajouté la cheffe du gouvernement.
3 - La Nupes, principale force d'opposition
Jean-Luc Mélenchon ne sera pas Premier ministre mais il a le sourire : la gauche qu'il a unie a emporté 131 sièges et se hisse en principale force d'opposition.
« La situation est totalement inattendue, absolument inouïe. La déroute du parti présidentiel est totale », s'est exclamé Jean-Luc Mélenchon dimanche soir. « Nous avons réussi l'objectif politique que nous nous étions donné : en moins d'un mois faire tomber celui qui, avec tant qu'arrogance, a tordu le bras du pays pour être élu président sans qu'on sache pour quoi faire », a-t-il ajouté.
Une d éclaration victorieuse atténuée par la sortie du dirigeant communiste Fabien Roussel dans la soirée. Il a critiqué la stratégie de la Nupes et certaines déclarations de Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne des législatives. Il lui reproche notamment de « ne parler qu'à la France des villes et non à celle de la ruralité ». Or, si la Nupes espère conserver son nouveau statut de première force d'opposition à l'Assemblée, elle devra faire front commun au sein d'un intergroupe.
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4 - Un nombre historique de députés RN
Après un score inégalé à la présidentielle, le RN a réalisé une percée historique, avec un groupe de 89 députés, soit 11 fois plus d'élus qu'actuellement. Marine Le Pen, qui avait déjà obtenu un score jamais vu au second tour de la présidentielle, avec 41,5 % des voix, a salué un groupe de « loin le plus nombreux de l'histoire de (sa) famille politique ». Elle-même réélue haut la main dans le Pas-de-Calais (61,03 %), elle a promis d'incarner une « opposition ferme » mais « responsable, c'est-à-dire respectueuse des institutions ». Ces nouveaux députés, a-t-elle souligné, défendront « (vos) idées sur l'immigration, la sécurité, le chômage, la justice fiscale et sociale, les territoires oubliés, les citoyens maltraités ou la démocratie bafouée ».
Dans une allusion à la prochaine présidentielle, à laquelle « a priori » elle ne devrait pas se représenter, Marine Le Pen a affirmé que les députés RN seraient aussi « l'avant-garde de cette nouvelle élite politique qui prendra la responsabilité du pays lorsque l'aventure Macron aura pris fin ».
5 - LR tient le choc
Les Républicains ont comme prévu accusé un recul, mais ils tiennent le choc en sauvant l'essentiel de leurs ténors. Crédités de 61 députés, les élus de droite (LR-UDI et divers droite) se retrouvent non seulement derrière le RN, mais ils perdent aussi leur statut de premier groupe d'opposition dans l'hémicycle.
Les Républicains devraient toutefois jouer un rôle singulier dans la future Assemblée, comme aucune majorité ne se dessine. En théorie, Emmanuel Macron pourrait faire appel aux LR pour arriver aux 289 sièges de la majorité absolue. La porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire l'a affirmé sur France 2 : « On a toujours eu la main tendue. Que ce soit LR ou les socialistes modérés, on a réussi à embarquer un certain nombre d'amendements. Faut-il le faire plus ? Certainement. Est-ce le message de ce soir ? Très certainement. »
Chez LR, l'idée a été clairement rejetée par la direction du parti. « Nous avons fait campagne dans l'opposition, nous sommes dans l'opposition, nous resterons dans l'opposition », a affirmé Christian Jacob, le président des Républicains pour qui « il n'y a pas d'ambiguïté ».
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6 - Trois ministres et des ténors de la macronie mordent la poussière
Symboles de la claque reçue par Ensemble !, les défaites des chefs de file de la macronie à l'Assemblée, deux intimes du chef de l'Etat : le président Richard Ferrand, battu dans son fief du Finistère, et le patron des députés LREM Christophe Castaner, dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Trois ministres ont également mordu la poussière et devront quitter les rangs de l'exécutif. La ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, a été battue sur le fil par une candidate du RN dans le Pas-de-Calais, où elle était élue depuis 2012. Sa collègue de la Transition écologique, Amélie de Montchalin, s'est inclinée face au socialiste Jérôme Guedj dans l'Essonne, et la secrétaire d'Etat à la Mer, Justine Benin, a perdu dans sa circonscription de Guadeloupe.
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Quinze membres du gouvernement d'Elisabeth Borne étaient candidats, dont la Première ministre, qui l'a emporté avec 52,46 % des suffrages dans le Calvados, pour la première fois de sa carrière politique. En difficulté à l'issue du premier tour, le ministre délégué à l'Europe Clément Beaune a été élu de justesse à Paris, face à la candidate de la Nupes Caroline Mecary. Courte victoire également pour le ministre de la Fonction publique et délégué général du parti Renaissance (ex-La République en marche) Stanislas Guerini, qui briguait un deuxième mandat dans la capitale.
Valérie Mazuir