La certification des Boeing au coeur des polémiques aux Etats-Unis
L'autorité fédérale de l'aviation permet au constructeur de procéder lui-même à certains contrôles. Les élus américains veulent que cela change.
Par Nicolas Rauline
La pression s'accroît sur Boeing. Alors que les enquêtes se poursuivent sur les responsabilités dans les deux accidents de 737 MAX survenus en l'espace de cinq mois, les parlementaires américains sont bien décidés à faire toute la lumière sur de possibles défaillances dans le système de certification de sécurité des appareils. En cause, surtout : une délégation de contrôle accordée par l'administration fédérale de l'aviation (FAA), qui permet à Boeing de procéder lui-même à certaines vérifications.
« De nombreuses questions se posent sur le système de certification. Plus j'en apprends et plus je suis inquiet », a confié le président démocrate de la commission des transports et des infrastructures de la Chambre des Représentants, Peter DeFazio, qui milite pour que les autorités fédérales renforcent leurs pouvoirs.
« Le loup dans la bergerie »
Ce système a été adopté par la FAA en 2005, après un lobbying intense de la part de Boeing. Pour le fabricant américain, il s'agissait d'accélérer les procédures de mise sur le marché de ses nouveaux modèles, dans un contexte de concurrence accrue. En 2011, American Airlines, alors client exclusif de Boeing, avait décidé de se tourner vers Airbus pour la livraison de 460 appareils. Tout en expliquant à Boeing qu'il pouvait encore remporter le marché s'il accélérait la cadence. En quelques mois, celui-ci redessine alors ses 737, pourtant appelés à disparaître, et lance le 737 MAX…
« La FAA n'a jamais permis aux entreprises de se contrôler elles-mêmes ou de s'auto-certifier », se défend aujourd'hui l'agence fédérale. « L'utilisation de délégations est un élément vital de notre système de sécurité depuis les années 1920, sans lequel l'aviation américaine n'aurait jamais connu un tel succès. » Pourtant, avec un tel système, « on a fait entrer le loup dans la bergerie », attaque le sénateur démocrate, Richard Blumenthal, dans une lettre envoyée à la FAA.
Des dépenses de lobbying conséquentes
Depuis 2008, le fabricant américain a augmenté ses dépenses de lobbying aux Etats-Unis, au-dessus des 15 millions de dollars par an, selon le Center for Responsive Politics, contre un peu moins de 10 millions auparavant. Elles ont même frôlé les 22 millions de dollars en 2015.
Des efforts qui n'ont pas été vains : le fonctionnement de la FAA a été confirmé par les parlementaires en 2012, puis l'an dernier. Avec le soutien majoritaire des élus républicains, mais aussi de certains démocrates, comme le député de l'Etat de Washington, Rick Larsen, qui représente le district de l'usine de Boeing.
Des rapports épluchés
Les enquêteurs du FBI et du Département des Transports épluchent désormais les rapports fournis par le constructeur lors des contrôles de sécurité. Pour Boeing, « le 737 MAX a été certifié selon les mêmes exigences et les procédés que ceux établis par la FAA lors des certifications des précédents modèles et dérivés. » Les auditions de la commission d'enquête du Sénat, qui débutent cette semaine, permettront peut-être d'en savoir plus. Mercredi, Boeing devrait d'autre part présenter aux pilotes et aux autorités un premier « patch » permettant de mettre à jour le logiciel jugé défectueux dans le 737MAX
Bureau de New YorkNicolas Rauline