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« Les objectifs à moyen terme de Capgemini seront bientôt redéfinis »

La reprise se poursuit et l’intégration d’Altran se passe au mieux. Agilité des équipes, innovation et industrialisation permettront d’améliorer la rentabilité.

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Aiman Ezzat, directeur général de Capgemini (Capgemini)
Publié le 25 sept. 2020 à 17:35
Aiman Ezzat, Directeur général

Vous avez pris les rênes du groupe en mai dernier, le contexte n’a pas été trop brutal pour un début ?

J’ai surtout été surpris par la capacité des équipes à s’adapter. Le télétravail massif n’a eu aucune incidence sur la productivité, et le niveau d’engagement des employés, régulièrement mesuré, est resté très vif. Certains managers, qui pouvaient ne pas adhérer au principe, ont fini par lâcher prise. Aujourd’hui encore, 90% de nos effectifs sont en télétravail (97% en Inde et aux Etats-Unis).

Est-ce un changement structurel ?

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L’une des principales incertitudes sur ce point est le degré d’acceptation des clients, une fois passée l’épidémie. Se passeront-ils toujours aussi bien du contact physique ? C’est très difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne repassera jamais à un modèle à 95% de présence « sur site » (dans les locaux de Capgemini ou chez les clients). Après, il faut évaluer le besoin de présence pour chaque catégorie de métier, chaque rôle, chaque degré d’expérience. Un jeune débutant qui délivre un projet pour un client aura besoin d’un temps de télétravail de 30% à 40% par exemple, parce qu’il a besoin de supervision, d’être en contact avec son manager. Enfin, je pense que, d’une manière générale, un minimum de présence physique est indispensable afin de ne pas être totalement déconnecté. Il faudrait pouvoir venir au moins toutes les semaines, ou toutes les deux semaines. Peut-être que le taux idéal de télétravail, globalement, se situe entre 40% et 60%.

Ce bouleversement vous permet-il de réaliser des économies ?

C’est assez marginal. Y compris pour le transport, puisque nous facturions les frais de déplacement au client, directement ou indirectement. Dans le premier cas, cela sera mécaniquement déduit. Dans le second, il est illusoire de s’attendre à ce que les clients ne renégocient pas. Les économies que nous réaliserons in fine, grâce à la baisse des coûts de transport et au télétravail, seront de toute façon réinvesties dans de meilleurs équipements pour faciliter cette nouvelle organisation.

Alors quel avantage y trouvez-vous ?

Il y a sans conteste une bien meilleure agilité dans l’entreprise. Il est possible de déployer des gens à distance, sur des projets globaux. Nous avons des ingénieurs de grande valeur à Toulouse par exemple, en surcapacité en raison des difficultés du secteur aéronautique, et que nous avons pu commencer à déployer sur des projets en Espagne. Autre exemple, nous pouvons plus facilement garder plus longtemps en Inde des mères de famille qui devaient auparavant passer trois heures dans les transports. Le recrutement de travailleurs handicapés est aussi facilité. Le capital humain représente 70% de nos coûts, c’est donc une opportunité quand nous pouvons le renforcer.

Comment se passe la reprise ?

La reprise se poursuit. Le manque de visibilité, avec la deuxième vague de la pandémie qui semble se concrétiser dans certains pays, explique l’ampleur de notre fourchette d’objectifs de croissance organique, comprise entre -3% et -4,5% sur l’année, après un point bas à -7,8% de croissance au deuxième trimestre. La reprise dans l’automobile devrait se confirmer dans les six mois à venir, avec une accélération de la transition vers des voitures électriques et hybrides, alimentée par une forte prise de conscience écologique partout dans le monde. En revanche, malgré, par exemple, l’annonce par Airbus de la commercialisation ­d’avions à hydrogène avant 2035, le secteur aéronautique reste très dépendant de l’aviation commerciale qui mettra du temps à redémarrer.

Comment se passe l’intégration avec Altran ?

Mieux que prévu ! L’intégration a permis de confirmer les opportunités commerciales. Sur les 250 que nous avions identifiées, 10% ont déjà été signées. Nous lançons bientôt nos offres convergentes dans la 5G, la conduite autonome, etc. Par ailleurs, il y a très peu de frictions sur le terrain. La culture des deux entités est assez semblable, sur des sujets aussi différents que l’approche du client, la fixation d’un prix ou le mode de recrutement.

Quelle est votre vision de l’industrie intelligente ?

C’est un immense marché qui concerne aussi bien les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, de l’énergie, des sciences de la vie, les télécommunications ou les technologies. La digitalisation des chaînes d’approvisionnement permet d’optimiser les prises de décision. Dans l’énergie, avec les multiples sources d’alimentation, le numérique permet d’optimiser la charge sur les réseaux. Les capteurs permettent par ailleurs d’optimiser la consommation d’énergie dans les habitations, au bureau, etc. Tout ceci passe par des logiciels et des capteurs qui permettent d’optimiser la consommation d’énergie.

Quels sont les vecteurs d’amélioration de la rentabilité ?

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Jusqu’ici, nous avions fixé des objectifs à moyen terme de 12,5% à 13% pour la marge opérationnelle et de 5% à 7% pour la croissance organique. Des cibles qui sont amenées à être redéfinies, puisque nous nous en approchions avant la crise. A ce titre, nous aimerions en reparler à l’occasion du Capital Markets Day, qui devrait avoir lieu avant la fin du premier trimestre 2021. Nos nouveaux leviers d’amélioration de la rentabilité portent sur cette agilité dont j’ai parlé grâce au nouveau mode d’organisation. Il reste par ailleurs des vecteurs d’amélioration dans l’industrialisation, qui peut être plus efficace. Enfin, grâce à l’innovation, nos offres plus récentes affichent des marges supérieures.

La valorisation d’Accenture est très supérieure à la vôtre, citeriez-vous le groupe américain comme votre premier concurrent ? Quid des autres rivaux ?

Oui, Accenture est probablement notre principal concurrent, mais nous en avons aussi de façon plus spécifique parmi les groupes indiens (TCS, Infosys, Wipro, etc.) pour, par exemple, la gestion applicative et la maintenance, et auprès des big four (EY, Deloitte, PwC et KPMG) pour le digital.

Quelles sont les innovations les plus porteuses pour le groupe aujourd’hui ?

Les technologies du cloud apparaissent comme un fort vecteur de croissance, puisque nous n’en sommes qu’au début dans ce domaine. Il y a aussi encore beaucoup à faire dans la data et l’intelligence artificielle. Obtenir les données le plus rapidement possible devient un enjeu majeur dans de nombreuses disciplines. Enfin, la 5G est très prometteuse.

Et demain ?

Il faut surveiller de près l’informatique quantique. On parle de grandes avancées d’ici à 2023. Cela a des implications dans de nombreux domaines, dont la cybersécurité. Il faut se tenir prêts.

Quelles sont vos priorités en matière d’ESG (environnement, social et gouvernance) ?

Capgemini n’a pas une empreinte carbone importante, mais nous souhaitons abaisser de 10 millions de tonnes celle de nos clients d’ici à 2030. De notre côté, nous veillons à une multitude de détails qui feront la différence au-delà de la réduction des déplacements, avec, par exemple, les voitures de fonction intégralement électriques ou hybrides d’ici cinq ans, la disparition des bouteilles d’eau dans les bureaux, la limitation des impressions, etc. Par ailleurs, nous travaillons à la plantation d’un million d’arbres en Inde, où nos campus sont très verts. Pour le côté social, nous estimons à un tiers les embauches en France provenant de quartiers prioritaires et nous travaillons à réduire la fracture numérique. Nous avons un vrai rôle à jouer dans ce domaine.

LA QUESTION QUI DÉRANGE

La reprise se passe-t-elle comme prévu ?La reprise se poursuit. Le manque de visibilité, avec la deuxième vague de la pandémie, qui semble se concrétiser dans certains pays, explique l’ampleur de notre fourchette d’objectifs de croissance organique, compris entre -3% et -4,5% sur l’année, après un point bas à -7,8% de croissance au deuxième trimestre. La reprise dans l’automobile devrait se confirmer dans les six mois à venir, avec une accélération de la transition vers des voitures électriques et hybrides, alimentée par une forte prise de conscience écologique partout dans le monde. En revanche, malgré, par exemple, l’annonce par Airbus de la commercialisation ­d’avions à hydrogène avant 2035, le secteur aéronautique reste très dépendant de l’aviation commerciale, qui mettra du temps à redémarrer.

Propos recueillis par Caroline Mignon

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