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Analyse

Le vélo, un mode de transport qui a de l'avenir

Les Français redécouvrent les vertus de la « petite reine » à la faveur de la grève dans les transports publics. La part des déplacements à vélo (3 %) reste extrêmement faible dans l'Hexagone par rapport à d'autres pays européens. L'Etat et certaines villes sont toutefois en train de changer de braquet.

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(Boll)

Par Adrien Lelièvre

Publié le 13 déc. 2019 à 14:00Mis à jour le 16 déc. 2019 à 08:34

Peu importe les ondées automnales, les températures fraîches et l'absence d'infrastructures sur certains tronçons. A la faveur de la grève dans les transports publics contre la réforme des retraites , des nuées de néocyclistes se mêlent aux habitués de la « petite reine » depuis plusieurs jours dans les grandes villes.

L'allure est parfois un peu hésitante. Mais la bonne volonté ne manque pas. « Je n'imaginais pas qu'il ne me faudrait que trente minutes pour aller dans le centre de Paris », sourit Sarah, une habitante de Vanves (92) qui a acheté un vélo en prévision du mouvement social.

L'histoire du vélo est teintée des couleurs bleu-blanc-rouge. Le brevet de l'ancêtre de la bicyclette - la draisienne - a été déposé en France en 1818 par l'Allemand Karl Drais. Les artisans Pierre Lallement et Pierre Michaux ont contribué à la modernisation de ce véhicule dans la deuxième partie du XIXe siècle. « Cependant, en France, tout se passe comme si, trop souvent, le vélo restait un sport, beaucoup plus qu'un moyen de transport », constatait Edouard Philippe en septembre 2018.

La France à la traîne

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Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La part du vélo dans l'ensemble des déplacements stagne à environ 3 %, contre 10 % en Allemagne, 12 % en Belgique et 28 % aux Pays-Bas. La moyenne européenne est de 7 %.

Le vélo ne manque pourtant pas d'atouts. Il est plus rapide que la voiture en ville pour les trajets courts, a des effets positifs sur la santé et le moral, coûte peu cher, est silencieux et ne pollue pas - tout sauf un détail alors que le secteur des transports est responsable de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Les modèles à assistance électrique (VAE) permettent en outre de réaliser des trajets plus longs, sans arriver en sueur à son lieu de rendez-vous : une angoisse chez beaucoup de cyclistes potentiels.

Un plan vélo de 350 millions d'euros

Conscient de l'enjeu, le gouvernement a lancé un « plan vélo » de 350 millions d'euros sur sept ans afin de tripler les déplacements à vélo d'ici à 2024 (9 %). Il prévoit de financer des axes cyclables, de rendre obligatoire le marquage des vélos pour lutter contre le vol, de créer un « forfait mobilité durable » (facultatif) dans les entreprises afin d'inciter les salariés à pédaler pour aller au travail, et de favoriser l'apprentissage du vélo à l'école.

« C'est un premier pas, mais la France n'est pas encore à la hauteur. Il faudrait dépenser au moins 200 millions d'euros par an », insiste Karima Delli, présidente de la commission Transport et Tourisme au Parlement européen. « Les Pays-Bas ont beaucoup investi dans le vélo et continuent à le faire », rappelle-t-elle. Résultat : les déplacements à vélo dépassent 30 % dans bon nombre de villes.

Pour développer la pratique, la députée écologiste plaide pour « une réduction de la vitesse à 30 km/h en ville, la généralisation des doubles sens cyclables dans les rues et la création de places dans les trains afin de favoriser l'intermodalité ». Le vélo est également un enjeu économique. « Il représente 650.000 emplois dans l'UE », souligne la Nordiste.

Les villes prennent les devants

Plusieurs villes françaises n'ont pas attendu le réveil de l'Etat. Strasbourg, Grenoble et Bordeaux sont souvent citées en exemple pour leur volontarisme. La maire de Paris, Anne Hidalgo, ne cache pas son ambition de les détrôner. Elle multiplie les infrastructures cyclables dans le cadre de son plan « vélo 2015-2020 ».

Ces investissements commencent à payer. Le nombre de cyclistes a bondi de 54 % entre septembre 2018 et septembre 2019 dans la capitale. Aux heures de pointe, certaines artères battent des records de fréquentation en ce moment (plus de 10.000 passages sur les boulevards Magenta et Voltaire par exemple), révélant parfois en creux leur sous-dimensionnement.

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Cette politique ne fait pas l'unanimité, notamment chez les automobilistes qui s'estiment lésés et dénoncent les libertés prises avec le Code de la route par certains cyclistes. « Les villes ne sont pas extensibles. On ne peut pas laisser croire qu'on va développer le vélo sans toucher à la place de la voiture », analyse Mathieu Chassignet, ingénieur mobilité, qualité de l'air et transition numérique à l'Ademe.

« Il faut assumer une hiérarchie entre les modes de transport en privilégiant, dans l'ordre, la marche, le vélo, les transports collectifs et enfin les véhicules motorisés », poursuit-il. Or, « trop souvent, le vélo reste une variable d'ajustement ».

Le vélo, enjeu des élections municipales ?

L'absence de continuité dans les infrastructures représente le principal obstacle pour mettre les Français en selle. Ce qui se passe à Paris est un cas d'école. La nouvelle piste cyclable de la rue de Rivoli débouche sur la place de la Concorde. Là, certains cyclistes préfèrent poser le pied à terre plutôt que de se mêler au trafic motorisé.

Pour résoudre ce problème, la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) vient de boucler une grande enquête, à laquelle plus de 184.000 personnes ont répondu. Elles devaient notamment signaler les points noirs sur leur trajet (carrefour, rond-point, etc.). L'an prochain, l'association réalisera avec les données collectées son deuxième palmarès des villes les plus cyclables de France. Cinquante réponses étaient requises pour qu'une ville figure au classement.

« On est passé de 316 villes classées à 763 par rapport à 2017 », se félicite Olivier Schneider, le président de la FUB. « Cela signifie qu'il y a aussi une envie légitime de faire du vélo dans les villes petites et moyennes. » L'association espère ainsi convaincre les candidats aux prochaines élections municipales de construire de meilleurs aménagements. Et permettre que, au-delà de la grève actuelle, le vélo prenne définitivement son envol.

Adrien Lelièvre 

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