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Archéologie : la découverte de la plus ancienne tombe d’Afrique, datée de près de 80 000 ans, éclaire l’évolution de l’Homme

Archéologie : la découverte de la plus ancienne tombe d’Afrique, datée de près de 80 000 ans, éclaire l’évolution de l’Homme
Modélisation de la disposition des ossements dans la sépulture de Panga Ya Sidi © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

Le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) a annoncé que ses chercheurs avaient identifié la plus ancienne sépulture d'Afrique au Kenya, sur le site de Panga Ya Saidi. Les restes osseux d'un enfant de 3 ans datant d'il y a presque 80 000 ans ont été exhumés et analysés.

Cette découverte archéologique pourrait bien bouleverser l’histoire évolutive et culturelle de notre espèce. C’est en tout cas ce qu’estiment les chercheurs du CNRS qui ont annoncé, ce mercredi 5 mai, avoir découvert la plus ancienne sépulture du continent africain, sur le site de Panga Ya Saidi, à l’est du Kenya. Selon eux, les os et résidus prélevés prouvent que les Homo sapiens enterraient leurs morts depuis le Middle Stone Age (400 000-50 000 av. J.-C.). Le squelette, baptisé Mtoto (qui signifie enfant en swahili) est en effet celui d’un Homo sapiens, âgé de 3 ans au moment de sa mort survenue il y a environ 78 000 ans. Plusieurs indices laissent supposer qu’un rite funéraire a été pratiqué avant l’inhumation et que celui-ci nécessitait plusieurs personnes.

Des rites funéraires au Paléolithique ?

Le site de Panga Ya Saidi intrigue depuis longtemps les chercheurs. Dès 2013, des prélèvements avaient identifié la présence de résidus osseux dans le sol du site, laissant présager la découverte de Mtoto. Ce n’est que l’année dernière que les chercheurs ont pu avoir accès au squelette, situé à trois mètres de profondeur dans le sol. La position inhabituelle du corps a rapidement posé question. Il semblait recroquevillé, les jambes ramenées sur le torse et initialement placé sur le côté. Les archéologues ont par ailleurs été étonnés de ne retrouver presque que des os provenant de la partie haute du corps, les autres s’étant entièrement décomposés. Grâce à l’analyse des sols, l’équipe du CNRS a rapidement conclu que la fosse dans laquelle se trouvait Mtoto a été volontairement creusée, et qu’il s’agissait donc d’une sépulture, à la différence d’autres pratiques funéraires de l’époque, qui consistaient seulement à cacher un corps dans un endroit isolé.

Le CNRS a réalisé diverses modélisations 3D pour pouvoir étudier le squelle de Mtoto plus aisément © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

Le CNRS a réalisé diverses modélisations 3D pour pouvoir étudier le squelette de Mtoto plus aisément © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

La présence d’une certaine faune et de certains minéraux confirme par ailleurs que le corps s’est bien décomposé dans la fosse. Pour les archéologues, le haut du corps a pu être enveloppé d’une sorte de linceul, et la tête posée sur un support périssable, qui se seraient tous deux rapidement décomposés. Ils ont en effet observé une compression forte du haut du corps, qui semble indiquer qu’il était contenu dans une enveloppe très serrée et une dislocation du crâne déjà observée dans d’autres sépultures présentant des supports pour la tête. La présence de ces éléments et d’une fosse volontairement creusée montre que l’inhumation du corps a pu avoir lieu dans le contexte d’un rite funéraire élaboré, auquel prenaient part plusieurs personnes. D’autres inhumations d’enfants de la même époque ont été observées en Égypte et en Afrique du Sud, ce qui laisse supposer que, entre 78 000 et 69 000 av. J.-C, les Homo sapiens préservaient les dépouilles des plus jeunes.

Une vue d'artiste de la position de Mtoto au moment de son inhumation © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

Une vue d’artiste de la position de Mtoto au moment de son inhumation © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

La plus ancienne sépulture connue en Afrique

Les chercheurs se sont par la suite penchés sur l’espèce à laquelle appartient Mtoto. Bien que sa morphologie le rapproche fortement des Homo sapiens, des différences au niveau de la dentition montrent que des caractéristiques génétiques archaïques étaient encore présentes à cette époque. Cette observation témoigne, selon les archéologues, des racines anciennes de notre espèce en Afrique et d’une évolution asynchrone du genre Homo en fonction des différentes régions d’Afrique. Une analyse de l’ensemble des éléments, notamment géologiques, semble par ailleurs indiquer que le squelette date d’il y a 78 300, à 4000 ans près. Cette datation en fait donc la plus ancienne sépulture connue en Afrique. Celles-ci sont très rares et les deux seuls autres exemples, à Taramsa en Égypte et Border Cave en Afrique du Sud, ne sont pas suffisamment documentés, ni datés assez précisément pour concurrencer Mtoto.

Le site de Panga Ya Saidi intrigue les archéologues depuis plusieurs années déjà © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

Le site de Panga Ya Saidi intrigue les archéologues depuis plusieurs années déjà © Mohammad Javad Shoaee / Jorge González / Elena Santos / F. Fuego / MaxPlanck Institute / CENIEH

Enfin, si des rites funéraires ont été observés chez l’Homme de Néandertal, qui enterrait les corps dans les zones résidentielles dès 120 000 av. J.-C., l’existence de tels rites restait sujette à débat pour les Sapiens. Même si la découverte de Mtoto semble attester de pratiques d’inhumation, les chercheurs rappellent, à la fin de leur étude, que l’absence de traces archéologiques ne signifie pas l’inexistence : les Sapiens pratiquaient peut-être d’autres rites qui n’ont pas laissé de témoignages identifiables près de 100 000 ans plus tard. Quoi qu’il en soit, cette découverte montre que les Homo Sapiens disposaient de capacités cognitives suffisantes pour penser de tels cérémoniaux et pourrait amener de nouveaux développements concernant l’histoire de la lignée humaine.

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