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Portrait

Renaud Fillioux de Gironde, le maître assembleur d'Hennessy

A 39 ans, il est le huitième de la dynastie Fillioux à occuper cette fonction cruciale dans la fabrication du cognac. Les membres de sa famille se succèdent à ce poste depuis 215 ans.

Par Frank Niedercorn

Publié le 23 févr. 2018 à 11:08

Le rituel est immuable, et Renaud Fillioux de Gironde en est désormais le grand ordonnateur. Chaque jour à 11 heures précises, le nouveau maître assembleur de la maison Hennessy préside le comité de dégustation. A 39 ans, il est le huitième membre de la famille Fillioux à occuper cette fonction. Une tradition depuis 1803. Yann Fillioux, son prédécesseur recruté par la famille Hennessy à l'âge de 17 ans et dans la maison depuis cinquante ans, n'est autre que son oncle.

Le poste est extrêmement important au sein de la maison Hennessy qui appartient à LVMH (propriétaire des « Echos »). « C'est un peu comme entrer dans les ordres car c'est un job pour la vie », reconnaît Renaud Fillioux de Gironde. Pour la marque qui communique beaucoup sur le savoir-faire et la transmission, il était important qu'un membre de la dynastie reprenne le flambeau. Il y a deux ans, le nouveau maître assembleur a d'ailleurs ajouté le nom de sa mère, Fillioux, à son patronyme Renaud de Gironde : « Cela facilitait la compréhension et c'est de toute façon un nom dont je suis très fier. »

« La vigne pour jardin »

Charentais pure souche, né à Cognac dans une famille de viticulteurs distillateurs, il a toujours eu « la vigne pour jardin ». Avec un grand-oncle, puis un oncle maîtres assembleurs chez Hennessy, il sait très tôt qu'une carrière chez le numéro un du cognac constitue une option. « Il n'y a jamais eu de pression particulière dans la famille. Ce fut mon choix », insiste-t-il.

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En 2001, après un parcours en école de commerce, celle de Reims, il rencontre Christophe Navarre, le patron d'Hennessy : « Il m'a proposé que nous fassions un bout de chemin ensemble. » Il complète alors sa formation avec un master en « wine business » en Australie. Avant un retour sur les bords de la Charente. « Pendant dix ans auprès de mon oncle, j'ai appris la dégustation : éduquant mon palais et créant mes propres références. Vous pouvez être un amateur même éclairé mais chez Hennessy c'est un métier, exigeant, qui impose un long apprentissage. »

Pendant des années, il travaille alors au sein du comité de dégustation. Il est chargé des relations avec les 1.600 viticulteurs auprès desquels la maison Hennessy s'approvisionne en eaux-de-vie. « Cela me tient à coeur. Il est primordial d'inciter nos partenaires viticulteurs à maintenir la qualité. C'est sur la vigne que l'on s'est jusqu'à présent posé le moins de questions. C'est donc là que l'on peut faire le plus de progrès dans l'avenir », analyse-t-il.

10.000 échantillons goûtés par an

Le comité qu'il dirige désormais a un double rôle. Lors de cette séance de travail quotidienne, dans l'atmosphère studieuse de la salle de dégustation occupée par une longue table en bois, on parle peu mais on goûte beaucoup : cinquante à soixante échantillons. Il s'agit comme en ce moment de choisir les eaux-de-vie que la maison va acheter à ses viticulteurs. Plus tard dans l'année on goûte aussi les stocks.

Dans ses chais, la maison Hennessy conserve 400.000 barriques de cognac représentant au moins 4.000 lots. Chacun doit être goûté une fois par an pour évaluer s'il a encore un potentiel de vieillissement ou s'il est arrivé à maturité. Le cognac est un savant assemblage de plusieurs, voire de dizaines d'eaux-de-vie d'âges et de terroirs différents. L'objectif est de garder à chaque produit un goût immuable. « Un XO Hennessy doit rester le même. Mon métier est de recréer année après année les produits, cela n'a donc rien à voir avec celui de sommelier. Nous goûtons 10.000 échantillons par an que nous jugeons et que nous classons. Il faut arriver à séparer son goût personnel de ce qui fait la référence et la qualité Hennessy », explique Renaud Fillioux de Gironde. Le maître assembleur peut laisser libre cours à sa créativité sur des produits en séries limitées : « On a alors d'avantage de latitude pour exprimer sa touche personnelle. »

L'ancien rugbyman à la carrure imposante a depuis longtemps troqué les crampons pour les chaussures de marche portées lors de balades en forêt ou dans les monts du Cantal, la région de sa belle-famille. Le temps de méditer : « A l'issue de ma carrière on pourra dire que j'ai bien fait son travail si j'ai préservé le goût et la qualité Hennessy. Ensuite si j'ai préservé et renouvelé les stocks pour que cette tradition se perpétue. La notion du temps est essentielle dans notre métier. » Son fils de 2 ans pourrait-il un jour prendre la suite ? Il évacue la question d'un geste de la main et entend bien lui laisser la liberté dont il a profité.

Frank Niedercorn  (Correspondant à Bordeaux)

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