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L'exécutif monte au créneau pour défendre le barème aux prud'hommes

Le ministère de la Justice envisage de faire intervenir les procureurs généraux en appel dans les cas où les conseils prud'homaux ont rejeté le barème institué par les ordonnances réformant le Code du travail.

Une quinzaine de prud'hommes ont rejeté le barème d'indemnisation en cas de licenciement abusif instauré avec les ordonnances Travail.
Une quinzaine de prud'hommes ont rejeté le barème d'indemnisation en cas de licenciement abusif instauré avec les ordonnances Travail. (Denis Charlet/AFP)

Par Alain Ruello, Marie Bellan

Publié le 8 mars 2019 à 08:20

Le ministère de la Justice monte au front pour défendre l'un des points les plus polémiques des ordonnances réformant le Code du travail : l'instauration d'un barème d'indemnisation supra légales en cas de licenciement abusif. Les services de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, ont sollicité pour cela les procureurs généraux des cours d'appels pour contrer certains jugements de conseils prud'homaux, selon une circulaire consultée par « Les Echos » et dévoilée par le site « ActuEL-RH ».

Après une première tentative infructueuse quand il était à Bercy, Emmanuel Macron a réussi à imposer un plancher et un plafond d'indemnisation supra légale en fonction de l'ancienneté du salarié. Une demande de longue date des employeurs qui critiquaient le manque de prévisibilité des condamnations prononcées aux prud'hommes.

Las, une quinzaine de conseils prud'homaux parmi lesquels ceux de Troyes , Lyon et Amiens se sont affranchis de ce barème, estimant qu'il violait deux engagements internationaux de la France : la convention 158 de l'Organisation internationale du travail et la charte sociale européenne.

S'appuyant sur les avis du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, le ministère demande que soient remontées toutes les décisions. Mais il demande aussi, et sans attendre, que lui soit communiquées celles « qui ont fait l'objet d'un appel afin de pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l'avis du parquet général ». En clair, « les procureurs peuvent aller aux audiences, ce qui est rarissime », décrypte David Jonin, avocat associé du cabinet Gide.

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Les spécialistes ont en mémoire le précédent du Contrat nouvelle embauche (CNE), lancé en 2005 par Dominique de Villepin, alors Premier ministre : parti des prud'hommes de Longjumeau, la contestation - elle aussi assise sur le respect des engagements internationaux de la France -avait fait tâche d'huile dans les cours d'appels jusqu'à ce que le Parlement donne le coup de grâce trois ans plus tard.

Pour Brigitte Pereira, professeure chercheuse en droit à l'Ecole de management de Normandie, la circulaire « traduit une volonté très ferme de défendre le principe de la limitation des indemnités des licenciements sans cause réelle et sérieuse ». Qui plus est, les prud'hommes qui n'ont pas rejeté le barème n'ont pas pour autant fermé la porte à passer outre dans d'autres affaires, « dès lors que le préjudice serait tel que le plafond s'avère inapproprié ». Tatiana Sachs, enseignante-chercheuse en Droit à Paris Nanterre, estime, elle, que cette circulaire témoigne « d'une certaine fébrilité, voire même d'un affolement ». Et que le ministère ne peut pas reprocher aux prud'hommes de ne pas suivre l'avis du Conseil d'Etat.

Les exemples de la Finlande et de l'Italie renforcent aussi les risques juridiques. Mais pour Pierre Brégou, avocat et conseiller prud'homal, le cas de la France n'est pas comparable à celui de la Finlande, où le barème de 24 mois maximum a dû être abandonné : « C'était un barème où tout était compris. Or en France, le salarié a la possibilité d'invoquer une procédure vexatoire ou une procédure abusive par exemple, dont la réparation ne rentre pas dans le barème ».

Nicolas de Sevin, président d'Avosial souligne que « le barème des ordonnances comporte un plancher et un plafond, ce n'est pas un chiffre unique. Il donne donc une certaine latitude au juge pour adapter sa décision à des situations particulières. »

Le premier jugement en appel est attendu à Reims mi-juin. Comme pour le CNE, c'est la Cour de cassation qui tranchera d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Rejeter le barème reviendrait à réfuter à la fois le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel. Un scénario qui ne peut pas être exclu mais qui serait délicat.

En outre, rappelle David Jonin, le barème n'est pas tombé du ciel, puisqu'il est le fruit d'études statistiques du ministère de la Justice sur les décisions en appel. « Il a peut-être le tort d'instaurer une indemnisation maximale, mais il présente l'avantage d'assurer un minimum. Lui faire la guerre peut donc s'avérer très dangereux pour les salariés », plaide-t-il.

Alain Ruello, Marie Bellan

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