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Décryptage

Réforme de l'assurance-chômage : le respect de la séparation des pouvoirs en question

L'ancien membre du Conseil constitutionnel Olivier Dutheillet de Lamothe juge « très probable » que le décret fixant au 1 er  octobre l'entrée en vigueur du nouveau calcul des allocations chômage soit « suspendu puis annulé ». « Un décret ne peut […] bien évidemment pas suspendre les effets d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux », explique-t-il.

Olivier Dutheillet de Lamothe est aujourd'hui associé au sein du cabinet Francis Lefebvre avocats.
Olivier Dutheillet de Lamothe est aujourd'hui associé au sein du cabinet Francis Lefebvre avocats. (SIPA)

Par Leïla de Comarmond

Publié le 20 oct. 2021 à 10:16

Le Conseil d'Etat va-t-il suspendre une seconde fois la modification du calcul des allocations chômage , en attendant de juger au fond cette réforme ? La plus haute juridiction administrative doit trancher d'ici à la fin de la semaine.

Le gouvernement s'affirme confiant et les syndicats sont inquiets sur l'issue de cette nouvelle procédure. Mais il n'est pas exclu que le ministère du Travail subisse un second camouflet, après la première suspension de la réforme par les juges du Palais-Royal le 22 juin dernier. C'est en tout cas l'analyse que livre Olivier Dutheillet de la Motte dans un article publié ce mardi sur le site spécialisé liaisons-sociales.fr.

Séparation des pouvoirs

Il juge « très probable » que le décret du 29 septembre soit « suspendu puis annulé ». Le propos sonne comme un avertissement sur le risque juridique qu'a pris le gouvernement à la vue du CV de cet associé du cabinet Francis Lefebvre avocats à l'expertise en droit social reconnu : celui qui fut notamment conseiller social de Jacques Chirac a non seulement présidé la section sociale du Conseil d'Etat mais est aussi un ancien membre du Conseil constitutionnel.

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Pour Olivier Dutheillet de Lamothe, le problème est la méthode utilisée pour réenclencher la réforme après sa suspension en juin. « Un décret ne peut […] bien évidemment pas suspendre les effets d'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux », explique cet expert qui rappelle deux principes constitutionnels fondamentaux : la séparation des pouvoirs et l'indépendance de l'autorité judiciaire » qui « s'opposent à toute ingérence de l'exécutif dans une décision de justice ».

En prenant un nouveau décret, le gouvernement « s'est trompé de procédure ». Il aurait dû utiliser l'article L 521-4 du code de justice administrative, explique l'ancien conseiller d'Etat. Cet article dit que « saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut à tout moment au vu d'un élément nouveau modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ».

« Le gouvernement pouvait arguer de l'amélioration spectaculaire de la situation de l'emploi pour demander au Conseil d'Etat de lever la suspension », explique-t-il. Lors de l'audience, jeudi dernier , le directeur des affaires juridiques du ministère du Travail a répliqué aux syndicats qui avaient soulevé le sujet que cette voie avait été envisagée « 48 heures » avant d'être abandonnée pour un nouveau décret.

Contrôle « en opportunité »

Mais s'il critique vertement la stratégie du gouvernement, Olivier Dutheillet de Lamothe n'est pas pour autant tendre avec l' ordonnance qui a suspendu le décret du 22 juin prévoyant le démarrage de la réforme des allocations chômage le 1er juillet. Il avait déjà dit dans « La Semaine sociale Lamy » tout le mal qu'il en pensait, critiquant notamment le fait qu'elle se soit appuyé sur l'existence d'une incertitude économique pour refuser le démarrage de la réforme au 1er juillet, comme le souhaitait le gouvernement.

« Ni la loi, ni le décret n'ont subordonné l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au salaire journalier de référence à une amélioration de la situation de l'emploi », écrivait Olivier Dutheillet de la Motte en juillet dans l'hebdomadaire juridique, y voyant un contrôle non pas de légalité mais en « opportunité » (ce qu'avait vivement dénoncé le gouvernement). Ce faisant, a-t-il complété ce mardi, « le Conseil d'Etat a, d'une certaine façon, libéré le gouvernement : à partir du moment où le juge se fait administrateur à la place du gouvernement, le gouvernement peut mettre fin à une ordonnance du Conseil d'Etat ».

Leïla de Comarmond

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