Islam et laïcité : « Des visions du monde opposées empêchent un discours commun » regrette Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir était l’invité de la matinale de Dimitri Pavlenko ce vendredi 16 avril. Le journaliste et écrivain français publie Juste après la fin du monde aux éditions NIL, un conte philosophique dystopique racontant les aventures de deux adolescents dans un monde post-apocalyptique.

Covid-19 : Frédéric Lenoir voit dans cette crise « une opportunité de progresser et vivre autrement »

La publication de Juste après la fin du monde intervient 10 ans après celle de L’âme du monde, un délai de publication qui respecte la temporalité fictionnelle qui lie les deux romans : « L’âme du monde est un conte philosophique qui évoque une période juste avant un cataclysme pressentit par les sages de toutes les spiritualités de l’humanité (…) ces sages avaient le désir de transmettre à deux adolescents les clés de la sagesse universelle (…) à la fin du livre intervient un cataclysme et une grande destruction de la civilisation ». Son nouvel ouvrage suit donc les aventures de ces deux mêmes protagonistes dans un monde post-apocalyptique où « des communautés se reforment et se posent des questions pour ne pas commettre les mêmes erreurs afin de créer une humanité plus respectueuse de la nature, du vivant ».

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Alors que la sinistre barre des 100 000 morts du covid-19 a été atteinte en France, que la population est toujours balancée entre espoir et désespoir des restrictions sanitaires et les réflexions sur le monde d’après, Frédéric Lenoir préfère voir dans ces temps difficiles « une période charnière où l’on se pose des questions, où l’on prend du recul (…) l’humanité a besoin d’introspection en ce moment ». L’écrivain adopte une posture tragique face à la pandémie et accepte une situation dont personne ne souhaite pour la transformer en opportunité de progresser et de se développer individuellement : « il est très difficile de savoir ce qu’il va se passer, donc il faut faire avec (…) dans toute crise il y a de la souffrance, de la déstabilisation, des morts, mais il y a aussi des opportunités individuelles et collectives pour essayer de progresser et changer (…) notre esprit est capable de regarder les choses autrement ».

 

Laïcité: « On ne débattrait pas de la laïcité sans la question de l’Islam en France » affirme Frédéric Lenoir

Interrogé par Dimitri Pavlenko sur le rapport qu’entretient la société française avec la laïcité et l’Islam, Frédéric Lenoir, ancien directeur du magazine Le Monde des Religions, y voit un problème d’ordre culturel : « on ne débattrait pas de la laïcité s’il n’y avait pas la question de l’Islam (…) et la question est qu’une culture différente de la notre imprègne la société française, nous ne sommes pas habitués aux femmes voilées, à ce qu’il y ait des séparations entre les hommes et les femmes dans les piscines (…) c’est un choc culturel que l’on vit ». Comprendre cet écart de perception du monde est essentiel pour saisir le fossé qui sépare les populations d’une même société : « c’est la culture française face à une autre culture qui a des traditions différentes, et ce choc là n’est pas facile à surmonter ».

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Pour tenter de surmonter ce choc, Frédéric Lenoir appelle à plus de philosophie et de raison : « il faut relativiser le poids des cultures et la remplacer par une universalité qui passe par la raison et non des émotions (…) la raison nous amène à argumenter, à discuter (…) mais la difficulté c’est que l’Islam fondamentaliste ne nous permet pas d’avoir une discussion rationnelle ». En tant que spinozien, Frédéric Lenoir nous invite à tirer deux leçons de son maître, la première est de sortir de ses croyances figées dans lesquelles la discussion est impossible, la seconde celle populariser la philosophie : « la philosophie, c’est l’intelligence collective (…) Aujourd’hui on est confrontés à des visions du monde qui nous empêchent d’avoir un discours commun (…) nous devons être capable de trouver les arguments qui nous permettent de vivre ensemble sur la raison et non sur les habitudes culturelles et les émotions ».

Rémi Monti

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