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« Une croissance organique de l’ordre de 10% en 2019 »

Malgré le trou d’air du début d’année, le PDG de Valeo se montre très confiant. Il insiste sur le potentiel du groupe dans la motorisation électrique.

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Jacques Aschenbroich, président directeur général de Valeo (Hugo Bacoul)
Publié le 22 juin 2018 à 17:35
Jacques Aschenbroich, PDG

Alors que l’action Valeo était la plus performante du Cac 40 au cours des dernières années, elle figure parmi les moins bons élèves de l’indice depuis le début de l’année. A quoi attribuez-vous ce changement d’appréciation par le marché ?

Quand on fait le bilan sur cinq ans, le cours de Bourse de Valeo a été multiplié par 3,5, passant de 15 à 52 €. Ce parcours signifie que la société est perçue comme une valeur de croissance. A juste titre, puisque nos prises de commandes ont augmenté de plus de 17 % par an depuis 2013. 2017 a été un record en la matière, avec 27,6 milliards d’euros, soit 1,6 fois le chiffre d’affaires, ce que l’on appelle le book to bill. Et si on ajoute les commandes reçues par notre joint-venture avec Siemens dans les activités électriques, on frôle 34 milliards et le book to bill est supérieur à 2 !

L’an dernier, nos ventes ont augmenté de 13,8 % à changes constants. En même temps, la rentabilité s’est améliorée, avec une marge opérationnelle de 8 %, tout en accroissant les efforts de R & D. Il faut savoir que la moitié des commandes porte sur des produits qui n’existaient pas il y a trois ans.

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Au premier trimestre de cette année, nos ventes ont progressé de 8 % hors effet de changes, mais – c’est peut-être le sujet qui a inquiété les investisseurs – de seulement 1 % à périmètre et taux de change constants. C’est vrai, notre croissance organique a atteint un bas niveau. Les marchés se demandent si nous sommes sur un faux plat durable ou si la croissance va revenir. Ils sont dans l’attente.

J’ai annoncé clairement que le deuxième trimestre afficherait une croissance interne de 5 à 6 %, et, à fin mai, nous sommes totalement en ligne avec ces chiffres. Je confirme également que la croissance se situera à environ 7 % au cours de la seconde moitié de l’année et que nous retrouverons une progression organique de l’ordre de 10 % en 2019. Les fondamentaux sont là. Les prises de commandes vont se transformer en chiffre d’affaires.

Qu’est-ce qui explique ce premier trimestre faible ?

Notre croissance organique, donc en excluant les acquisitions, a été de 7 % en 2017, et elle devrait se situer à 5 % cette année et à environ 10 % l’an prochain. Ce n’est pas si mal ! Nous avions indiqué, il y a un an, lors de la présentation de notre plan à moyen terme, que nous visions un chiffre d’affaires de 27 milliards en 2021. Nous sommes dans les clous par rapport à cet objectif. Il est très difficile de prévoir les évolutions trimestre par trimestre, mais, sur l’année, nous serons au rendez-vous.

Vous misez beaucoup sur la société commune Valeo Siemens eAutomotive, constituée avec Siemens dans la production électrique ? A partir de quand sera-t-elle rentable et sa rentabilité sera-t-elle identique à celle de l’ensemble du groupe ?

L’industrie automobile n’a jamais connu dans son histoire autant de révolutions simultanées. Elles sont au nombre de trois : l’électrification de la chaîne de traction, le véhicule connecté et autonome, et le numérique, avec les nouveaux modes d’usages de l’automobile. Depuis dix ans, nous nous sommes positionnés sur ces trois domaines.

Nous sommes leaders dans les capteurs et les logiciels de la voiture autonome et numéro deux mondial pour la connectivité. Dans la mobilité numérique, nous avons toujours dit que nous ne voulions pas être un acteur de ce domaine, mais, pour nos clients, nous développons des produits et des systèmes (par exemple, notre clé virtuelle).

Dans l’électrique, nous sommes partis du constat que le diesel décline nettement plus vite que prévu. Les clients n’ont pas d’autre choix, afin de respecter les contraintes d’émissions de CO2 qui vont se ­durcir en 2021, que d’améliorer leurs moteurs à essence et d’aller vers l’électrique. Nous sommes bien placés sur l’électrique de moyenne puissance avec le 48-volts ; le joint-venture créé avec Siemens en décembre 2016 nous permet de proposer une offre bien adaptée dans la forte puissance, couvrant le moteur, l’onduleur et le chargeur. Ce J.-V. est encore une start-up : elle a réalisé 100 millions de chiffre d’affaires l’an dernier… mais 10 milliards d’euros de commandes ont été prises en dix-huit mois. A terme, en 2022, cette société réalisera plus de 2 milliards de chiffre d’affaires, avec une rentabilité équivalente à celle de Valeo. Dans un premier temps, en 2018 et en 2019, l’impact négatif sur les comptes sera assez fort, mais nous pensons être proches du point mort vers 2020. Grâce à ce joint-venture, Valeo est clairement le leader sur ce marché appelé à une très forte croissance.

Quelles sont les conditions de la prise de contrôle de cette société commune par Valeo ?

A partir de 2022, nous disposerons d’une option d’achat – un call –, tandis que Siemens détiendra une option de vente. Les conditions de prix sont fixées : il s’agit de multiples d’Ebitda. La reprise de cette société nous apportera 2 milliards de chiffre d’affaires supplémentaires.

Notre priorité est aujourd’hui de prendre des commandes, de développer les produits et de les standardiser pour plus d’efficacité. C’est une activité appelée à croître très fortement. Selon différentes études, les véhicules purs électriques, ou plug-in hybrides (hybrides rechargeables), qui font appel aux produits que nous développons dans le J.-V., représenteront 12 à 15 % du marché mondial en 2025-2026, contre 1,2 % l’an dernier.

Quels sont vos concurrents dans ce domaine : des équipementiers où les constructeurs d’automobiles eux-mêmes ?

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Avant de créer le joint-venture, nous nous sommes posé deux questions : y a-t-il une place pour les équipementiers ? Le marché chinois sera-t-il ouvert aux « non-chinois » ?

Sur les 10 milliards de commandes enregistrées, 5 le sont en Europe et 5 en Chine ; 40 % concernent des moteurs, 40 % des onduleurs et 20 % des chargeurs : clairement, la réponse aux deux questions est positive.

Je pense que le marché se stabilisera à 50-50 : la moitié pour les équipementiers et l’autre moitié pour les constructeurs d’automobiles. Nous avons trouvé notre place. Nous avons très peu de concurrents équipementiers, en raison de la barrière technologique et du montant des investissements nécessaires. Ils sont principalement allemands et asiatiques.

On a l’impression que, parmi les révolutions que vous évoquez, celle de l’électrique arrivera finalement avant celle du véhicule autonome ?

L’électrique va effectivement très vite. Pour la voiture autonome, il y a plusieurs marchés : celui des robots taxis va rapidement devenir réalité. Dans quelques mois, des véhicules autonomes circuleront en milieu urbain. Pour ce qui est du véhicule particulier, cela prendra beaucoup plus de temps, au moins cinq à dix ans.

Mais, avant la voiture 100 % autonome, il y a tous les systèmes d’assistance qui rendent la voiture plus agréable à conduire. Cela implique l’utilisation de caméras, de capteurs ultrasons, de radars… qui permettent le freinage automatique, le ­contrôle de changement de file, le parking automatique… Ces systèmes se trouvent d’abord sur les modèles premium, puis ils se diffusent ensuite sur le reste de la gamme. Cela génère aujourd’hui une activité beaucoup plus importante que l’électrification de la chaîne de traction.

De plus en plus d’industriels s’intéressent à l’hydrogène et à la pile à combustible. Cela ne semble pas être votre cas. Pourquoi ?

Nous sommes présents sur le véhicule électrique et sommes leaders au niveau mondial. Le mode de fourniture d’électricité, par batterie ou par pile à combustible, n’a pas d’importance pour nous.

Nous ne sommes pas, et ne voulons pas être, acteurs sur le marché de la batterie ou de la pile à combustible. Nous fournissons simplement des systèmes de gestion thermique de l’une et l’autre. Quant à savoir qui l’emportera, je constate que la batterie fait des progrès plus rapides que prévu en coût et en densité énergétique.

La chute accélérée du diesel vous pénalise-t-elle ?

Nous avions anticipé le déclin du diesel, qui me paraît inexorable, mais il ne va pas disparaître du paysage. Il va se stabiliser probablement à un niveau nettement inférieur à sa part actuelle de 40 % en Europe.

Valeo est très peu exposé au diesel. En revanche, nous sommes très concernés par l’hybridation. Le Mild Hybrid, c’est-à-dire des moteurs thermiques boostés par des batteries de 12 ou 48 volts, nous permet d’augmenter, par véhicule, notre contenu potentiel par deux pour la partie propulsion. Quant au véhicule électrique, c’est tout simplement une multiplication par sept.

Les villes sont devenues de nouveaux régulateurs qui imposent des solutions non polluantes. J’ai donc la conviction que l’électrique prendra plus de place. Le véhicule électrique, autonome et numérique permettra de réconcilier l’automobile et la ville. Mais il y aura toujours un espace pour les autres motorisations. La segmentation du marché sera, à l’avenir, plus forte qu’aujourd’hui entre les voitures urbaines et interurbaines.

L’an dernier, les acquisitions ont pesé sur la rentabilité du groupe. Cela sera-t-il encore le cas cette année ?

Nous sommes très satisfaits de nos trois acquisitions. L’intégration se passe extrêmement bien. La moindre rentabilité dont vous parlez était due au décalage entre l’intégration de la société japonaise Ichikoh dans le domaine de l’éclairage, dont la marge était plus faible, même si elle est plutôt meilleure que ce que nous anticipions, celle de FTE dans les embrayages et transmissions et celle de Kapec dans les convertisseurs de couple pour boîtes automatiques.

Je confirme que la rentabilité des trois sociétés réunies est identique à celle de Valeo. L’effet sur la marge du groupe sera donc neutre cette année.

Les comptes 2017 ont été affectés par des ­problèmes liés aux relations entre la Corée du Sud et la Chine, avec pour conséquence une baisse de vos ventes à Hyundai. Le problème est-il résolu ?

En Corée du Sud, nous fournissons à Hyundai des systèmes de double embrayage pour des véhicules qui sont ensuite distribués sur le marché chinois, dont les ventes ont fortement baissé en raison des tensions entre les deux pays. Cela nous a coûté un peu plus de 1 point de croissance l’an dernier. Il y a encore eu un impact au premier trimestre 2018, mais, comme anticipé, la situation se corrige à partir du deuxième trimestre. 

LA QUESTION QUI DÉRANGE

Les prises de commandes pourraient, au premier semestre, être inférieures à celles de 2017. Pourquoi ?Valeo et Siemens doivent apporter un soutien considérable au joint-venture, qui est une société jeune et en pleine expansion. Renforcer les compétences technologiques et la maîtrise des projets, afin de fournir les nouveaux produits en temps et en heure, est la priorité. Notre niveau global de prises de commandes est tel que, pendant quelques trimestres, nous allons être beaucoup plus sélectifs dans nos prises de commandes, qui seront stables mais à un niveau très élevé. Avec les commandes en portefeuille, nous sommes en avance sur nos objectifs de chiffre d’affaires 2021.Globalement, Valeo va recruter de 4.000 à 5.000 ingénieurs cette année, dont près d’un millier en France.

Propos recueillis par Rémi Le Bailly

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