C’est une cité surréaliste, un projet monumental un brin mégalo. Implantés dans le quartier du Mont d’Est à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), les espaces d'Abraxas sont le genre d’endroits tout droit sortis d’un film de science-fiction, fruits du cerveau excentrique de Ricardo Bofill. En construisant le Théâtre, l’Arc et le Palacio (les trois bâtiments qui composent les lieux), l'architecte imagine un complexe démesuré, abritant 600 logements dans le cadre du projet des Villes Nouvelles, initiative gouvernementale pour développer les villes en périphérie de la capitale.
40 ans après leur construction, ces structures bétonnées rehaussées de détails dignes de Jean Jacques Lequeu — bâtisseur de l'impossible — attirent autant les étudiants en architecture que les fans de cinéma ; c'est en effet ici qu'ont été tournés Brazil (Terry Gilliam, 1985), À mort l’arbitre! (Jean-Pierre Mocky, 1983) et Hunger Games La Révolte, partie 2, (Francis Lawrence, 2015). Pourtant, le quotidien aux espaces Abraxas n'est pas aussi rose que le béton des façades néoclassiques. Loin d'être le havre de paix que voulait Bofill, la cité s'est enclavée, détériorée, au point même de devenir un endroit peu fréquentable, malgré les efforts de la mairie et des habitants. Un échec donc, diront certains, qui laissera un goût amer à l'architecte, mais n'empêchera pas Stéphanie de Monaco de venir y tourner une partie de son clip Comme un ouragan en 1986.
Aujourd'hui, on y pénètre sur la pointe des pieds, cherchant l'entrée à tâtons pour finalement se retrouver propulsé hors du temps face à cet ovni. Ricard Bofill a créé une structure rétro-futuriste impressionnante, voire écrasante. Si elle a manqué plusieurs fois d'être détruite, elle a toujours trouvé des défenseurs, prêts à tout pour sauver sa cause ; c'est qu'entre ce dédale d'escaliers et ses structures intrigantes, les espaces d'Abraxas laissent entrevoir le rêve loufoque d'un architecte de génie.