« La compétitivité n’a pas bougé depuis vingt ans entre les Etats-Unis et l’Europe » affirme Thierry Breton

Lenin Nolly/EFE/SIPA

En visite à Paris mardi 2 avril, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis aux Affaires étrangères Anthony Blinken a exhorté l’Europe à renforcer son industrie de défense. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, revient sur les choix politiques de l’Union européenne en la matière au micro de Radio Classique.

L’UE doit renforcer son industrie de défense. Ce type de discours, tenu par un secrétaire d’Etat étasunien, ne « date pas d’hier ». En incitant, « à juste titre » selon Thierry Breton, les Etats-membres de l’Union européenne à respecter leurs engagements, Anthony Blinken se serait inscrit dans une tradition qui existe depuis l’administration Obama. Il en appelait spécifiquement aux membres de l’OTAN, qui se sont engagés à dépenser 2% de leur PIB en matière de défense.

Mais la France n’aurait pas attendu l’appel du secrétaire d’Etat pour augmenter ses capacités de production, explique le commissaire européen au Marché intérieur. A l’instar de plusieurs de ses voisins, elle serait en train d’« accélérer » l’investissement dans sa défense. La guerre en Ukraine aurait également fait prendre conscience à quelques Etats européens « récalcitrants » qu’une telle augmentation était « absolument indispensable ».

Une possible sortie des l’OTAN des Etats-Unis

L’augmentation a été faite « sur les munitions, on va le faire maintenant sur l’ensemble du spectre de nos industries de défense », explique Thierry Breton, pour qui ce changement représente une « nécessité » afin de « pouvoir fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin, mais aussi pour notre propre sécurité ».

Alors que l’ancien président des Etats-Unis et candidat du parti républicain aux prochaines élections Donald Trump a récemment fait miroiter une possible sortie de son pays de l’OTAN s’il était réélu, le commissaire européen souligne l’importance pour l’Europe de bénéficier d’alliances stables. Si ce ne sont pas les premières « déclarations à l’emporte-pièce » de l’ancien président, qui parlait déjà ainsi lorsqu’il était en fonctions et s’est contredit à plusieurs reprises, l’Europe ne peut pas « jouer [sa] sécurité à pile ou face tous les quatre ans en fonction des élections aux Etats-Unis », juge Thierry Breton.

« Le monde est de plus en plus difficile et il faut avoir des alliés », juge-t-il, « et des alliés, ça doit être sûr ». Pour l’ancien chef d’entreprise, on peut trouver ces alliés dans la « grande alliance » qu’est l’OTAN, mais également en Europe.

Une logique « extraordinairement libérale » derrière les traités de libre-échange

Deux semaines après le rejet du CETA par le Sénat, Thierry Breton se fait également le défenseur des traités de libre-échange. Selon lui, cet accord économique et commercial qui visait à supprimer la quasi-totalité des barrières tarifaires et non-tarifaires aux échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Canada aurait pâti d’une approche « trop idéologue » adoptée par les pays européens envers ce type de traité.

Il dénonce notamment une logique « extraordinairement libérale » et « très consumériste », qui a dominé « il y a vingt ou trente ans » en étant défendue en particulier par « quelques anciens directeurs de la concurrence et du commerce extérieur ».

Investir au niveau européen

Pour le commissaire européen, des traités de libre échange « conçus ‘intelligemment’ » seraient souhaitables car ils permettraient « les échanges qui doivent être bénéficiaires pour les parties » et viseraient à « protéger notre marché intérieur » et à garantir une « réciprocité » dans les échanges, tout en prenant en compte les règles climatiques que s’imposent les Etats-membres. La Convention citoyenne sur le climat avait cependant demandé à la France de ne pas ratifier le CETA car il n’intégrait pas les objectifs de l’accord de Paris.

« La compétitivité n’a pas bougé depuis vingt ans entre les Etats-Unis et l’Europe », précise Thierry Breton, dénonçant une « légende urbaine » qui affirmerait que l’Union européenne subirait un décrochage économique. Elle aurait cependant intérêt à investir dans certains domaines, comme l’économie numérique, la croissance ou la recherche.

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« Je suis très attaché à ce qu’on investisse globalement au niveau européen et non plus par pays sur des secteurs donnés », ajoute-t-il, encourageant le recours à des emprunts et investissements communs à l’échelle de l’UE, à l’image du plan de relance post-Covid NextGenerationEU.

Ella Couet

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