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Brexit : pourquoi ça bloque toujours

Un peu plus d'un mois après avoir obtenu un nouveau délai, jusqu'à la fin octobre, le Royaume-Uni n'a accompli aucun progrès pour arrêter les modalités de sa sortie de l'UE. Pis : la dynamique politique pour sortir par le haut de cette interminable saga semble, à Londres, avoir totalement calé.

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(Boll pour Les Echos)

Par Alexandre Counis

Publié le 18 mai 2019 à 10:13Mis à jour le 19 mai 2019 à 13:38

« Please do not waste this time » (ne gaspillez pas votre temps), avait demandé au gouvernement britannique le président du Conseil européen, Donald Tusk en avril, au moment d'accorder à Londres un report du Brexit jusqu'à la fin octobre . Un peu plus d'un mois plus tard, rien ou presque ne s'est passé.

Theresa May a eu beau tenter de la ranimer, ces derniers jours, en remettant à l'agenda du Parlement un nouveau vote sur son accord de divorce avec l'UE dans la première semaine de juin , rien n'y a fait. Les hard-Brexiters de son propre camp ont aussitôt prévenu qu'ils voteraient une nouvelle fois contre le texte. Le Labour, lui, a mis un terme aux discussions qu'il menait depuis plusieurs semaines avec le gouvernement pour trouver un compromis. Theresa May ne semble donc avoir aucune chance d'obtenir dans quelques jours le feu vert des députés. Elle risque au contraire de devoir quitter précipitamment son poste, sans doute d'ici à la mi-juin .

Le spectre inefficace des élections européennes

Pourquoi la machine, qui, jusque-là, toussotait, s'est-elle brusquement bloquée ? La première explication est mécanique. La peur d'un Brexit sans accord s'est évanouie, au moins temporairement, avec le report accordé en avril. Et l'épouvantail que pouvait représenter la tenue d'élections européennes pour le moins saugrenues, mais surtout dangereuses pour le parti conservateur, n'a pas suffi à faire rentrer dans le rang les députés tories hard-Brexiters qui refusaient de ratifier l'accord de retrait. Leurs critiques sur le fameux « backstop », censé régler le problème de la frontière irlandaise, mais soupçonné de piéger le pays dans une relation éternelle avec l'UE, n'ont pas été vaincues.

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Alors que la situation au Parlement était à l'arrêt, les discussions ouvertes par Theresa May avec Jeremy Corbyn n'ont pas pris le relais. Aussi opaques que les bisbilles parlementaires étaient médiatisées, elles n'ont pas seulement tourné court. Elles ont aussi fait perdre beaucoup de temps. Là où les tentatives tous azimuts de la Première ministre pour obtenir l'aval des députés avaient donné l'impression brouillonne d'une histoire qui bégayait, les pourparlers « behind the curtain » entre responsables conservateurs et travaillistes ont donné pendant six longues semaines l'image d'un temps comme suspendu.

De calculs en arrière-pensées politiques

Les dés, d'une certaine manière, étaient pipés. Dans un pays où le mode de fonctionnement du politique est celui de la confrontation, à l'image de la Chambre des communes, où les deux camps se font face, les chances d'un compromis transpartisan étaient, dès le départ, bien minces. Les calculs et les arrière-pensées politiques ont fini de les enterrer.

Le Labour, notamment, avait-il vraiment intérêt à porter secours à Theresa May ? Evidemment, Jeremy Corbyn serait, en cas d'accord, apparu comme le sauveur du pays. Evidemment, il aurait sans doute été ravi d'attiser au passage les divisions entre tories. Mais il aurait aussi pris le risque de laisser le parti conservateur prendre le large, en le débarrassant du Brexit. De quoi permettre aux tories de regagner la confiance de leurs électeurs, tentés de voter aux européennes du 23 mai pour le Brexit Party de Nigel Farage. De quoi aussi leur donner des ailes pour élire un nouveau leader et fixer un nouvel agenda politique.

Des différends insurmontables

Sur le plan technique, la voie semblait pourtant toute tracée : laisser le Royaume-Uni post-Brexit dans une Union douanière avec l'UE permettait de régler la question de la frontière entre les deux Irlande. Une solution qui semblait capable de passer ensuite la rampe du Parlement. Une motion déposée fin mars par le conservateur pro-Remain Ken Clarke, qui proposait de laisser le pays dans une Union douanière « permanente et générale » avec l'UE, avait échoué d'un cheveu à recueillir une majorité. Sur 650 députés, elle n'avait été repoussée qu'avec un écart de 8 voix.

Mais les deux camps n'ont pas su surmonter leurs différends . Sur le périmètre de cette Union douanière d'abord : les conservateurs voulaient en exclure les services, pour conserver dans ce domaine la possibilité de conclure des accords commerciaux avec des pays tiers. Sur sa durée ensuite : Theresa May a accepté le principe d'une telle union, mais seulement jusqu'aux élections législatives de 2022. Inacceptable pour Jeremy Corbyn, qui voulait l'inscrire dans le marbre dès à présent, et pour l'éternité.

A leur décharge, le chemin était d'autant plus étroit pour les deux leaders que les coups à prendre étaient nombreux : Theresa May risquait de rendre furieux les hard-Brexiters de son camp, qui tiennent en horreur toute Union douanière avec l'UE, et veulent au contraire couper les ponts rapidement. Quant à Jeremy Corbyn, il devait composer avec ceux qui, notamment chez les militants du Labour, appellent à l'organisation d'un second référendum dont, en réalité, il n'a jamais voulu.

Mais on pourra regretter qu'aucun des deux dirigeants n'ait su se hisser à la hauteur de l'enjeu, à un moment pourtant clef de l'histoire du pays.

Alexandre Counis  (Correspondant à Londres)

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