Fromage : comment la filière comté va diminuer sa production de 8 %
Les ventes de l'AOP fromagère se sont effondrées de 20 % avec la crise sanitaire. Pour éviter un surstock et une baisse de qualité, l'interprofession a décidé collégialement de produire moins. Les veaux vont pouvoir téter plus longtemps…
Par Monique Clémens
Branle-bas de combat dans la filière comté. A l'issue de trois conseils d'administration en cinq jours, organisés en visioconférence avec les 16 membres de ses quatre collèges, l'interprofession du fromage du massif jurassien a décidé de mesures exceptionnelles pour passer le cap difficile de la crise du coronavirus. Avec l'arrêt brutal de la restauration hors domicile et les chutes des ventes à l'export (environ 10 % des 610 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2019), les ventes se sont effondrées de 20 %, indique le Comité interprofessionnel de gestion du comté (CIGC).
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On n'arrête pas la production de la première AOC fromagère française d'un claquement de doigts. En ce début de printemps, les montbéliardes qui produisent le lait à comté s'apprêtent à passer du foin à l'herbe verte des pâturages, ce qui augmente la qualité mais aussi le volume de lactation. Mais à l'autre bout de la chaîne, les problèmes de stockage puis de qualité du produit vont vite se poser pour les meules qui ne peuvent être gardées indéfiniment. D'où la décision exceptionnelle de diminuer la production de 8 % pour les mois d'avril, mai et juin, sur la base des volumes de 2019 (68.000 tonnes de fromage au total).
Trois leviers
Cet « écrêtement » du lait en pleine période de mise à l'herbe est « douloureux et contre-nature », concède Alain Mathieu, président du CIGC. « Mais nous avons dû faire preuve de réactivité : plus vite on prend une décision, moins forte sera la baisse. Nous ne sommes pas encore confrontés à une vraie crise de stockage mais en prenant cette mesure immédiate et collective, chacun porte sa part. »
Premiers maillons de l'interprofession - et l'un de ses quatre collèges avec les fromagers, les transformateurs affineurs et les affineurs metteurs en marché, tous impliqués - les éleveurs vont devoir actionner trois leviers. Le premier concerne l'allongement du tarissement d'une semaine ou deux - le tarissement étant une période de repos entre deux vêlages. L'allongement de la tétée des veaux d'une quinzaine de jours constitue un deuxième levier. Le troisième : la diminution de la supplémentation alimentaire. Du confinement heureux au pré, en quelque sorte.
Monique Clémens (Correspondante à Besançon)