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Analyse et Stratégie

Au moins deux mois de confinement ? A ce tarif-là, la Bourse n’a pas fini sa chute

En Italie, le confinement pourrait n’être levé que début mai. Deux mois de quarantaine, ou un peu plus comme à Wuhan, c’est le scénario central des stratégistes qui tentent d’évaluer les dégâts sur les bénéfices des entreprises, et donc sur la Bourse. Et, à ce tarif-là, l’indice européen Stoxx 600 a encore au moins 10% à perdre, calcule Société Générale. Mais, plutôt prévoir une chute de 30 à 45%.

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Closed shops in The Lanes, Brighton, during the outbreak of the Covid-19 virus. Coronavirus outbreak, Brighton, UK - 31 Mar 2020 (Anthony Harvey/REX/Sipa)

Par Marjorie Encelot

Publié le 1 avr. 2020 à 15:31

La question est la même pour tous. A quand la fin du confinement ? La population en a sa claque d’être enfermée. Les entreprises ont hâte de rouvrir - question de survie. Dès lors, la Bourse arrêterait enfin de chuter. Les investisseurs attendent la fin de la quarantaine comme le messie. Il n’y a qu’à voir leur emballement de la semaine dernière quand, aux Etats-Unis, Donald Trump disait souhaiter « rouvrir » le pays d’ici à Pâques en dépit de l’explosion du nombre de cas de coronavirus.

Depuis, le ton du président américain a changé et l’humeur de la Bourse avec. « Première impuissance mondiale », titre ce mercredi Libération. Près de 200.000 personnes diagnostiquées positives au Covid-19. Pas loin de 4.000 décès, un chiffre appelé à grossir atrocement. La Maison-Blanche table désormais sur 100.000 à 240.000 morts du coronavirus. Les deux prochaines semaines vont être « très, très dures » a prévenu hier soir Donald Trump, lors de sa conférence quotidienne sur la situation sanitaire. Il n’est plus question d’un retour rapide aux affaires.

Sur la base de ce qui a été décidé en Chine, et plus particulièrement pour le Hubei, province du centre-est où se situe la ville de Wuhan, berceau de la pandémie, Deutsche Bank estimait hier qu’en Europe, l’Italie ne commencerait à lever le confinement qu’au début du mois de mai. Et les faits donnent raison aux stratégistes de la banque d’affaires puisque le Premier ministre Giuseppe Conte a déclaré hier qu’un début de retour à la normale ne pouvait être envisagé qu'après le 4 mai ; « il sera très progressif », a-t-il prévenu.

« On ne rattrape pas un couteau qui tombe »

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Deux mois de confinement, voilà semble-t-il le tarif. Et, à ce prix-là, la Bourse n’a pas fini sa chute, calcule-t-on chez Société Générale Cross Asset Research. Plus longtemps l’économie reste en quarantaine, plus les dégâts seront conséquents sur les bénéfices des entreprises. La crise actuelle est tellement facile de compréhension que les particuliers – qui n’y calaient rien au charabia des « subprimes » - sont nombreux à y voir l’occasion du siècle pour se lancer en Bouse. Ils ont compris que lorsque le confinement sera levé, la Bourse remontera. Du coup, les courtiers croulent sous les demandes d’ouvertures de comptes. Quelques conseils tout de même. D’abord, « ne pas risquer le nécessaire pour gagner le superflu », comme l’écrivait Alexandre Pouchkine dans La Dame de Pique. Il y a aussi un adage boursier qui dit : « On ne rattrape pas un couteau qui tombe ». Patience donc.

Pour les stratégistes actions de Société Générale, les Bourses européennes ont encore des raisons de chuter de 10% à 25% - d'après le scénario le plus optimiste, à savoir celui d’un confinement qui ne durerait qu’environ un mois et demi, avec une reprise en « V ». D’après l’équipe de Roland Kaloyan, il est probable que l’indice Stoxx 600 des grandes entreprises du Vieux Continent retombe au moins sur ses plus bas du 18 mars, à 279 points en clôture (le 16 mars, il était descendu en séance à 268), ce qui impliquerait une rechute de 10% par rapport au niveau actuel, précipitée par les valeurs des secteurs « voyage et loisir », « énergie » ou « ressources de base ».

Tout part d’un constat. Les stratégistes remarquent que sur les quelque 250 entreprises qu’ils suivent, les trois-quarts n’ont pas encore officiellement abaissé leurs prévisions de bénéfices. Ce n’est qu’une question de temps. Gare aux révisions des voyagistes, des compagnies aériennes, des compagnies parapétrolières, des groupes miniers ou des distributeurs non essentiels ! En revanche, un confinement de seulement un mois et demi permettrait aux opérateurs télécoms, aux groupes de services aux collectivités, aux laboratoires pharmaceutiques de limiter la casse et d’afficher des revenus stables en 2020 par rapport à 2019.

Suivant ce scénario doux, le bénéfice par action des entreprises du Stoxx 600 hors banques est attendu en recul de 14% cette année, pour un chiffre d’affaires en baisse de 7% (-20% pour les métiers de l’énergie et des voyages et loisirs). Mais déjà, notent les stratégistes, le consensus des analystes - qui table encore sur une croissance de 2% des bénéfices par action de 2% à partir d'une croissance 0 - « est trop bullish. »

Trois mois de confinement et c’est l’effondrement

Cette complaisance est d’autant plus invraisemblable au regard du scénario « à la Wuhan ». Celui d’un confinement d’environ deux mois et demi qui implique, selon Société Générale Cross Asset Research, une nouvelle dégringolade du Stoxx 600 de l’ordre de 30 à 45%. L’indice pourrait enfoncer le seuil des 200 points pour retrouver ses niveaux de la grande crise financière de 2008-2009. « Le marché corrigerait de 50 à 60% par rapport à son pic [du 19 février], ce qui est conforme au précédent marché baissier », lit-on dans la note de la banque qui fait l’hypothèse que - même en cas de panique - les valorisations des actions, qui s’échangent actuellement autour de 12 fois les bénéfices attendus, ne chuteront « pas beaucoup en dessous de 10x » du fait « de la réponse de la politique monétaire [qui va] gard[er] les rendements à long terme à des niveaux historiquement bas. »


Le scénario catastrophe est celui d’un confinement allant de deux mois et demi à trois mois avec une reprises en « U ». Là, ce serait l’effondrement. « Il y aurait beaucoup de faillites. » Le Stoxx 600 plongerait de 70%.

Mais pour ceux qui voudraient d’ores et déjà acheter des actions, les stratégistes de Société Générale recommandent de cibler des entreprises qui ont de bonnes notes selon les critères ESG, parce que plus à même de connaître une reprise en « V ». Parmi les noms français sélectionnés, compte tenu de l'attractivité du prix, figurent Schneider Electric, Thales, PSA ou la Française des Jeux.

Marjorie Encelot

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