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Impôts : les effets encore mitigés de la réforme de l'ISF

Le troisième rapport d'évaluation de la réforme de la taxation du capital de 2018 ne démontre pas d'impact direct sur l'investissement des entreprises. Mais il confirme l'inversion des données de l'exil fiscal et la hausse des versements de dividendes.

Bercy estime que la réforme de la taxation du capital a été largement bénéfique à l'économie française.
Bercy estime que la réforme de la taxation du capital a été largement bénéfique à l'économie française. (Shutterstock)

Par Isabelle Couet

Publié le 14 oct. 2021 à 16:34Mis à jour le 15 oct. 2021 à 09:10

La nouvelle évaluation de la réforme de la taxation du capital n'arrive pas au meilleur moment pour le gouvernement. En plein débat sur la façon de redonner du pouvoir d'achat aux Français, confrontés à des hausses de prix tous azimuts, ce rapport élaboré par un comité d'experts et supervisé par France Stratégie (un think tank rattaché à Matignon) peine à démontrer les bienfaits pour l'économie tricolore du big bang fiscal visant les contribuables fortunés.

En 2018, lors du remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de la création d'un prélèvement forfaitaire unique (« flat tax ») de 30 % sur les revenus du capital (plutôt qu'une imposition au barème progressif), Emmanuel Macron s'était engagé à corriger le tir en fonction des évaluations qui seraient faites. C'est cet exercice qui vient d'être accompli pour la troisième fois.

Effet sur l'investissement

A la question de savoir si la réforme a fait bondir l'investissement, le rapport répond par la négative. « L'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) n'a pas conduit les entreprises dont les actionnaires ont bénéficié du PFU à connaître une évolution de l'investissement significativement différente de celle des autres. » Une conclusion qui va à l'encontre de l'idée selon laquelle une amélioration de la rentabilité de l'actionnaire après impôt est un levier.

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Même s'il ne peut pas le mesurer directement, le rapport souligne toutefois que l'instauration de la « flat tax » a pu conduire à une hausse globale de l'investissement des entreprises, notamment dans d'autres sociétés, dans l'immobilier, etc.

« L'étude ne peut pas savoir si les actionnaires réutilisent le montant des dividendes pour créer une entreprise », fait d'ailleurs valoir Bercy, pour qui la réforme de la fiscalité du capital a bien eu des effets positifs sur l'économie. Le ministère mentionne le nombre record de créations d'entreprises, l'augmentation des levées de fonds , ou la place de numéro un occupée par la France dans le classement européen de l'attractivité . « Auparavant, le taux d'imposition marginal effectif des placements financiers pouvait dépasser 100 % pour les contribuables assujettis à l'ISF, c'était dissuasif », argue Bercy.

Effet sur la gouvernance des entreprises

Le rapport s'interroge sur l'effet de la suppression de l'ISF sur la gouvernance des entreprises. « On constate depuis 2017 une augmentation de la part des personnes physiques au capital des entreprises qui étaient les plus affectées potentiellement par l'ISF », note-t-il positivement. Il n'y a en revanche « aucun effet décelable sur la direction des entreprises : pas d'effet sur l'âge moyen des dirigeants, ou sur la probabilité qu'un changement de dirigeant soit annoncé, ni sur la circulation du capital (probabilité de cessions de parts, la présence au capital de personnes morales) ». Les résultats devront cependant être affinés sur le plus long terme, les comportements ne changeant pas forcément rapidement.

L'un des arguments mis en avant pour supprimer l'ISF est, par ailleurs, un peu battu en brèche : l'exposition à l'impôt sur la fortune ne semble pas avoir conduit par le passé les entreprises à verser davantage de dividendes pour que les actionnaires puissent payer l'impôt.

En revanche, le rapport montre que les entreprises dont les actionnaires étaient majoritairement plafonnés à l'ISF (les plus riches) distribuaient moins de dividendes, et moins souvent. « C'est pour ces entreprises que la probabilité de verser des dividendes a le plus augmenté en 2018. »

Il faudra encore du temps pour mesurer tous les effets de cette réforme emblématique du début du quinquennat, qui a valu à Emmanuel Macron d'être considéré comme le « président des riches ». Quelques-uns sont cependant clairement établis.

Retours des redevables de l'IFI en France

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Outre le fait que la France revient dans la moyenne des pays riches en termes de taux de prélèvement sur les revenus du capital, elle voit aussi le solde entre départs et retours de contribuables fortunés s'inverser. Alors qu'entre 2011 et 2016, le nombre de départs de contribuables à l'ISF était de 950 en moyenne, contre 370 retours, l'exil des assujettis à l'IFI en 2018 et 2019 s'élève à environ 270, contre 360 retours. L​e revenu médian des « revenants » déclarés reste toutefois inférieur à celui des « partants » : 94.000 euros contre 156.000 euros pour 2019.

Autre effet confirmé : la « flat tax » a provoqué une forte hausse des versements de dividendes, qui a permis de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat. Alors qu'à l'inverse, la soumission des revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu en 2013 s'était traduite au final par une perte nette. Et si le passage de l'ISF à l'IFI a, en soi, représenté une perte de recettes fiscales d'environ 3 milliards d'euros, le coût net de la réforme est bien inférieur aux prévisions : 1,5 milliard au lieu de 5 milliards, souligne Bercy.

Isabelle Couet

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