Publicité

« Notre meilleur taux de croissance en sept ans »

Après un passage à vide, la croissance repart, notamment aux Etats-Unis. Un préalable avant de pouvoir améliorer la rentabilité.

1880419_1573222450_sodexo.jpg
Denis Machuel, directeur général de Sodexo (Patrick Lazic)
Publié le 8 nov. 2019 à 17:35
Denis Machuel, Directeur général

En juillet dernier, vous aviez relevé votre objectif de croissance interne pour l’exercice 2018-2019, clos fin août, à environ 3%, contre 2 à 3% précédemment. Finalement, elle a atteint 3,6%. Comment expliquez-vous cet écart ?

La fin de l’exercice s’est révélée un peu meilleure que prévu dans toutes les régions. En France, après un printemps moyen, nous étions un peu inquiets pour l’été, mais la saison touristique a finalement été correcte. Nous avons aussi renégocié certains contrats dans de meilleures conditions. Et les travaux réalisés dans les universités américaines cet été ont aussi apporté de l’activité dans les domaines du facilities management. C’est la première fois en sept ans que l’on enregistre un tel niveau de croissance. Sodexo va mieux.

Pourquoi la marge d’exploitation est-elle en revanche restée stable, à 5,5?

Publicité

Les investissements que nous faisons compensent les économies. Nous réalisons des efforts de productivité au niveau des achats, des charges de personnel… et dans le cadre des initiatives de notre plan « Fit for the Future », nous travaillons sur la simplification et l’optimisation des structures ­centrales, afin de réinvestir ces économies dans d’autres domaines qui nous aident à accélérer notre croissance. Nous rattrapons notre retard dans le domaine du digital et des systèmes d’information et nous investissons également dans la data, le marketing et les ventes, et la transformation de notre activité Avantages et Récompenses. La dynamique de croissance, que nous voulons consolider, va permettre à l’avenir de plus que ­compenser les investissements. Une fois les coûts de structure assainis, nous pourrons réaugmenter les marges. Nous avons besoin pour cela d’une croissance durablement supérieure à 3,5%, et même, idéalement, supérieure à 4%. La marge sera encore stable cette année, mais notre objectif est de l’augmenter à partir de la prochaine année fiscale [2020-2021].

Quel montant représentent les investissements dans le digital et les systèmes d’information ? Que recouvrent-ils ?

Ils représentent plusieurs dizaines de millions d’euros par an, répartis sur deux axes : la digitalisation de notre back-office, par exemple notre système de gestion de la performance, et surtout celle du front-office, pour accélérer notre orientation vers nos clients et nos consommateurs. L’entreprise cliente a de plus en plus besoin que nous créions de la valeur pour le consommateur. Plus nous connaissons ses besoins, qu’il soit étudiant, salarié, patient dans un hôpital, plus notre offre sera pertinente. Nous investissons en propre, mais aussi au travers de partenariats avec des acteurs du digital. Nous venons d’entrer au capital du groupe indien Zeta, arrivé sur le marché comme un ­concurrent sur le segment des cartes-repas. Nous avons investi dans le holding de tête, qui détient la plateforme digitale, ce qui va nous permettre de fournir une offre faisant converger nos activités de services sur site et les avantages et récompenses.

Ce sont les difficultés aux Etats-Unis qui avaient donné lieu à l’avertissement sur les résultats de mars 2018. Comment se porte l’activité aujourd’hui ?

L’an dernier, le chiffre d’affaires a baissé de 1,1% en Amérique du Nord. Cette année, il a progressé de 1,8%. Le marché est porteur de croissance et nous pouvons faire beaucoup mieux. Nous avons connu des périodes très dynamiques dans les années 2000 et encore au début des années 2010. Nous avons essentiellement traversé des difficultés managériales, ce qui nous a conduits à renouveler les deux tiers du top management en un an. Nous enregistrons de beaux succès commerciaux, mais en nombre encore insuffisant, nous pouvons faire mieux. Nous avons par exemple renouvelé un beau contrat dans l’une des plus anciennes universités de droit aux Etats-Unis, la Drake University. Nous avons encore des sujets de rétention dans le segment Santé. Nous sommes sortis d’un important contrat dont les conditions de renouvellement ne nous convenaient pas, et qui représentait 100 millions d’euros. Cela va peser sur le premier semestre, mais le deuxième semestre s’annonce bien plus prometteur.

Devez-vous faire face à des tensions inflationnistes ?

Nous ressentons des tensions salariales, mais aussi des tensions sur le marché de l’emploi, et pas seulement aux Etats-Unis. En France, par exemple, nous avons du mal à recruter certains métiers de la cuisine et nous mettons en place nos propres programmes de formation. Nous sommes capables de passer dans nos contrats clients l’inflation sur les coûts du travail et sur les denrées alimentaires.

Au-delà de la restauration collective, la palette de services de Sodexo est très large. Avoir un interlocuteur unique répond à une demande de vos clients ?

C’est vrai, particulièrement sur le segment des entreprises, et notamment pour les grands comptes, qui s’adressent à Sodexo pour articuler un ensemble de services autour de la qualité de vie. Dans un hôpital également, nous pouvons assurer le nettoyage des salles d’opération comme des chambres, la restauration collective, la conciergerie… Mais pour plus d’efficacité, nous sommes en train de retravailler notre offre et prévoyons de sous-traiter certains services. Des décisions seront prises en ce sens au cours de cet exercice.

Quelle est la place des enjeux liés à l’environnement dans votre stratégie ?

La performance économique et de développement durable est un élément de différenciation très fort, et sur lequel nous avons de l’avance. Sur l’aspect social, nous accompagnons nos salariés dans leur carrière, assurons leur formation. La diversité et l’inclusion sont une marque de fabrique de Sodexo depuis des années, cela nous permet de capter des talents, aux Etats-Unis notamment. En termes de parité hommes-femmes, nous approchons désormais des 40% de femmes dans le top 200, ce qui n’est pas courant parmi les grandes entreprises.

S’agissant de l’empreinte environnementale, nous allons réduire de 34% nos émissions carbone d’ici à 2025. Cela passe par une réduction très forte du gaspillage alimentaire. Nous avons publié un chiffre : le gaspillage chez Sodexo représente 117.000 tonnes de denrées alimentaires sur toute notre chaîne – à comparer au 1,3 milliard de tonnes gaspillées chaque année dans le monde. Sodexo a pris l’engagement de le réduire de 50% d’ici à 2025. Nous avons même renouvelé un crédit bancaire en indexant le coût du crédit en fonction de nos performances sur cet objectif. Notre programme WasteWatch sera déployé d’ici à l’été 2020 sur 3.000 de nos sites, il en concernera l’intégralité d’ici à 2025. Cela correspond à une demande de nos clients : moins de gaspillage, mais aussi des menus plus sains, à base de plantes. Nous voulons restaurer la valeur de la denrée alimentaire.

Publicité

Les jeunes générations, dont les modes de consommation ont évolué, continuent-elles de fréquenter les cantines, les restaurants d’entreprise ?

Ce n’est pas massif, mais on observe une ­tendance à la hausse des livraisons de repas. Cette tendance est plus forte pour le dîner que pour le déjeuner, ce qui a donc moins d’impact sur notre activité. Elle ne concerne en outre que les milieux urbains. En France, nous avons racheté FoodChéri [un de ces nouveaux acteurs de la livraison de repas]. Nous faisons converger nos offres avec les services sur sites. L’avenir de la restauration est omnicanal.

La faiblesse des taux d’intérêt vous incite-t-elle à projeter des acquisitions ?

Nous avons un bilan solide, avec un ratio d’endettement net de 0,9, alors qu’idéalement nous souhaitons qu’il se situe entre 1 et 2. Nous avons fait l’an dernier quelques acquisitions dans les services sur sites et dans les services aux particuliers et à domicile. Nous sommes en veille, et l’on peut anticiper des acquisitions du même ordre de grandeur pour l’année en cours. La meilleure croissance est, selon nous, la croissance organique, mais on peut accélérer avec une acquisition pour compléter une expertise, renforcer une position géographique ou enrichir une offre. Nous nous renforçons dans l’accompagnement des personnes âgées à domicile, un segment en forte croissance et dont les marges sont supérieures à celles du groupe. Nous pensons pouvoir tenir un rythme de croissance de 7 à 9% sur cette activité prometteuse dans les années qui viennent.

Comment vous préparez-vous au Brexit ?

Il peut y avoir des cahots au moment où il sera effectif. Nous nous y préparons depuis longtemps, nous avons prévu des plans B en cas de difficultés d’approvisionnement notamment. Nous nous adaptons, car l’impact immédiat ne sera pas le même si le Brexit intervient en automne ou au printemps, compte tenu des produits frais, par exemple. Mais notre activité est locale et l’immense majorité des salariés sont anglais. Les équipes sont prêtes et nous sommes confiants.

Vous allez proposer à la prochaine assemblée générale un dividende de 2,90€, en hausse de 5,5%, alors que le bénéfice par action a crû de 3,6%. Quelle est votre politique en la matière ?

L’an dernier, nous avions maintenu notre dividende, malgré la baisse du bénéfice, pour montrer la confiance que nous avions dans l’avenir. Notre taux de distribution est cette année de 55%, encore un peu supérieur à nos habitudes. Nous reviendrons progressivement vers un taux de 50%.

LA QUESTION QUI DÉRANGE

Où en est l’enquête de l’Autorité de la concurrence sur les soupçons d’entente entre émetteurs de titres-restaurant en France (Sodexo, Edenred, Natixis Intertitres, Up) ?Nous nous sommes battus, car nous pensons être dans notre bon droit. L’enquête est en cours et on devrait en avoir des nouvelles d’ici la fin de l’année, probablement en décembre.

Propos recueillis par Muriel Breiman

Quelles actions acheter ?

Réaliser les meilleurs investissements nécessite une connaissance fine des marchés, de leurs mécanismes, de l’économie et implique de se plonger au cœur de la stratégie de chacune des entreprises cotées. La rédaction d’Investir le fait pour vous et réserve à ses abonnés ses conseils sur plus de 800 valeurs. Bénéficiez de leurs recommandations d’achat, d’achat spéculatif, d’écart ou de vente en vous abonnant à Investir.
Je découvre les offres
Publicité