Abonnés

Biographie : Krøyer, une poésie de lumière

Biographie : Krøyer, une poésie de lumière
Laurits Tuxen, Portrait du peintre Peder Severin Krøyer, 1904, huile sur toile, 184,3 x 116,8 cm, Budapest, Szépmuvészeti Múzeum.

Portrait d’un peintre qui, entre style naturaliste et pratique du plein air, entre reconnaissance officielle et existence paisible au sein d’une colonie d’artistes, a saisi « l’âme de la peinture danoise » au travers d’une oeuvre à la fois séduisante, sereine et mélancolique.

Le critique d’art Charles Ponsonailhe rapporte, en mai 1889 : « M. Peder Severin Krøyer jouit en France depuis bon nombre d’années de l’estime de tous les gens de goût. Ses intérieurs éclairés à la lampe, ses bords de grève, son Départ pour la pêche, en 1886, si étonnant, si merveilleux de poésie et d’audace dans sa réalité, ont été universellement admirés par nous. Il arrive souvent que ses envois font sensation au Salon et prennent place parmi les cinq ou six toiles les plus regardées. » Dans d’autres articles, le spécialiste de la peinture scandinave revient en termes tout aussi élogieux sur le brillant parcours du maître danois, sur ses succès, sur sa personnalité attachante, à la fois romantique et téméraire.
En vérité, la vie de Krøyer n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Souvent, même, l’artiste a cherché à s’échapper de l’emprise de la réalité et de ses propres démons. En attendant de visiter l’exposition « L’heure Bleue de Peder Severin Krøyer », découvrez notre hors-série.

Nouvelle manière

Né en 1851 à Stavanger, au sud-ouest de la Norvège, Peder Severin Krøyer est abandonné par ses parents et élevé par sa tante au Danemark. Très tôt, il jure de prendre sa revanche sur le destin. Formé à l’Académie royale des beaux-arts à Copenhague dès l’âge de 13 ans, puis dans l’atelier de Léon Bonnat à Paris de 1877 à 1879, il bénéficie du soutien financier et moral de Heinrich Hirschsprung, un riche fabricant de cigares d’origine allemande, collectionneur et mécène.

Photographie de Peder Severin Krøyer peignant sur la plage de Skagen Skagen, Skagen Kunstmuseer © Art Museums of Skagen Tirage moderne présenté au musée Marmottan Monet dans le cadre de l’exposition

Photographie de Peder Severin Krøyer peignant sur la plage de Skagen Skagen, Skagen Kunstmuseer © Art Museums of Skagen Tirage moderne présenté au musée Marmottan Monet dans le cadre de l’exposition

Les voyages que Krøyer fait en France, puis en Espagne et en Italie entre 1877 et 1881 se chargent de parachever son éducation ; avec Le Chapelier du village (1880), un tableau naturaliste, il obtient finalement une médaille de troisième classe au Salon parisien de 1881. Le peintre est alors reconnu par ses pairs. Sa carrière internationale, qui a débuté à Paris quelques années plus tôt avec l’Exposition universelle de 1878, décolle à partir de 1884. Sa nouvelle manière « pleinairiste », qui célèbre la lumière du jour et ses variations, conquiert le public et Krøyer devient à la mode. La critique s’entiche de ce peintre « exotique » : Charles Ponsonailhe évoque ainsi en 1889 « sa poésie de lumière, la séduction de ses heures nocturnes enveloppées, crépusculaires, la gaieté de ses midis étincelants, en un mot l’âme et la terre danoises ». Car bien que séjournant souvent à Paris jusqu’en 1903, Krøyer passe tous ses étés à Skagen dès 1882.

Le chantre de la lumière

C’est dans ce petit village situé à la pointe nord du Jutland qu’il déploie pendant près de trente ans son génie de peintre de plein air, inspiré par la lumière exceptionnelle des rivages du Skagerrak et du Kattegat. Krøyer devient le chantre de la lumière ambivalente du Nord, tour à tour sereine et mélancolique. Si le climat d’émulation dans lequel il évolue le conduit à l’excellence, l’Exposition universelle de 1900, à Paris, correspond au temps des honneurs : Krøyer y reçoit un grand prix et une médaille d’or, triomphant avec un florilège d’aquarelles, de dessins et de gravures, une sculpture et de nombreuses peintures. Parmi elles, un Soir d’été à Skagen (1899), où l’on voit le peintre et son épouse marchant sur la plage par une nuit trop belle pour être vraie, annonciatrice de la fin du bonheur conjugal et d’une séparation inéluctable : en 1900, Krøyer est atteint de troubles mentaux (hallucinations et délires) et la rencontre de Marie Krøyer avec le compositeur suédois Hugo Alfvén en 1902 sonne le glas de leur relation. Leur divorce est prononcé en 1906. Peder Severin Krøyer mourra à Skagen le 21 novembre 1909 aux côtés de sa fille, Vibeke.

Peder Severin Krøyer, Soir d’été à Skagen (1899, huile sur toile, Collection Hirschsprung

Peder Severin Krøyer, Soir d’été à Skagen (1899, huile sur toile, Collection Hirschsprung

Le « meilleur des compagnons »

Parmi les amis les plus fidèles de Krøyer figure Karl Madsen. Le beau portrait que ce dernier a dressé du maître danois consacre le souvenir d’un homme généreux et serviable : « Il était le meilleur des compagnons, s’oubliant lui-même, se sacrifiant lui-même, toujours occupé à chercher la reconnaissance pour d’autres artistes, surtout pour les jeunes, qui devaient s’imposer dans la cohue, jamais pour récolter quelque chose luimême. Il abandonnait son travail pour organiser des expositions qui devaient montrer ses camarades sous leur meilleur jour à l’étranger. Cela, qu’ils soient ses amis personnels ou non. Dans ce cas-là, l’amitié ne jouait pas. C’est Krøyer qui a attiré toute la compagnie à la dernière Exposition universelle à Paris [en 1900]. Ce n’était pas seulement important pour le Danemark, ce l’était aussi pour la France, un pays envers lequel il ressentait une profonde gratitude. Son souhait de se montrer à Paris, où la peinture danoise avait souvent pu faire de gros progrès, s’est heurté partout à d’innombrables obstacles. Mais il s’est montré constant, infatigable, jusqu’à les surmonter pour la plupart, voire tous. Une fois le travail terminé, sa santé a chancelé. Pour la première fois, mais de façon déterminante. »

Peder Severin Krøyer Femmes au jardin. Marie Krøyer et sa mère 1895 Huile sur toile 46,5 x 38,5 cm Lübeck, Kulturstiftung Hansestadt Lübeck – Die Lübecker Museen © Lübeck, die Lübecker Museen. Museum Behnhaus Drägerhaus

Peder Severin Krøyer, Femmes au jardin. Marie Krøyer et sa mère, 1895, Huile sur toile, 46,5 x 38,5 cm, Lübeck, Kulturstiftung Hansestadt Lübeck – Die Lübecker Museen © Lübeck, die Lübecker Museen. Museum Behnhaus Drägerhaus

Altruiste notoire, Krøyer était aussi marqué par des traits de caractère propres aux artistes nordiques : l’humilité et l’amour de la nature. Charles Ponsonailhe, qui fréquentait le cercle scandinave à Paris, se souvient : « [Ils] ont l’avantage d’arriver sans préjugés, sans ce respect exagéré pour l’œuvre des ancêtres qui conduit à recommencer un passé mort. Ce sont des tempéraments vierges, impressionnables, point blasés, point compliqués, très sensibles, devant, comme résultante, adopter tôt, puis exceller dans un art que l’on pourrait ainsi définir, le recueillement de l’artiste en face de la nature, la personnalité de l’artiste toujours conservée, toujours sentie dans son œuvre exécutée simplement, sans procédé, sans routine scolaire. »

Peder Severin Krøyer Autoportrait au chevalet 1902 Huile sur toile 54 x 45 cm Collection de l’Ambassadeur John L.Loeb Jr. © Bill Orcutt

Peder Severin Krøyer, Autoportrait au chevalet, 1902, huile sur toile, 54 x 45 cm, Collection de l’Ambassadeur John L.Loeb Jr. © Bill Orcutt

Envie de poursuivre
votre lecture ?

PROFITEZ DE NOTRE VENTE FLASH

à partir de

15€ POUR 3 MOIS
SANS ENGAGEMENT

Accédez au site en illimité, au magazine, aux newsletters exclusives et de nombreux avantages

@ newsletters

La sélection expo
Chaque semaine découvrez nos expositions coup de cœur, nos décryptages exclusifs et toutes les infos pratiques.

S'inscrire à la newsletter
newsletters

Retrouvez toute la Connaissance des arts dans vos mails

Découvrir nos newsletters