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La manière de Trump est contestée, pas ses objectifs

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La manière de Trump est contestée, pas ses objectifs | Crédits photo : Gage Skidmore / CC (Gage Skidmore / CC)

Par Reuters

Publié le 25 mars 2019 à 15:09

par David Lawder, Philip Blenkinsop et Michael Martina

WASHINGTON/BRUXELLES/PEKIN, 25 mars (Reuters) - La manière forte employée par le président américain Donald Trump pour défendre sa politique commerciale de l"America First" en irrite plus d'un, que ce soit des chefs d'entreprise, des pays alliés ou encore des parlementaires, tant républicains que démocrates.

Mais l'un des buts recherchés lui attire en revanche les suffrages de ceux qui s'opposent à lui partout ailleurs, à savoir obliger la Chine à renoncer à ce que d'aucuns considèrent comme des pratiques commerciales déloyales.

Les négociations commerciales entre les deux pays semblant aborder leur dernière ligne droite, de toutes parts on presse Trump et son équipe de négociateurs d'arracher à la Chine de réelles réformes de fond.

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Le conflit ouvert déclenché par Trump fait espérer que Pékin soit obligé de réformer des pratiques que les entreprises et pays étrangers considèrent comme inéquitables, observe Steve Gardon, l'un des cadres dirigeants de l'équipementier automobile américain Lear, ajoutant qu'il y a maintenant des pressions politiques internes pour que ces questions soient résolues sur le long terme.

Gardon met en relief un changement d'attitude envers les pratiques économiques et commerciales de la Chine, aligné sur les objectifs poursuivis par Trump à défaut de l'être sur les moyens choisis pour les atteindre.

Le représentant au Commerce Robert Lighthizer et le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin se rendront à Pékin dans la semaine pour poursuivre les négociations sur un nouveau traité commercial qui serait appelé à faire date.

Sans que l'on sache vraiment si les deux parties peuvent parvenir à un compromis qui mette un terme à huit mois de conflit.

Le président Xi Jinping ne semble pas très enthousiaste à l'idée de procéder à des réformes économiques sous la pression des Etats-Unis tandis que Trump a dit qu'il pourrait conserver des droits de douane sur les produits chinois "pendant encore un bon moment" même si un accord était scellé.

De fait, Xi pourrait bien s'accommoder des droits de douane que Trump a déjà imposé plutôt que de changer le modèle de développement économique de son pays.

"PAS DE MAUVAIS ACCORD"

Cela étant, Pékin a proposé de faire de gros achats aux Etats-Unis pour aider à réduire un déficit commercial record; les négociateurs américains disent que ces achats dépasserait le millier de milliards de dollars sur une période de six ans.

Ce qui ne changerait strictement rien à un système de concurrence déloyale présumé dénoncé par les entreprises américaines.

Les Etats-Unis accusent la Chine d'enfreindre systématiquement le droit de la propriété intellectuelle, de pratiquer des transferts technologiques forcés et de subventionner allègrement les entreprises locales. Revoir tout cela exigerait des réformes qui ne pourraient être décidées qu'aux plus hauts niveaux, à ceux de la présidence et du Parti communiste chinois (PCC).

La Chambre de commerce américaine avait fait savoir fin février qu'une majorité de ses membres étaient favorables à un maintien voire un renforcement des droits de douane sur les biens importés chinois, souhaitant que Washington se montre intransigeant envers Pékin pour ce qui est de garantir aux entreprises américaines un accès sans entrave à ses marchés.

Les droits de douane américains ont en fait encouragé en Chine même des responsables politiques et des chefs d'entreprises privées à prôner une accélération des réformes dans un pays qui a célébré en décembre le 40ème anniversaire de son ouverture à l'entreprise privée.

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Lorsque Trump a repoussé de nouveaux droits de douane bien avant la date limite du 1er mars initialement imposée pour un accord commerciale, on a craint qu'il se soit laissé séduire par les grosses commandes promises et qu'il laisse les problèmes structurels en plan.

Depuis lors, groupes de pression, chefs d'entreprise, diplomates étrangers et parlementaires américains se sont succédés pour prier le président de tenir bon.

"L'idée qu'il acceptait sur un coup de tête un mauvais accord n'a aucun sens; le président ne voudra jamais d'un mauvais accord", observe Clete Willems, un conseiller de la Maison Blanche qui a annoncé vendredi qu'il quittait la Maison Blanche pour des raisons familiales.

"PERSONNE NE PLAINT LA CHINE"

L'Union européenne (UE) épouse bien des critiques américaines à l'encontre de la Chine même si les Etats-Unis ont aussi imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium importé, de l'UE entre autres, et menacent de récidiver sur les importations automobiles.

"Chaque jour, des entreprises se plaignent", a dit à Reuters un haut fonctionnaire européen basé à Pékin, observant qu'en dépit des promesses répétées du gouvernement chinois de faciliter la vie des entreprises étrangères, rien n'a changé pratiquement.

Pour la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, la Chine "brouille les cartes entre privé et public; l'Etat y exerce une influence indue". "La propriété intellectuelle des entreprises est volée, les subventions publiques, directes ou indirectes sont monnaie courante et tout cela se ressent localement et à l'étranger".

Mais si l'UE et les USA sont d'accord sur le constat, ils divergent sur les moyens d'y remédier et l'Union privilégie une approche multilarétale, argue Malmström, évoquant les travaux en commun de l'UE, des Etats-Unis et du Japon pour traiter ces problèmes par le biais d'une réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Certains craignent que l'Europe ait tout à perdre d'un accord bilatéral qui serait passé entre Washington et Pékin pour réduire le déficit commercial américain. "Si la Chine achète plus en Amérique inévitablement elle achètera moins en Europe", a dit un deuxième haut fonctionnaire européen basé à Pékin, ajoutant que cela pourrait affecter en particulier les grandes multinationales européennes.

Même si les diplomates et responsables européens ne soutiennent officiellement que du bout des lèvres l'offensive engagée par Trump, déplorant sa brutalité, nombreux sont ceux qui souhaitent secrètement sa victoire.

"Nous sommes contre les mesures unilatérales mais personne ne plaint la Chine; pour ce qui est du fond, nous pensons qu'il marque un point", a dit un diplomate européen à Bruxelles. "Pékin doit comprendre que sans réforme, le système risque tout simplement la panne".

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)

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