Publicité

Lanceur d'alerte et secret des affaires sont-ils compatibles ?

Le 28 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi « secret des affaires », transposant la directive européenne du même nom. La notion y est pleinement définie tandis que la protection des lanceurs d'alerte est minimale.

Plusieurs exceptions, dont le lanceur d'alerte, ont été posées au secret des affaires. 
Plusieurs exceptions, dont le lanceur d'alerte, ont été posées au secret des affaires. (Shutterstock)

Par Delphine Iweins

Publié le 5 avr. 2018 à 07:00

A l'origine de la directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées, dites « directive secret des affaires » du 8 juin 2016, se trouve la volonté de l'Europe d'harmoniser la notion de secret des affaires. D'après ce texte, pendant les périodes où les entreprises investissent dans la recherche et le développement (R&D) les droits existants actuellement, notamment ceux de propriété intellectuelle, ne sont pas suffisamment protecteurs, tant que le produit ou le service n'ont pas été finalisés. La plupart de ces savoir-faire, commerciaux et technologiques, ont vocation à être brevetés par la suite. A l'époque, il paraissait donc essentiel d'en garantir la confidentialité dès la phase de recherche. Comme l'exige le droit communautaire, la directive se doit d'être transposée en droit national pour entrer en vigueur. C'est en sens que des députés LREM (La République en Marche) ont déposé une proposition de loi « secret des affaires », d'ores et déjà adoptée par l'Assemblée nationale.

Le secret des affaires en trois critères

La directive a posé trois critères pour qualifier une information de secret d'affaires. Celle-ci ne doit pas être « généralement connue ou aisément accessible ». Elle « revêt une valeur commerciale parce qu'elle est secrète » et fait l'objet de « mesures de protection raisonnable pour en conserver le secret ». Cette définition est reprise par la proposition de loi.Comme prévu aussi par le texte européen, en cas d'obtention, d'utilisation ou de divulgation d'une telle information l'entreprise concernée peut engager un recours civil contre l'auteur et demander réparation du préjudice subi. Pour fixer les dommages et intérêts le juge prendra en compte « le manque à gagner, la perte subie par la partie lésée y compris la perte de chance, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte ».

Des exceptions à la protection du secret des affaires

Publicité

Après de nombreux débats et amendements, la directive européenne a évolué pour chercher un équilibre entre les informations, qui ont une valeur commerciale, et qui ne devraient pas être connues toute de suite, et le droit d'information du grand public. Les salariés, s'ils révèlent un secret d'affaires à leurs représentants, et que cette information est nécessaire à l'exercice légitime de leurs fonctions, ne pourront pas être poursuivis. Ceux qui divulguent un tel secret pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y cmpris le respect de la liberté de la presse et de la liberté d'informer, sont aussi exclus de toute éventuelle sanction. Ces deux exceptions devraient être introduites à l'article L.151-6 du Code de commerce, si la proposition de loi est adoptée en l'état par le Sénat.Le texte des députés précise aussi que le secret des affaires n'est pas protégé lorsque son obtention, utilisation ou divulgation est intervenue pour « révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l'exercice du droit d'alerte […] ». Ce « droit d'alerte » a été strictement encadré par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. Les faits, informations ou documents, quelle que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client en sont exclus.

Une indemnisation en cas de procédure abusive

Cependant, pour Transparency France, « la proposition de loi affaiblit considérablement la présomption de bonne foi du lanceur d'alerte ». L'ONG dénonçait aussi le manque d'indemnisation des personnes poursuivies à tort ou sur de fausses accusations. Le rapporteur de ce texte, le député Raphaël Gauvain, a trouvé un consensus à ce sujet : les « sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive » contre les journalistes et les lanceurs d'alertes. L'amende pourrait aller jusqu'à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts ou 60.000 euros en l'absence de demande.

Delphine Iweins

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité