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Le Match

Pour ou contre l'ouverture du RSA aux 18-25 ans ?

Chaque jeudi, c'est Le Match. On confronte deux opinions autour d'une question… et à vous de forger votre propre point de vue// Aujourd'hui, le débat porte sur l'ouverture du RSA aux 18-25 ans : bonne ou mauvaise mesure pour lutter contre la précarité des jeunes ?

Jeunes qui manifestent contre la précarité étudiante le jeudi 5 décembre 2019 à Paris.
Jeunes qui manifestent contre la précarité étudiante le jeudi 5 décembre 2019 à Paris. (CELINE BREGAND/SIPA)

Par Léa Taieb

Publié le 21 oct. 2020 à 18:20Mis à jour le 23 oct. 2020 à 09:30

Samedi 17 octobre, Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté, Jean Castex n'a pas annoncé les mesures tant attendues pour lutter contre la précarité des jeunes. Mais, dimanche 18, le Premier ministre a donné des premiers éléments de réponse au Journal du Dimanche : « S'agissant des jeunes, je vous annonce aujourd'hui que nous leur étendons cette aide : 150 euros seront également versés aux 400.000 jeunes qui touchent les APL et aux étudiants boursiers ».

Mais, le gouvernement n'est pas encore revenu sur la possibilité d'ouvrir le RSA (Revenu de Solidarité Active) de 550 euros aux moins de 25 ans, sans ressource (un revenu déjà accessible aux 18-25 ans, étant parent isolé ou ayant travaillé au moins deux ans). Jean Castex présentera dans la semaine « l'acte II de la stratégie pauvreté » du gouvernement et se positionnera (ou non) sur le sujet du RSA jeune.

Rappelons qu'en mai dernier, une tribune publiée dans le JDD et signée par plusieurs associations et syndicats étudiants (dont la Fondation Abbé Pierre, les Apprentis d'Auteuil, la Fédération des associations générales, l'Union nationale des étudiants de France) plaidait en faveur du RSA pour les 18-25 ans, premières victimes de la crise sanitaire et économique. Le 15 octobre dernier, la Fage dans une tribune publiée sur les Echos START alertait de nouveau sur l'impossibilité pour les jeunes de vivre dignement et mettait en avant le RSA comme une partie de la solution à la précarité . Précisons qu'aujourd'hui, en France, un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

Mélanie Luce, la présidente de l'Unef, milite pour que le gouvernement soutienne financièrement les jeunes de moins de 25 ans, susceptibles de sombrer encore plus dans la précarité. David Cayla, économiste à l'université d'Angers, membre des Economistes atterrés, lui, refuse la généralisation du RSA, préférant miser sur l'accompagnement humain des jeunes.

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Pour : Mélanie Luce, présidente de l'Unef

« Si nous saluons l'aide du gouvernement et ce premier rétropédalage du gouvernement (qui au départ, avait décidé de ne pas soutenir la jeunesse), nous dénonçons la volonté d'écarter toute une partie des jeunes bénéficiant des APL (qui sont au total 1,3 million) et qui ne sont pas boursiers. Par ailleurs, cette mesure ne suffit pas à lutter concrètement contre la précarité des jeunes : elle est nécessaire mais simplement ponctuelle.

En cette période de crise sanitaire et économique, le gouvernement pour sauver sa jeunesse, doit ouvrir le RSA aux 18-25 ans, pour plusieurs raisons.

Déjà, avec la crise que nous traversons, le taux de chômage des moins de 25 ans a explosé (21 % pour les 15-24 ans) et 25 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté (et se nourrissent grâce à l'aide alimentaire). Ces jeunes qui ont terminé leurs études, qui n'ont pas travaillé assez pour toucher le chômage et qui recherchent actuellement un emploi ne reçoivent aucune allocation et ceux qui étaient boursiers ont perdu leur bourse. Aujourd'hui, ils ne bénéficient d'absolument aucun filet de sécurité et peinent à subvenir à leurs besoins primaires. De plus, avec le couvre-feu, les jeunes ne peuvent plus gagner leur vie en travaillant le soir, dans la restauration rapide ou grâce au baby-sitting, par exemple.

Aussi, la France traite ses jeunes comme des enfants, considérant qu'ils dépendent tous financièrement de leurs parents. En leur refusant l'accès au RSA, le gouvernement part du principe que leurs familles les soutiennent financièrement. Ce qui n'est pas toujours le cas ( notamment, si l'on se trouve en situation de rupture familiale ), encore moins aujourd'hui : alors que l'ensemble de la société française est affecté par la crise. Ce type de réflexion empêche toute autonomie réelle des jeunes.

Si la France rend accessible le RSA, elle aidera les jeunes à subvenir à leurs besoins et les accompagnera dans leur recherche d'emploi. C'est un véritable choix de société et c'est le bon moment pour passer à l'acte. Mais si l'Etat ne prend pas des mesures concrètes et d'ampleur, alors la jeunesse risque de sombrer encore plus dans la pauvreté et nous, l'UNEF serons obligés de passer un cap dans la mobilisation. Aujourd'hui, les jeunes acceptent des boulots alimentaires, pas du tout en phase avec leurs qualifications pour pouvoir se nourrir faute de protection sociale. »

Contre : David Cayla, économiste à l'université d'Angers, membre des Economistes atterrés.

« Les jeunes sont les premières victimes de la crise. Ils ont peu d'épargne, peu de revenus, des emplois précaires dont beaucoup ont été supprimés. Nombre d'entre eux n'ont pas droit au chômage car ils n'ont pas assez cotisé. Les étudiants subissent un enseignement dégradé et ont du mal à terminer leurs études faute de stages. Enfin, comme les entreprises renoncent à embaucher, leurs chances de s'insérer professionnellement sont très limitées.

Dans ces conditions, il est tentant de proposer une généralisation du RSA aux 18-25 pour donner un peu de pouvoir d'achat à cette catégorie sacrifiée. Cependant, il me semble qu'une telle mesure passerait à côté du véritable problème : celui de l'accompagnement et de l'insertion. Lorsqu'on a moins de 25 ans, on construit son avenir. Cela implique de mener un projet de formation ou professionnel. Les jeunes n'ont pas seulement besoin d'un chèque d'assistance, ils ont surtout besoin d'un accompagnement humain vers l'émancipation.

D'autant qu'il existe déjà de nombreuses aides financières fléchées vers la jeunesse : les bourses pour les étudiants, la Garantie jeune pour ceux qui sont sans ressource et déscolarisés… À l'échelon le plus élevé, la bourse est une aide financière d'un montant proche du RSA ; même chose pour la Garantie jeune délivrée par les Missions locales et qui permet de toucher presque 500 euros par mois. Le RSA peut aussi être attribué aux moins de 25 ans : femmes enceintes, jeunes parents, certains actifs sous condition.

En somme, le RSA jeune existe déjà, mais il est versé en contrepartie d'études ou dans le cadre d'un contrat d'insertion. Etendre le RSA tel qu'il existe à tous les jeunes de 18 à 25 ans, porterait atteinte à ces dispositifs d'accompagnement et serait finalement nuisible aux jeunes les plus fragiles tout en permettant aux étudiants des classes supérieures de bénéficier d'une aide de l'Etat à la place de celle des parents.

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Ne nions pas qu'il reste des trous dans l'aide accordée aux moins de 25 ans. Tout d'abord, les bourses sont trop faibles, surtout pour les étudiants qui doivent se loger ; ensuite il faudrait étendre le droit au chômage pour les jeunes actifs, quitte à créer une allocation spécifique ; enfin, la Garantie jeunes n'est pas suffisamment connue par les jeunes eux-mêmes et devrait être étendue.

Mais sur le long terme, si on veut vraiment aider la jeunesse, il faut d'abord lui offrir des études de qualité, car la majorité des moins de 25 ans sont des étudiants. Et si l'on veut l'accompagner dans son émancipation, il faut lui offrir des logements décents à faible coût. Cela serait bien plus efficace qu'une allocation généralisée. »

Léa Taïeb

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