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Pourquoi les entreprises passent au recrutement sans CV

Militantisme ou pragmatisme, elles cherchent les compétences dans les parcours de vie plutôt que les expériences professionnelles. Mais cela demande du savoir-faire ou un accompagnement.

Jour de Printemps espère trouver ses deux prochains concierges d'entreprise sur JenesuispasunCV.
Jour de Printemps espère trouver ses deux prochains concierges d'entreprise sur JenesuispasunCV. (DR)

Par Léa Delpont

Publié le 19 sept. 2021 à 12:23Mis à jour le 19 sept. 2021 à 12:30

Ludovic Olivier était pressé pour recruter six vendeurs pour ses boulangeries lyonnaises . Il a fait appel à la plateforme JenesuispasunCV. « Le curriculum vitae dit ce que les gens ont fait mais pas ce qu'ils sont capables de faire », lui reproche son fondateur, Laurent Arnaud. La start-up a tenu sa promesse de présenter au minimum trois candidats en moins de trois semaines. L'entrepreneur en a retenu deux, qui lui ont coûté 1.000 euros, contre 300 pour les quatre autres trouvés par la Chambre des Métiers. « Mais ce sont des profils atypiques . Si j'y gagne en fidélisation, ce n'est pas perdu », estime-t-il.

Plutôt que des CV auxquels les entreprises consacrent « moins de dix secondes », JenesuispasunCV leur présente des profils sans âge, sans nom, sans genre, établis à partir des expériences professionnelles et personnelles des candidats : loisirs, engagements associatifs, sportifs, environnement familial… « On traduit leur parcours de vie en compétences », explique Laurent Arnaud. Ça marche surtout pour des métiers de services.

Compétences transférables

JenesuispasunCV a construit une base de 72 « compétences transférables », comme la sensitivité pour un éducateur, la manipulation pour un bricoleur, la communication pour un vendeur, sur l'observation de 6.000 métiers. Cette « cartographie » a duré trois ans avec des subventions du Programme Investissements d'avenir. Jour de Printemps espère trouver sur la plateforme, par le jeu des passerelles entre métiers, ses deux prochains concierges d'entreprise : « Inutile de réclamer trois ans d'expérience, cette activité - nouvelle - n'a même pas de code ROME à Pole emploi », glisse la présidente, Blandine Peillon.

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Adecco aussi promeut le recrutement sans CV, qui valorise des gens éloignés de l'emploi, des profils atypiques ou des reconversions . Le groupe d'intérim a créé en 2019 un CFA dédié à la formation de recruteurs capables de détecter des talents sans CV, « en étant à la fois ouverts et fiables », souligne sa directrice, Hélène Fourrier. Cent jeunes ont déjà suivi cette formation de 500 heures et 100 autres sont inscrits cette année, issus à 20 % des rangs du groupe, et 80 % des services RH de ses clients.

Profilage des psycho-criminologues

En 2020, Adecco a également sensibilisé durant deux jours tous ses dirigeants et 1.200 de ses salariés. Car « il faut une méthodologie ». Elle s'inspire du profilage des psycho-criminologues et met des jeunes des quartiers ou des personnes handicapées en position de rivaliser avec un HEC ou un Essec, « en matière de forte résistance à l'échec, par exemple ». « C'est un enjeu social, car les techniques actuelles, sur la base de diplômes et de parcours linéaires, reproduisent les inégalités », affirme Hélène Fourrier.

C'est un enjeu social, car les techniques actuelles, sur la base de diplômes et de parcours linéaires, reproduisent les inégalités.

Hélène FourrierDirectrice du CFA d'Adecco

Mais c'est aussi un enjeu de performance : la perle rare n'a pas forcément le bon CV. Les entreprises y viennent par conviction et par nécessité. L'éditeur de logiciel Cegid a diversifié son recrutement de vendeurs sédentaires et télé-assistants (un besoin de 70 à 80 personnes par mois) avec JenesuispasunCV. Les huit personnes rentrées par ce biais « n'auraient eu aucune chance par une voie classique », reconnaît le DRH, Pascal Guillemin. « Ils ont les aptitudes, les ' soft kills' dans notre jargon, mais reste le problème de leur formation technique aux produits, dans un parcours d'intégration qui va prendre de six à douze mois. C'est donc une solution de moyen terme qu'on expérimente. Mais, si ça marche, on élargira. »

Léa Delpont (Correspondante à Lyon)

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