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Un vase antique d’une grande rareté découvert dans une nécropole à Autun

Un vase antique d’une grande rareté découvert dans une nécropole à Autun
Vue du vase diatrète dans le sarcophage où il a été découvert à Autun © Bérénice Bétend-Desgranges, Inrap

Lors de fouilles menées dans la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier à Autun, les équipes de l'Inrap ont mis au jour un exceptionnel vase en verre ouvragé de l'Antiquité tardive. Miraculeusement bien conservé, il témoigne, tout comme les nombreux autres objets découverts, des us et coutumes de l'aristocratie gallo-romaine aux IIIe et IVe siècle.

Il ne fait qu’une douzaine de centimètres de haut, pour un diamètre à peine plus important. Mais le vase que viennent d’arracher à la terre les archéologues de l’Inrap est d’une importance capitale pour la connaissance de l’histoire tardo-antique d’Autun et, plus encore, de l’industrie verrière romaine. Complet et extraordinairement bien conservé, il est sans doute le plus remarquable des objets découverts sur le site de la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier, dont les 230 tombes ont pu être fouillées cet été, de juin à septembre, entre deux confinements… D’une extrême fragilité, le vase attend actuellement d’être confié à des restaurateurs qui auront la lourde tâche de le nettoyer pour révéler toute la finesse de son décor et permettre des analyses approfondies.

Le vase est aujourd'hui conservée à l'abri de la lumière, dans des conditions drastiques de sécurité ©Christophe Fouquin/Inrap

Le vase est aujourd’hui conservé à l’abri de la lumière, dans des conditions drastiques de sécurité ©Christophe Fouquin/Inrap

Seulement 10 exemplaires en monde

Pris dans sa gangue de terre séchée, le vase d’Autun laisse déjà deviner toute la délicatesse de son décor. Sous une frise d’oves finement ajourée, les mots « Vivas feliciter » (signifiant « Vis en félicité » en latin) se développent sur la partie haute de l’objet. S’enlevant en relief de la paroi de la coupe, ils constituent un véritable exploit technique, tout comme la résille finement sculptée qui recouvre la base de la coupe. Sa forme en cloche, l’absence de pied ainsi que sa technique de réalisation très particulière le font entrer dans la prestigieuse famille des vases diatrète (du grec signifiant percé), dit également verre réticulé ou en cage, qui réunit une cinquantaine d’exemplaires connus à ce jour dont 10 seulement sont complets.

La Coupe de Munich, seconde moitié du IVe siècle, trouvée à Cologne, en Allemagne et conservée à la Staatliche Antikensammlungen de Munich ©Matthias Kabel/Wikimedia Commons

La Coupe de Munich, seconde moitié du IVe siècle, trouvée à Cologne, en Allemagne et conservée à la Staatliche Antikensammlungen de Munich ©Matthias Kabel/Wikimedia Commons

On pourra citer la Coupe de Munich, aux Staatliche Antikensammlungen, la Coupe de Cologne au Musée romain-germanique ou encore la Coupe de Lycurgus au British Museum. Celui d’Autun, dont le décor ne semble pas présenter de polychromie, est le premier exemplaire entier découvert à ce jour en Gaule, comme l’expliquait l’archéologue Michel Kasprzyk lors de la téléconférence de presse qui s’est tenue vendredi. Le dernier exemplaire intact a été découvert à Taranes, en Macédoine du Nord, dans les années 1970.

La Coupe de Lycurgue, IVe siècle, conservée au British Museum à Londres ©Vassil/Wikimedia Commons

La Coupe de Lycurgue, IVe siècle, conservée au British Museum à Londres ©Vassil/Wikimedia Commons

Produits entre le IIIe et le Ve siècle, les verres réticulés sont le summum de l’industrie romaine du verre. Appelés parfois vase à double paroi, ils se caractérisent par leur décor ajouré, formant comme une résille de verre, maintenu sur une coupe intérieure à l’aide de courtes tiges en verre. Le décor, souvent polychrome, est le plus souvent de type géométrique (des anneaux de verre reliés par des fleurons dans les cas de Munich ou Cologne) mais peut également être figuratif comme sur l’exemplaire du British Museum. La partie haute du gobelet porte généralement une inscription propitiatoire, de type « Buvez, vivez bien pour toujours » ou « Vis en bonne mémoire », qui ne permet cependant pas de connaître précisément la fonction de ces objets.

Le mystère des « vases en cage »

De fait, la destination des verres diatrètes, de même que leurs techniques de réalisation, font toujours débat entre les spécialistes. Deux théories sont aujourd’hui en concurrence : l’une postule que le décor est sculpté à froid dans l’épaisseur du verre (et donc que les parois sont d’un seul tenant), l’autre explique que les éléments ajourés sont sculptés séparément et soudés sur la coupe intérieure. Les analyses qui pourront être menées sur le vase d’Autun devraient permettre de savoir si dans ce cas précis, les tiges de verre qui lient les deux éléments présentent ou non des traces de soudure. Quel que soit le processus de fabrication, ce précieux corpus de vases témoigne de l’excellence du savoir-faire des artisans romains durant l‘Antiquité tardive, laquelle s’exprimait également dans l’art du verre camé et dans la sculpture ou la gravure sur pierre dures et semi-précieuses.

La Coupe de Cologne, 1ere moitié du IVe siècle, découverte à Cologne, conservée au musée romain-germanique ©Carole Raddato/Wikimedia Commons

La Coupe de Cologne, 1ere moitié du IVe siècle, découverte à Cologne, conservée au musée romain-germanique ©Carole Raddato/Wikimedia Commons

Les choses ne sont pas plus arrêtées en ce qui concerne la fonction de ces vases en cage. Si leurs inscriptions laissent à penser qu’il s’agit de coupe à boire, utilisées par exemple lors de cérémonies, leur forme particulière et l’absence de pied suggèrent qu’ils auraient davantage été utilisés comme lampe à huile et donc suspendus. C’est du moins ce qu’atteste la coupe du musée du verre de Corning découverte avec ce qui semble être un système d’attache en cuivre.

Trésors de nécropole

De nombreux autres objets ont été récoltés dans les 230 tombes qui composent la nécropole du quartier de Saint-Pierre-l’Estrier. Implantée vers 250 ap. J.-C., alors que le christianisme se diffuse en Europe, celle-ci abrite probablement les sépultures de la première communauté chrétienne d’Autun et se serait donc développée en amont des premières églises paléochrétiennes avoisinantes, fondées aux Ve et VIe siècles. Les sépultures explorées par les équipes de l’Inrap révèlent une grande diversité sociale parmi les défunts et permettent d’étudier l’évolution des pratiques funéraires dans cette région de la Gaule romaine sur plus de deux siècles. Les archéologues ont notamment pu constater la grande variété des modes d’inhumation : mausolée, édifice en bois, coffrages en tuile mais aussi sarcophages en pierre et cercueils en plomb. L’ouverture de ces derniers a d’ailleurs fait l’objet d’une attention particulière, en espace clos et selon un protocole sanitaire strict pour éviter toute contagion éventuelle.

Vue du site de la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier à Autun, fouillée durant l'été 2020 ©Christophe Fouquin/Inrap

Vue du site de la nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier à Autun, fouillée durant l’été 2020 ©Christophe Fouquin/Inrap

Les fouilles ont également révélé la présence de plusieurs sépultures de membres de la haute aristocratie d’Augustodunum (nom latin d’Autun) dans la nécropole. Ceci est attesté par le caractère luxueux des objets qui accompagnaient certains défunts : épingles en ambre et anneaux en jais, boucles d’oreilles ou bague en or sertie d’un grenat, étoffes tissées de fils d’or et de pourpre, etc. Pour Michel Kasprzyk, « ces découvertes exceptionnelles, rarissimes, sont des pistes intéressantes pour l’étude de l’aristocratie d’Autun précocement christianisée au début du IVe siècle […] elles vont permettre d’illustrer et de corroborer des témoignages qui n’étaient alors connus que par les textes ».

Certaines tombes se caractérisent par des objets extrêmement rares ©Denis Gliksman, Inrap

Certaines tombes se caractérisent par des objets extrêmement rares ©Denis Gliksman, Inrap

Tout particulièrement précieux, le vase réticulé découvert dans l’une des tombes devait probablement appartenir à une figure locale éminente, sans doute proche du pouvoir impérial. La littérature tardo-antique atteste ainsi que les élites éduens (peuple celtique romanisé de la vallée de la Saône) étaient notamment proches de l’empereur Constantin (306-337), à qui l’on doit, en 313, la promulgation de l’édit de Milan. Pour rappel, celui-ci octroyait aux habitants de l’Empire romain la liberté de pratiquer la religion de leur choix et mettait fin aux persécutions systématiques menées contre les chrétiens.

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