Pillé en France sous l’Occupation par un bras droit d’Hitler, un tableau de Courbet a-t-il été retrouvé en Angleterre ?

Pillé en France sous l’Occupation par un bras droit d’Hitler, un tableau de Courbet a-t-il été retrouvé en Angleterre ?
Gustave Courbet, La Ronde enfantine (détail), vers 1862, huile sur papier marouflée sur toile, 66,5 x 52,1 cm. © The Fitzwilliam Museum, Cambridge

En avril dernier, le Fitzwilliam Museum de Cambridge a lancé un appel à renseignements sur La Ronde enfantine de Gustave Courbet. De nouveaux documents sur la provenance du tableau avancent que le tableau aurait été saisi par les nazis avant de rejoindre la collection personnelle d'Hermann Göring, le bras droit d'Hitler, pendant la Seconde Guerre mondiale à Paris.

Un tableau de Gustave Courbet (1819-1877) a-t-il été pillé par Hermann Göring sous l’Occupation avant de rejoindre la collection du Fitzwilliam Museum (Angleterre) ? C’est la question à laquelle tente de répondre l’institution de l’Université de Cambridge après la demande de restitution soumise au Spoliation Advisory Panel (comité consultatif créé en 2000 qui tranche sur les réclamations de personnes ou de leurs héritiers qui ont perdu la possession de biens culturels sous l’ère nazie et qui sont maintenant détenus dans les collections nationales du Royaume-Uni). Selon des nouveaux éléments, La Ronde enfantine (vers 1862) de Courbet aurait été dérobée par les nazis à Paris durant l’Occupation avant d’intégrer la collection d’art pillée d’Hermann Göring. D’après le média anglo-saxon « The Art Newspaper », le bras droit d’Hitler aurait acquis l’œuvre après un échange de photos avec Joachim de Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich (1938-1945) connu pour avoir été un des principaux pillards nazis.

Une œuvre sélectionnée par Göring pour sa collection personnelle ?

Peint par Courbet lors d’un séjour à Saintes (dans l’ouest de la France), La Ronde enfantine, également appelée Le Bois de Rochemont. La ronde enfantine, représente des enfants dansant dans une sombre forêt, peuplée de troncs et de mousse, sans point de fuite. Elle est renseignée dans de nombreux livres d’histoire de l’art et est régulièrement prêtée dans des expositions au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Suède, aux États-Unis ou encore au Japon.

Gustave Courbet, La Ronde enfantine, vers 1862, huile sur papier marouflée sur toile, 66,5 x 52,1 cm. © The Fitzwilliam Museum, Cambridge

Gustave Courbet, La Ronde enfantine, vers 1862, huile sur papier marouflée sur toile, 66,5 x 52,1 cm. © The Fitzwilliam Museum, Cambridge

Si on connaît le premier propriétaire du tableau, Etienne Baudry, mécène de Courbet à Saintes, on ignore ce qu’il est devenu pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon les récentes recherches du Fitzwilliam Museum, après la guerre, la toile est détenue par le marchand zurichois Kurt Meissner qui la vend à un autre marchand londonien, Arthur Tooth, en 1951. La même année, le révérend de York, Eric Milner-White, l’achète avant d’en faire don au Fitzwilliam Museum. D’après « The Art Newspaper », entre 1933 et 1945, l’œuvre aurait été répertoriée en tant que « Forest Scene » (scène de forêt) dans un rapport de l’armée américaine du 15 août 1945 sur l’art volé par les occupants nazis en France. De plus, cette scène de forêt a des dimensions semblables à celles de l’œuvre conservée au Fitzwilliam (67 x 53 cm). Saisi dans la « collection Bing » à Paris en 1941 par un groupe de pillards nazis du nom d’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, une section du bureau de politique étrangère du NSDAP, le tableau en question aurait été sélectionné par Göring pour sa collection personnelle. En effet, ce même rapport américain préciserait qu’en 1942, le Courbet, très probablement confisqué à un propriétaire juif en France, faisait partie d’un échange de plusieurs œuvres entre le bras droit d’Hitler et Ribbentrop.

Vue du Fitzwilliam Museum à Cambridge. Photo ©Wikimedia Commons/Rept0n1x

Vue du Fitzwilliam Museum à Cambridge. Photo ©Wikimedia Commons/Rept0n1x

À la recherche d’informations sur la toile entre 1908 et 1941

La Ronde enfantine est-elle Forest Scene ? Quelle est l’identité du propriétaire spolié ? C’est ce que va déterminer le Spoliation Advisory Panel avant de rédiger un rapport détaillé et des recommandations pour le secrétariat d’État au ministère de la Culture britannique, avant que soit prise toute décision de restitution ou d’indemnisation. D’ici-là, le Fitzwilliam Museum recueille jusqu’au 5 juin prochain toute information sur l’emplacement et la propriété de la toile entre 1908 et le 5 mai 1941. « La documentation et la recherche de nos collections est un processus en constante évolution et nous accueillons souvent les découvertes de chercheurs externes. », a déclaré le musée contacté par « Connaissance des Arts ». En 2017, le gouvernement britannique avait annoncé renouveler son engagement à restituer l’art spolié par les nazis aux propriétaires légitimes pour « bâtir une société plus juste ». Cette même année, le gouvernement estimait que 20 % des trésors culturels européens avaient été volés ou pillés par l’Allemagne nazie, notamment aux familles juives, et que plus de 100 000 de ces œuvres étaient toujours perdues.

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