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Reportage

Des Parisiens se mobilisent pour aider leur agriculteur

Les livraisons de producteurs locaux se multiplient dans les centres villes de plus en plus sensibilisés à l’alimentation durable. Le réseau Amap est l’un des plus connus et permet à un agriculteur de pérenniser ses revenus sur toute l’année. Parfois, cette sécurité ne suffit pas. A Paris, 26 membres créent un crowdfunding pour financer de nouvelles infrastructures. Reportage.

amap agriculteur paris
Les "amapiens" dans l'une des deux serres de Patrick, agriculteur. (D.R.)

Par Florent Vairet

Publié le 8 mai 2020 à 10:34Mis à jour le 11 oct. 2021 à 16:32

Chaque mercredi soir, confinement ou pas, les habitants du quartier Colonel Fabien, dans le 10e arrondissement de Paris, observent l’agitation dans le jardin Louis Blanc. Ils voient les allées et venues et ces personnes qui repartent le sac rempli de légumes. Une personne, elle, reste durant toute la distribution. C’est Patrick, agriculteur du Loiret et fournisseur de cette association qui se bat pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap). Chaque semaine, il (en rouge à droite sur la photo suivante) parcourt 130 kilomètres pour venir alimenter ces citadins. 

Les 26 Amapiens, comme on les appelle, payent douze euros pour chaque panier de légumes. C’est l’assurance de produits bio, locaux et de qualité. Mais être inscrit dans une amap, c’est aussi et surtout faire le choix de la solidarité. “Parfois on a beaucoup dans le panier, parfois on n’a pas beaucoup”, philosophe un membre de cette amap. Patrick livre ici toute sa production de la semaine. Lorsque la récolte n’est pas fameuse, les membres de l’association se partagent une plus petite quantité. 

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Patrick réalise la totalité de son “chiffre d’affaires” grâce à l’amap, si tant est que l’expression soit adaptée à une entreprise si peu portée sur le business. Autrement dit : les 26 paniers livrés chacune des 46 semaines (6 semaines de non livraison en été et à Noël) au prix de 12 euros génèrent 14.352 euros par an à l’agriculteur. Pas un euro de plus. Patrick n’a ni le temps, ni les ressources pour cultiver davantage et aller vendre sur un marché. Cette amap est une aubaine : elle lui assure un revenu régulier. “Avant, je n’avais pas un salaire tous les mois, c’était difficile”, confie l’agriculteur. “Il suffisait qu’il y ait des intempéries et les rendements chutaient.”

Durant leurs visites, les bénévoles prennent conscience du besoin de rénovation

En plus de s’engager toute l’année à acheter les paniers, les membres vont une fois par an à tour de rôle à Courtenay, sur l’exploitation du Loiret. Ainsi, ces freelances, intermittents ou autres salariés de startup ou de grandes entreprises se relaient pour aider Patrick à planter, récolter, arroser ou encore bricoler. “Nous autres petits Parisiens ne savons pas vraiment comment ça pousse”, reconnaît l’une d’entre eux. “Et on se rend compte des difficultés dues au maraîchage en bio, sans pesticides. Avec cette amap, on crée une proximité avec l'agriculteur. On ne peut pas le lâcher en cours de route.”

Patrick est seul à gérer ses deux serres. Alors quand l’un de ces urbains vient bâcher le sol pour préparer les cultures de tomates, l’aide est bienvenue. C’est d’ailleurs lors de ces relais de solidarité que les bénévoles remarquent que le système d’arrosage est défaillant. Patrick perd un temps précieux à le faire à la main. “Il est en galère constante”, confie un des bénévoles.

Une aide inattendue pour cet agriculteur

Car le problème est avant tout financier. Patrick aimerait investir pour travailler dans de meilleures conditions, mais se voit refuser les prêts des banques. “Nous, on souhaiterait qu’il puisse développer l’exploitation tout en améliorant ses conditions de vie”, explique un membre. Problème : Patrick est agriculteur, et pas de ceux qui payent un stand à VivaTech ou au Salon de l'agriculture pour présenter leur dernier drone agricole fonctionnant à l'intelligence artificielle. Son boulot c’est de faire pousser des fruits et des légumes. Et ça lui prend tout son temps. Lancer une campagne de crowdfunding en ligne, très peu pour lui.

La solidarité des 26 amapiens est alors récemment monté d’un cran. Ces jours-ci, ils ont lancé une cagnotte. Objectif : récolter 4.000 euros pour acheter une pompe à eau et ainsi lui libérer du temps. (ici si vous souhaitez contribuer)

A défaut de savoir correctement bêcher, ces actifs savent comment lever de l’argent dans notre monde connecté. Après quinze jours de lobbying dans leur réseau, ils ont déjà récolté 2.124 euros. Si les 4.000 euros sont atteints, les amapiens lanceront une deuxième campagne pour 3.000 euros en vue d’acheter une troisième serre et ainsi augmenter la production. Car comme on l’a vu, plus la production est grande, plus l’association peut accueillir de personnes. Cinq nouveaux membres, c’est 2.760 euros supplémentaires chaque année (5 x 12 x 46).

Florent Vairet

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