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« Déjà 7 % du chiffre d’affaires liés aux véhicules électriques »

Réactivité. Le directeur général explique comment le groupe est parvenu à dégager une forte rentabilité malgré un environnement difficile.

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Laurent Favre, Directeur général de Plastic Omnium (Christophe Audebert)
Publié le 23 juil. 2021 à 17:55
Laurent Favre, Directeur général

Dans quelle mesure Plastic Omnium a-t-il été pénalisé par la pénurie de semi-conducteurs ?

Nous achetons peu de semi-conducteurs, mais l’impact indirect a été très fort via la baisse des volumes produits par nos clients. On estime que 4 millions de véhicules, soit 10 % de la production automobile mondiale, ont été « perdus » et qu’ils auraient été commercialisés sans cette pénurie de semi-conducteurs. Ce n’est pas un problème de demande mais de chaîne logistique. Les niveaux de production automobile ont donc été largement en deçà, de 11 %, de ceux du second semestre 2020, et de 13 % si l’on se compare à une période d’avant-crise sanitaire, c’est-à-dire aux six premiers mois de 2019. A l’échelle de Plastic Omnium, nous avons perdu, du fait des arrêts de production de nos clients constructeurs, 550 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le semestre, soit environ 12 % de nos ventes. Cela ne nous a pas empêchés d’améliorer nos résultats.

Et les perturbations sur les matières premières et le fret ?

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Nous avons rencontré des difficultés à la fin du premier trimestre sur certains plastiques et sur des peintures. Depuis, on observe une stabilisation, mais les prix ont fortement monté sur certaines matières premières ou sur les conteneurs. Nos accords contractuels avec nos clients nous permettent de répercuter 50 % de ces hausses. Au-delà, nous devons négocier avec eux. Ensuite, c’est à nos équipes de travailler pour que cet impact sur les coûts ne se répercute pas sur nos résultats.

Dans ces conditions, quels leviers avez-vous actionnés pour améliorer nettement la marge ?

Notre marge opérationnelle, de 6,2 %, est en effet meilleure qu’en 2019, elle est même de 7,6 % dans notre activité Industrie. Tout d’abord, nous avions anticipé un semestre plus bas que la plupart des spécialistes. Quand IHS, l’institut de référence en la matière, tablait, au premier semestre 2021, sur une production de 42 millions de voitures, identique à celle des six derniers mois de 2020, nous avions une approche plus prudente, compte tenu d’effets d’aubaine sur le marché en fin d’année dernière et de premiers signes de dégradation du marché des semi-conducteurs. Nous avions donc redimensionné en conséquence la structure de coûts de Plastic Omnium. Par ailleurs, la société a toujours eu la volonté d’avoir un modèle flexible avec un recours à l’intérim de l’ordre de 20 %, qui peut atteindre de 30 % à 40 % dans certains pays. Même chose dans les centres de R&D, où nous pouvons avoir recours aux prestataires extérieurs. Cette flexibilité nous a permis de réagir vite, alors que certains de nos clients constructeurs nous ont informés, parfois du jour au lendemain, qu’ils allaient stopper la production de certaines usines. Parallèlement, nous avions lancé, l’an dernier, notre plan de transformation « Omega », qui vise à affûter notre organisation pour la rendre plus agile et compétitive, notamment en nous digitalisant davantage ou en améliorant notre politique d’achats. Le but est de dégager 200 millions d’euros d’économies en année pleine à la fin de 2022. Cette année, nous serons à 100 millions, dont 50 millions au premier semestre. Le marché automobile se transforme plus vite qu’anticipé, c’est l’effet Covid. Les véhicules sont de plus en plus électrifiés, plus connectés et plus autonomes. Il est indispensable d’investir davantage dans l’innovation, et, pour cela, il faut accroître nos marges.

Cela veut-il dire qu’avec un retour à une activité plus élevée vous pourriez dégager une rentabilité plus forte qu’en 2019 ?

Oui, on peut faire mieux, et nous avons d’ailleurs revu à la hausse nos perspectives annuelles à l’occasion de la publication de nos résultats semestriels. Nous avons une capacité industrielle qui nous permettrait de produire davantage. Ainsi, sur la base de nos prévisions d’une production automobile mondiale de 77 millions de véhicules en 2021, nous pourrions absorber un volume de production supplémentaire d’au moins 20 % à 25 %. Cela signifie que, globalement, nous avons besoin de peu d’investissements, ce qui est bien sûr très favorable pour la génération de cash-flow libre. Evidemment, la situation est différente selon les régions. Par exemple, en Chine, où nous sommes en forte croissance, nous construisons une 33e usine. En ce qui concerne le marché automobile, nous sommes convaincus que nous ne reviendrons pas au niveau d’avant-crise avant 2023-2024. En Amérique du Nord, où la demande est très forte, nous retrouverons rapidement des niveaux proches de ceux de 2019, une fois la pénurie de semi-conducteurs résolue. La Chine les a déjà retrouvés. L’Europe mettra plus de temps.

Les problèmes qui, il y a deux ans, avaient affecté votre usine de Greer, aux Etats-Unis, sont-ils réglés ?

Elle est revenue à l’équilibre au premier semestre, plus vite que prévu, contribuant ainsi au redressement de la rentabilité globale, même si nous sommes encore loin des performances de la moyenne de nos usines. C’est l’une des plus grosses unités du groupe, avec plus de 300 millions de chiffre d’affaires. Nous l’avons ramenée aux « standards Plastic Omnium » au niveau de la qualité, de la logistique et avec une même priorité : le client. Maintenant, nous avons la capacité pour produire plus. La prochaine étape, c’est d’engranger des commandes pour améliorer la profitabilité. Nous venons d’obtenir quelques gros contrats avec General Motors, notamment.

Après ce bon premier semestre, vous avez relevé vos prévisions annuelles, mais seulement à la marge. Pourquoi ?

Si l’on se base uniquement sur la performance du premier semestre, cela peut paraître timide, mais cette prévision s’appuie notamment sur le fait que nous ne percevons pas d’amélioration nette du côté des semi-conducteurs au cours du second semestre. Par ailleurs, le coût des matières premières continue d’augmenter, et on observe une inflation des salaires aux Etats-Unis sous l’effet de la pénurie de main-d’œuvre. Augmenter légèrement notre « guidance » est une preuve de volontarisme et de confiance.

Vous avez réalisé 7 % de votre chiffre d’affaires dans les véhicules 100 % électriques. Comment faites-vous, alors que l’un de vos gros débouchés est la vente de réservoirs ?

Ce chiffre est nettement supérieur aux 5 % que représente cette motorisation dans la production automobile mondiale au premier semestre. Nous sommes surexposés à l’électrique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nos produits sont présents sur toutes les grosses plateformes de véhicules de ce type. Les constructeurs allemands, qui représentent près de la moitié de notre chiffre d’affaires, ont décidé d’aller rapidement vers l’électrique. Notre premier client est Volkswagen, si l’on raisonne au niveau des groupes, et Mercedes, si l’on s’intéresse aux marques. Nous bénéficions ainsi de la dynamique de notre portefeuille de clients, qui développe ce type de voitures plus vite que le reste du marché. Nous avons ensuite les technologies sur les pièces extérieures et les modules qui répondent aux besoins spécifiques de l’électrique, notamment pour augmenter l’autonomie via l’allégement et l’aérodynamisme. Nous avons aussi pour clients tous les purs spécialistes de l’électrique comme Tesla, Nio, Polestar…

Le développement de l’électrique va entraîner une baisse inexorable de votre importante activité Réservoirs. Vous misez sur l’hydrogène, mais celui-ci n’arrivera-t-il pas trop tard pour compenser ce déclin ?

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L’Europe, très volontariste sur l’électrification, ne représente que 20 % du marché automobile mondial. Le processus sera plus lent ailleurs. Nous prévoyons que les voitures 100 % électriques ne représentent que 15 % du marché mondial en 2025 et 30 % en 2030 ; 70 % des voitures vendues auront donc encore un réservoir en 2030. Nous avons encore des sources de croissance dans les cinq à sept prochaines années sur les réservoirs pour véhicules thermiques. 12 % du marché du réservoir est encore en acier, notamment chez les constructeurs asiatiques. Par exemple, nous venons de gagner un contrat pour équiper les pick-up de Mitsubishi qui vont passer au plastique. Nous pensons augmenter notre part de marché dans les réservoirs pour la faire passer de 22 % à 28 %, ce qui compensera le recul des motorisations thermiques. Nous avons aussi des opportunités avec les hybrides, qui vont continuer de croître en Asie et en Amérique du Nord. De même, les diesels vont disparaître en Europe mais continueront de se développer ailleurs en utilisant des systèmes SCR de réduction des émissions polluantes comme ceux que nous commercialisons. L’activité historique de Réservoirs de Plastic Omnium devrait donc continuer de croître légèrement quelques années encore avant d’atteindre un plateau puis de baisser. Autre point important à noter, Plastic Omnium, dans son ensemble, réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires en Europe, mais celle-ci ne représente qu’un tiers de l’activité Réservoirs. Cela reste une activité intéressante, génératrice de cash, qui nous permet notamment de financer nos investissements d’avenir dans l’hydrogène, sur lequel nous visons un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros en 2025 et de 3 milliards en 2030. C’est plus que l’activité Réservoirs pour moteurs à combustion de Plastic Omnium aujourd’hui. Les volumes ne seront pas les mêmes, mais la valeur non plus : nous vendons 100 € un réservoir pour voiture à essence, c’est de l’ordre de 2.000 € pour un système de stockage hydrogène pour une voiture, 10 fois plus pour un camion et encore davantage pour un train. Dans un système à hydrogène, le stockage représente une part importante. Nous pouvons ainsi nous développer sur de nouveaux types de mobilité pour nous : bus, camions, trains… Ils représenteront près des deux tiers de nos ventes dans l’activité Hydrogène en 2030, l’autre tiers étant assuré par les voitures particulières. Notre hypothèse est que 1,5 million de voitures particulières à hydrogène seront vendues dans le monde en 2030. Nous serons présents dans le stockage, qui représentera entre 30 % et 40 % de la chaîne de valeur de l’hydrogène, où nous visons une part de marché mondial de 25 %. Pour les piles à combustible et les systèmes de gestion, nous ambitionnons une part de marché plus faible, de l’ordre de 10 % à 15 %, étant entendu que certains constructeurs voudront sans doute développer eux-mêmes ces éléments. 

La question qui dérange

Les familles qui contrôlent l’équipementier allemand Hella auraient mandaté Rothschild en vue de la cession du contrôle du groupe. Seriez-vous intéressé ?Je ne commente pas les rumeurs. Je peux seulement rappeler que, depuis quinze ans, nous collaborons avec Hella au sein d’une coentreprise. De manière plus générale, l’accélération de la transformation de l’industrie automobile va entraîner une consolidation parmi les équipementiers et les constructeurs. Plastic Omnium a l’ambition et la capacité d’y prendre une part active. Le groupe l’a prouvé : la moitié de notre croissance depuis vingt ans provient d’acquisitions. 

PROPOS RECUEILLIS PAR RÉMI LE BAILLY

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