Coupe du monde : viré pour avoir évoqué l'opposant russe Navalny
Leonid Sloutskii, commentateur du mondial à la télévision russe, a annoncé son départ. Dans une plaisanterie, il avait mentionné le leader de l'opposition en plein direct.
En plein match et en plein direct sur Pervii Kanal, l'une des deux grandes télévisions publiques russes, il avait osé évoquer le nom du leader de l'opposition anti-Kremlin . La sanction n'a pas tardé.
Leonid Sloutskii, entraîneur recyclé en commentateur, qui a mentionné Alexeï Navalny en plein match, vient lui-même d'annoncer la fin de sa collaboration. « Hélas, pour moi, je termine mon travail avec Pervii Kanal parce que je dois me consacrer à une autre activité », a-t-il laconiquement expliqué sur le site de la télévision, peu après la victoire de la Russie contre l'Egypte hier soir.
Derrière cette annonce, tout le monde a compris. Leonid Sloutskii a été viré.
« Navalny joue au foot ? »
Sa bévue remonte à dimanche soir lorsque, commentant le match Allemagne-Mexique, il a glissé le nom d'Alexeï Navalny dans une plaisanterie avec son collègue à l'antenne. Celui-ci a conseillé aux joueurs allemands, pris à la gorge par les Mexicains, d'opter pour un « football Navalny », plus offensif.
Du tac au tac, sans trop réfléchir, Leonid Sloutskii a répliqué : « Navalny joue au foot ? Ce serait intéressant à voir… ». Les deux hommes ont vite compris leur fatale erreur car ils ont alors enchaîné sur une conversation sportive plus classique.
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Leonid Sloutskii a en fait brisé un tabou. Les télévisions publiques, au service du Kremlin, s'efforcent en effet d'ignorer Alexeï Navalny, l'un des chefs d'orchestre des grandes manifestations d'opposition de 2011-2012. Lorsqu'il est interrogé à son sujet, le président Vladimir Poutine prend lui aussi un malin plaisir à répondre sans jamais citer directement son nom.
Appel à manifester
Ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, Alexeï Navalny est pourtant très actif. Alors que la fronde monte au sein de la population contre le projet gouvernemental d'augmenter l'âge de la retraite, il vient d'appeler à manifester le 1er juillet, à Moscou et dans d'autres villes.
Mais, résultat des silences de la télévision, principale source d'information de la population, la plupart des Russes, surtout loin des villes et des réseaux sociaux, ne connaissent pas Alexeï Navalny ou le perçoivent tel qu'il est présenté par les autorités, en provocateur à la marge.
Lors de la présidentielle de mars dernier, le leader de l'opposition n'avait d'ailleurs pas pu se présenter . « Trop dangereux ! Il aurait pu parler à la télévision et donner des mauvaises idées aux Russes… », avait alors confié aux Echos une source proche du Kremlin. Une précaution oubliée par Leonid Sloutskii dans la fièvre du football.
Benjamin Quénelle (Correspondant à Moscou)