Et si vous sauviez un monument en achetant un jeu à gratter ? Depuis 4 ans, voilà comment la Fondation du Patrimoine et la Mission Bern, en partenariat avec la Française des Jeux, ont réussi à rassembler près de 127 millions d’euros pour la sauvegarde des sites patrimoniaux français en danger. La Fondation vient de révéler les noms des 18 bâtiments considérés comme prioritaires en matière de restauration. Habituellement, chaque région et chaque collectivité d’outre-mer voit l’un de ses sites sélectionnés, afin que l’ensemble du territoire français soit traité sur un pied d’égalité. Cette année, Mayotte n’a pas été représentée, la Guadeloupe bénéficie donc d’un site patrimonial supplémentaire au sein de la sélection. La somme attribuée à chacun des sites sera annoncée lors des Journées européennes du Patrimoine, qui doivent se tenir les 18 et 19 septembre prochains.
Une année 2020 fructueuse
Au cours de cette année, 670 nouveaux sites patrimoniaux à restaurer ont été signalés à la Mission Bern via son site internet, www.missionbern.fr. Cette plateforme est dorénavant accessible toute l’année et n’importe qui peut effectuer un signalement, lorsqu’il repère un monument à l’abandon. Plus de 4000 bâtiments ont ainsi pu être identifiés, et leur état de dégradation documenté, depuis le lancement de la Mission en 2018. 527 sites ont pu être aidés financièrement, 182 chantiers sont en cours et 78 restaurations sont d’ores et déjà terminées. Ces projets sont financés à hauteur de 69 millions d’euros par l’achat de tickets de loto et de jeux à gratter « Mission patrimoine », qui seront, cette année, lancés en septembre. Le ministère de la Culture fournit également une somme importante : 43 millions d’euros en 2020, qui s’ajoutent aux mécénats privés et aux collectes de dons. L’argent récolté au cours de l’année 2021 ira donc en partie aux 18 « sites emblématiques » qui viennent d’être sélectionnés, mais aussi à une centaine d’autres projets plus modestes dits « de maillage » dont la liste sera annoncée en septembre prochain.
Les monuments sélectionnés
La dotation du Loto du Patrimoine permettra de consolider et de restaurer un certain nombre d’édifices, mais aussi de les intégrer aux parcours de visite locaux, afin d’en faire des lieux historiques visitables en toute sécurité.
AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
La ferme de Villarivon aux Chapelles, Savoie
Le premier site, situé en Savoie, est une ferme d’une riche famille de la fin du XIXe siècle, dont la façade décorée dans un style italien, aujourd’hui très dégradée, tranche avec l’architecture montagnarde environnante. En très mauvais état, elle est un témoignage édifiant de la transformation économique savoyarde et de l’enrichissement de certaines familles au début du XXe siècle.
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ
La maison Louis Pasteur à Arbois, Jura
La maison de Louis Pasteur à Arbois, dans le Jura, figure également parmi les sites prioritaires de cette quatrième édition. Le chercheur y a notamment travaillé sur les maladies de la vigne, dans son laboratoire, conservé tel quel. Menacée d’effondrement en raison de sa proximité avec une rivière, elle deviendra, à terme, un haut lieu du patrimoine scientifique français.
BRETAGNE
Le poste directeur de tir de la cité d’Alet à Saint-Malo, Ille-et-Vilaine
Base militaire stratégique depuis l’Antiquité, le poste de tir de la cité d’Alet à Saint-Malo, en Bretagne, bénéficiera de financements pour retrouver son état de 1944. À cette époque, cet avant-poste permettait de sécuriser l’accès à la ville fortifiée et est rapidement capturé par les Allemands. Outre les problèmes de corrosion qui touchent les parties en acier du site, le projet de restauration permettra de retracer son histoire militaire, depuis la Gaule romaine jusqu’à l’Occupation.
CENTRE-VAL DE LOIRE
Le musée Marcel Proust – Maison de la tante Léonie à Illiers-Combray, Eure-et-Loir
La Mission Bern a également sélectionné le musée Marcel Proust, à Illiers-Combray. Maison de vacances de l’écrivain, qui lui inspire notamment A la recherche du temps perdu, elle est un lieu de pèlerinage pour de nombreux amoureux des lettres. En proie à l’humidité, sa façade décorée de carreaux de faïence présente de nombreuses fissures.
CORSE
Couvent de Marcassu à Cateri, Haute-Corse
En Haute-Corse, le couvent de Marcassu, construit au XVIIe siècle, est un haut lieu de la vie religieuse et culturelle de la région. Classé Monument historique, cette immense bâtisse de 1500 m² accueille de nombreux événements mais est aujourd’hui menacée par le très mauvais état de sa toiture, qui doit être entièrement refaite.
GRAND EST
Maison de maître de forge à Rupt, Haute-Marne
Direction le Grand-Est, avec la maison de maître de forge de Rupt, que la Mission Bern entreprendra également de restaurer. Capitale pour l’organisation industrielle de la région, cette bâtisse est emblématique de l’histoire de l’Alsace-Lorraine, très liée aux métiers du fer. Si aucune action d’ampleur n’est menée, elle pourrait s’effondrer entièrement d’ici 3 ans, alors que certaines parties de l’édifice sont d’ores et déjà en ruines.
HAUTS-DE-FRANCE
Église Saint-Jean-Baptiste de Steenwerck, Nord
Le style romano-byzantin de l’église Saint-Jean-Baptiste de Steenwerck, dans le département du Nord, est, à bien des égards, atypique. Inspirée par le Sacré-Cœur de Montmartre, elle occupe une place importante dans la vie culturelle de la ville mais est sujette à des chutes de débris de ciment.
ILE-DE-FRANCE
Les écuries de Richelieu à Gennevilliers, Hauts-de-Seine
Derniers vestiges de l’immense domaine du cardinal de Richelieu, ministre très influent de Louis XIII, les écuries, aujourd’hui situées à Gennevilliers, sont dans un état de délabrement avancé. La valorisation du site passera par une consolidation de l’édifice, très abîmé par le temps, et par sa transformation en maison des métiers d’art (lutherie, restauration de meubles, etc.).
NORMANDIE
Vieux-Château du Neubourg, Eure
Place-forte médiévale située en plein cœur du duché de Normandie, le Vieux-Château du Neubourg obtiendra lui aussi une dotation prioritaire. Construit vers l’an mil, il présente aujourd’hui des défauts de charpente et de couverture qu’il s’agira de traiter afin d’accueillir un musée consacré au docteur Auzoux, qui a inventé les modèles anatomiques démontables, encore utilisés aujourd’hui.
NOUVELLE-AQUITAINE
Poterie à Gradignan, Gironde
La poterie de Gradignan en Gironde, avec ses trois fours-bouteilles, était à la pointe de la technologie lors de sa construction au milieu du XIXe siècle. Faute de consolidation, son étage reste inaccessible et contraint fortement l’association de poterie qui y exerce en faisant perdurer le savoir-faire local depuis plusieurs décennies.
OCCITANIE
L’église abbatiale Sainte-Marie de Souillac, Lot
Bâtie au milieu du XIIe siècle, l’église abbatiale Sainte-Marie de Souillac est caractéristique de l’architecture romano-byzantine du Lot mais souffre d’infiltrations d’eau et de végétaux. Centrale dans l’histoire médiévale du Haut-Quercy, elle nécessite de nombreuses consolidations et sera au cœur de la future politique de valorisation patrimoniale de la cité de Souillac.
PAYS DE LA LOIRE
Le château du Haut-Buisson à Cherré-Au, Sarthe
Vandalisé, en proie aux infiltrations et aux animaux sauvages, le château du Haut-Buisson à Cherré-Au dans la Sarthe a perdu tout son faste d’antan. Résidence de la princesse Alice de Monaco, il était pourtant réputé au milieu du XXe siècle comme étant un édifice luxueux et moderne.
PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
Les chapelles de l’Annonciation et de l’Assomption de La Brigue, Alpes-Maritimes
Fragilisées par la tempête Alex qui a frappé l’Europe l’année dernière, les chapelles baroques de l’Annonciation et de l’Assomption de La Brigue, construites au XVIIIe siècle, sont dans un état critique. Leurs riches décors faits de statues, de fresques et de faux marbres sont mis en péril par les infiltrations d’eau causées par les trous de la toiture.
GUADELOUPE
La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Pointe-à-Pitre
Construite initialement en 1807, la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Pointe-à-Pitre est le plus grand édifice religieux de Guadeloupe. Sa façade néoclassique est complétée par un intérieur néogothique et une nef d’une hauteur impressionnante. Le chantier le plus urgent est celui de la mise en sécurité de la cathédrale vis-à-vis des tremblements de terre, fréquents en Guadeloupe.
GUADELOUPE
Le moulin à vent de la sucrerie Roussel-Trianon à Marie-Galante
La culture esclavagiste du sucre a durablement marqué l’histoire et l’architecture des Antilles, comme en témoigne le moulin à vent de la sucrerie Roussel-Trianon à Marie-Galante, en Guadeloupe. Abandonné lors du déclin de l’industrie sucrière à la fin du XIXe, ce vestige de l’exploitation coloniale est globalement menacé par les intempéries et la végétation.
MARTINIQUE
La Villa Didier à Fort-de-France
La Villa Didier de Fort-de-France, en Martinique, témoigne de l’émergence de l’architecture moderniste (1927-1968) en Martinique. Cette très belle demeure présente pourtant une peinture très écaillée et une étanchéité très limitée. L’ensemble de ces travaux permettront d’accueillir des artistes en résidence dans une partie de la bâtisse.
GUYANE
Le musée Alexandre Franconie, Cayenne
Véritable concentré d’histoire guyanaise, le musée Alexandre Franconie de Cayenne est menacé par la mauvaise évacuation des eaux pluviales. Construit par la famille Franconie, une famille métissée dont le fils, Paul-Gustave Franconie, sera élu député de Guyane en 1879, le musée retrace 500 ans de l’histoire de la Guyane, des autochtones précoloniaux jusqu’au tristement célèbre bagne, en passant par les traditions locales.
LA RÉUNION
L’ancien pénitencier pour enfants de l’îlet à Guillaume
Récemment étudié par les archéologues de l’Inrap, le bagne pour enfants de l’îlet à Guillaume à La Réunion fait également partie des 18 sites prioritaires. Situé en pleine montagne, il était administré par des frères spiritains chargés de « corriger » les enfants qui y étaient envoyés. Plus de 3000 enfants ont été sujets à ce « redressement » qui incluait de nombreuses tâches physiques, notamment la construction de bâtiments sur le domaine de 5 hectares du pénitentiaire.