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Entre Glencore et le Tchad, un bras de fer à un milliard de dollars

En grandes difficultés depuis l'effondrement du prix du pétrole, le pays d'Afrique centrale cherche à restructurer un emprunt colossal contracté auprès du leader mondial du négoce de matières premières.

Par Muryel Jacque

Publié le 11 déc. 2017 à 18:13

Depuis plusieurs mois, c'est un bras de fer hors norme qui se joue en secret dans le monde des matières premières. Le Tchad, l'un des pays les plus pauvres au monde, cherche à négocier la restructuration d'un emprunt de plus d'un milliard de dollars gagé sur du pétrole, contracté en 2014 auprès du géant du négoce Glencore qui s'est associé à un pool de banques. Les discussions sont dans l'impasse depuis fin novembre, après que des propositions faites d'un côté ou de l'autre ont été écartées. « Glencore, de même que les autres créanciers, sont convaincus de pouvoir parvenir rapidement à un accord », indique pour autant une personne proche des pourparlers.

Pour le Tchad, le temps est compté. Producteur depuis 2003, le pays, dont l'économie est devenue ultra-dépendante des revenus du pétrole, est en grandes difficultés depuis l'effondrement du prix du baril. N'Djaména doit trouver un terrain d'entente avec le premier trader de matières premières de la planète. Car, le Fonds monétaire international (FMI), qui a lancé un nouveau programme d'aide en faveur du Tchad en juin, a conditionné son prochain versement à la renégociation de la dette du pays… dette constituée pour plus de moitié par l'emprunt réalisé auprès de Glencore. Sans cette restructuration, « la dette est insoutenable », assure le FMI. Le pays risque le défaut de paiement.

Une dette remboursée en pétrole

Retour sur l'année 2014. Pour acheter au groupe Chevron la part qu'il détient dans le principal consortium pétrolier du pays, le gouvernement fait appel à Glencore. Le trader est présent dans le pays depuis deux ans, où il possède des actifs et commercialise le brut, et lui a déjà prêté 600 millions de dollars. Un accord de prépaiement pétrolier est alors passé entre la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) et la branche commerciale du groupe suisse, pour un montant de 1,45 milliard de dollars - l'équivalent de près de 15 % du PIB de l'Etat africain. Pour financer la transaction, Glencore s'associe à plusieurs banques internationales, dont Natixis et Société Générale. Le Tchad doit rembourser la dette en cargos de pétrole.

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« En général, tout fonctionne bien… sauf quand les prix baissent, admet un spécialiste de ce type de financements, courants dans le négoce de matières premières. Car les Tchadiens doivent alors livrer davantage pour rembourser et perdent de la capacité à générer du cash. « Les clauses du contrat ont fait que tout le pétrole tombait entre les mains de Glencore qui le commercialisait », retrace une source proche de la SHT. Aujourd'hui, « ce contrat, qui s'apparente à un contrat toxique, asphyxie le budget de l'Etat ». Sous pression, le gouvernement a fait appel en mai à la banque Rothschild et au cabinet d'avocats Cleary Gottlieb pour l'aider à négocier un moratoire, un rééchelonnement ou une réduction des intérêts. Le président de la République du Tchad Idriss Déby (au pouvoir depuis 1991), lui-même, s'est montré critique. « Je dois reconnaître que le prêt obtenu de Glencore était une démarche irresponsable », lâche-t-il en juin dans une interview au « Monde ».

Montrer ses muscles

Ces derniers mois, « chacun a montré ses muscles » commente un bon connaisseur du dossier. Le Tchad aurait ainsi décidé de confier à partir de janvier une partie de la commercialisation de son pétrole à ExxonMobil. Dans une lettre adressée au ministre des Finances du Tchad mi-novembre et vue par « Les Echos », Glencore évoque « une frustration grandissante quant à la manière dont les négociations ont été menées » par les conseillers de la République. De son côté, la source proche de la SHT assure que « les contraintes du programme du FMI ne permettent pas au Tchad plus de flexibilité ».

Au Paris, le Trésor et le Quai d'Orsay suivent l'affaire. Aux côtés du FMI, de l'UE ou de la Banque mondiale, la France est en effet l'un des principaux bailleurs de fonds du Tchad. Celui-ci joue en outre un rôle important dans la région dans la lutte contre Boko Haram ; il fait partie de la nouvelle force antidjihadiste G5 Sahel dont le président Macron veut accélérer le déploiement.

Muryel Jacque

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