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Critique

« Decision to Leave » : comment te dire adieu (en coréen)

Sur un canevas d'enquête criminelle, le metteur en scène d'« Old Boy » se lance dans un exercice de style impressionnant. Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, « Decision to Leave » est un film retors et virtuose, une histoire de mort et d'amour qui finit.

Tang Wei, dans le ballet sensuel de « Decision to Leave ».
Tang Wei, dans le ballet sensuel de « Decision to Leave ». (©2022 Bac Films Distribution/youngukjeon)

Par Adrien Gombeaud

Publié le 28 juin 2022 à 17:00Mis à jour le 28 juin 2022 à 17:42

Vous est-il arrivé d'être en retard au cinéma ? On pousse la porte de la salle comme on saute d'un train en marche. Les yeux mal habitués à l'obscurité, on confond les sièges et les genoux. Les premières minutes de « Decision to Leave » reproduisent ce sentiment étrange, de vertige et de déphasage. Le film vient de commencer, pourtant on s'y sent comme parachuté ou brutalement tiré d'un rêve.

Notre héros, Hae-joon, est d'ailleurs insomniaque. Flic de la police de Busan, il passe ses nuits en planque, à surveiller de parfaits innocents. Hélas, soupire-t-il, il n'y a pas assez de crimes pour occuper son temps ! Voyeur blasé, il est marié à la belle Jung-an depuis plusieurs années. Malheureusement, pour des raisons professionnelles, elle vit loin de Busan et ils ne se retrouvent que le week-end. Un jour, enfin, une drôle d'affaire le tire de la routine et de l'ennui : un homme est retrouvé écrabouillé au pied d'une montagne. Est-il tombé ? A-t-il sauté ? Et s'il avait été poussé ? L'enquête conduit Hae-joon vers l'épouse de la victime. Seo-rae est une intrigante immigrée chinoise qui s'occupe de personnes âgées. Elle possède un alibi… Cependant, en l'interrogeant, Hae-joon se sent irrésistiblement attiré par elle. Et elle par lui. Commence alors un ballet troublant et sensuel. Va-t-il tenter de laver les derniers doutes qui pèsent sur elle ? A moins, au contraire, qu'il ne continue de la soupçonner pour la maintenir auprès de lui.

Diablement sexy

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« Decision to Leave » est le onzième long-métrage de Park Chan-wook. Metteur en scène majeur de son époque, il s'est révélé à l'étranger dans la grande vague du cinéma coréen des années 2000. Entre Hong Sang-soo, Bong Joon-ho, Lee Chang-dong et quelques autres… Park Chan-wook était certainement le plus cinéphile. Avant de réaliser des succès comme « Old Boy » (2003) ou « Mademoiselle » (2016), il fut longtemps critique. On lui doit notamment le classique des rayons cinéma des librairies coréennes : « Vidéodrome : le charme discret du spectateur ». « Decision to Leave » respire de cette culture et de ses goûts. Avec sa femme fatale et son flic borderline, le montage nous égare dans des reflets du « Vertigo » d'Hitchcock, de « Mort à Venise » de Visconti… et bien sûr dans l'étrangeté de Luis Buñuel. Tourné vers les maîtres du passé, Park signe un film de son temps. « Decision to Leave » jongle très habilement avec des incrustations de téléphones portables, montres connectées et autres messages écrits sur des applications. Ses flous, textures soyeuses, superpositions de voix font aussi de « Decision to Leave » une oeuvre diablement sexy, qui ne franchit jamais la frontière de l'érotisme.

OEil de poisson

Enfin, le titre nous l'indique, « Decision to Leave » décrit un amour qui finit. L'enquête criminelle n'a finalement que peu d'importance et le scénario aurait sans doute gagné à y élaguer des rebondissements superflus. Si Park Chan-wook filme une mort, c'est celle d'un couple qui l'intéresse. Il osera même ce plan d'un homme et d'une femme à travers l'oeil torve d'un poisson sur un lit de glace. Le plus grand suspense du film tient dans son titre : quand tout est terminé, comment prendre la décision de s'en aller ? Cette histoire s'achèvera sur une plage et une symphonie de Mahler. On songe au poème de Cendrars intitulé « Tu es plus belle que le ciel et la mer » et à ses premiers vers : « Quand tu aimes il faut partir. » Tâchez d'arriver à l'heure.

Decision to Leave

film SUD-coréen

de Park Chan-wook.

Avec Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo. 2 h 18.

Adrien Gombeaud

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